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Relancer le pouvoir d’achat : 
Ne bloquons pas l'entrée 
d'un marché à de nouveaux acteurs !
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Comment doper le pouvoir d'achat

Deuxième partie de notre série en cinq volets consacrée à la relance du pouvoir d'achat. Ce mardi, une solution iconoclaste : développer les secteurs du low-cost et des médicaments sans ordonnances.

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe

Emmanuel Combe est vice-président de l'Autorité de la concurrence et professeur affilié à ESCP-Europe. Il est également professeur des universités.

Spécialiste des questions de concurrence et de stratégie d’entreprise, il a publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost (Le low cost, éditions La Découverte 2011). Il tient à jour un site Internet sur la concurrence.

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A lire le 1er épisode :
Pour relancer le pouvoir d'achat des Français, il faut encourager la concurrence

Les baisses de prix sont souvent initiées par de nouvelles entreprises, qui entrent sur le marché avec des modèles économiques différents. Ainsi, au cours de la décennie 2000, le low cost ou le commerce en ligne sont venus tirer l’ensemble des prix vers le bas. Plus récemment, l’entrée de Free a entraîné une baisse des prix sur l’ensemble des forfaits de téléphonie mobile.

Face à ces nouveaux modèles, les pouvoirs publics doivent adopter une attitude équilibrée : ils ne doivent pas entraver leur développement, au travers de réglementations trop "malthusiennes", tout en veillant à ce que les nouveaux opérateurs respectent pleinement les règles de droit qui s’imposent à tous.

Premier exemple :  le low cost, modèle qui a conquis une majorité de Français puisque 61% d’entre eux disent par exemple fréquenter le hard discount. Ce modèle repose avant tout sur une véritable innovation organisationnelle consistant à simplifier à l’extrême un produit ou service, ce qui permet de faire baisser les coûts et, par translation, les prix.

Il ne s’agit donc pas, comme on l’entend trop souvent, d’un modèle "artificiel" prospérant sur l’exploitation des salariés ou le non respect des règles de droit : ainsi, la compagnie américaine Southwest Airlines est réputée pour la sécurité et la ponctualité de ses vols, tandis que ses salariés sont majoritairement syndiqués et bénéficient de conditions de travail et de rémunération équivalentes à celles des compagnies classiques.

Pour autant, il faut bien admettre que le modèle low cost a connu des dérives, en particulier lorsque des entreprises ont baissé leurs coûts artificiellement, au mépris des règles en vigueur en matière de droit du travail ou de la consommation. Par exemple, le récent événement du nuage de cendres en avril 2010 a montré que certaines compagnies low cost ne se conformaient pas aux règles européennes relative à l’indemnisation des passagers. Comme l’a rappelé clairement la Commission européenne, "il n'y a pas de droits des passagers au rabais pour les compagnies à bas coûts" : il appartient aux pouvoirs publics de faire respecter les règles par tous les acteurs, low cost ou non, au besoin en usant de sanctions.

Si par conséquent le low cost –comme toute activité économique en développement– n’est pas exempt de reproches et dérives, il ne mérite pas pour autant un discours ostracisant. En réalité, un pays comme la France n’a pas à choisir entre le low cost et les produits de gamme, car les deux sont complémentaires. La France peut continuer à être la patrie du luxe et de l’excellence, tout en misant sur le low cost dans certains secteurs. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’en Allemagne le low cost est beaucoup plus développé qu’en France, notamment dans l’aérien et la distribution alimentaire... ce qui n’empêche pas les Allemands d’avoir une production industrielle réputée pour sa qualité ! 

Second exemple : la vente de médicaments sans ordonnance. La vente de médicaments fait l’objet d’une réglementation très stricte en France, ce qui est tout à fait justifié, compte tenu des spécificités du produit et des risques liés à la santé publique : monopole pharmaceutique (les médicaments ne peuvent être vendus que par un pharmacien), monopole officinal (seuls les pharmacies sont habilitées à vendre des médicaments), numerus clausus (dans l’accès à la profession et la répartition géographique des officines), indivisibilité de la propriété et de la gérance.

Pour autant, sans tomber dans les excès de la déréglementation, il est possible d’injecter une dose de concurrence sur un segment du marché : celui des médicaments à prescription médicale facultative (appelés aussi "PMF"), qui ne nécessitent pas la consultation préalable un médecin, à l’image de l’aspirine. Le marché des médicaments à PMF est estimé en France en 2010 à 5 milliards d’euros, dont 2 milliards en automédication ; sur ces 5 milliards d’euros, 2 milliards ne font l’objet d’aucun remboursement, ce qui signifie que leur prix est fixé librement et que la dépense est  supportée directement par le patient.

Il paraît difficile de justifier le monopole officinal sur ce type de médicament : pourquoi ne pourraient-ils être vendus en dehors des pharmacies puisqu’ils peuvent être utilisés de manière autonome par le patient ? On  peut d’ailleurs noter que dans les pays nordiques, la vente de médicaments à PMF est sortie du monopole officinal, sans que des problèmes de sécurité aient été à déplorer. L’argument selon lequel les clients doivent absolument bénéficier du conseil d’un pharmacien peut être d’ailleurs aisément résolu : il suffit d’imposer aux nouveaux distributeurs la présence d’un diplômé en pharmacie sur le lieu de vente.

L’ouverture à la concurrence des médicaments à PMF conduirait à l’entrée de nouveaux acteurs qui feraient baisser les prix. Ainsi, en Italie, la réforme introduite en 2006  a autorisé les établissements commerciaux alimentaires ou non alimentaires (essentiellement parapharmacies et grandes surfaces) à vendre des médicaments sans ordonnance : selon plusieurs estimations convergentes,  cette libéralisation a conduit à des baisses de prix significatives, de l’ordre de 20% en moyenne.

L’effet concurrentiel est d’autant plus probable en France que les prix des médicaments PMF ont tendance à augmenter lorsqu’ils ne font plus l’objet d’un remboursement. Si l’on applique le même ordre de baisse de prix qu’en Italie –soit 20%- le gain annuel pour les consommateurs avoisinerait 400 millions d’euros.  Par extrapolation, si l’ensemble du marché des médicaments à PMF venait à être un jour déremboursé, le gain serait proche du milliard d’euros.

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