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Cop 23 à Bonn : ce « léger » problème de pollution au charbon sur lequel l’Allemagne ferme pudiquement les yeux
©Reuters

Ecologie

L'Allemagne a fait le choix de sortir du nucléaire mais le charbon, lui, a encore de beaux jours devant lui.

Grégory Lamotte

Grégory Lamotte

Grégory Lamotte, fondateur de Comwatt, est un expert énergéticien régulièrement auditionné à l'Assemblée nationale sur les questions liées à la transition énergétique et à la décentralisation des moyens de production d’électricité renouvelable. Spécialiste des énergies renouvelables depuis plus de quinze ans, Grégory Lamotte a développé une offre unique basée sur l'autoproduction et l'autoconsommation grâce à l’internet de l’énergie.

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Atlantico : L'Allemagne accueille là 23e COP à Bonn à partir du 15 novembre. Outre-Rhin, un virage radical a été opéré après Fukushima dans le domaine énergétique avec la mise en place d'une transition écologique et un abandon de l'énergie nucléaire et à plus long terme carbonée. Aujourd'hui, l'utilisation du charbon n'a pas diminué en Allemagne. La transition est-elle longue à mettre en place ?

Gregory Lamotte : Oui, effectivement. L'Allemagne a fait un choix politique de sortir du nucléaire, et elle ne pouvait pas sortir au même temps du nucléaire et du charbon. Ils ont fait un choix et ils ont priorisé la sortie du nucléaire. Donc pour l'instant, toute la production nucléaire qui a été abandonnée a été entièrement compensée en Allemagne par l'augmentation des énergies renouvelables et par l'efficacité énergétique, avec la baisse de la consommation. Par contre, effectivement, cela n'a pas permis de baisser la consommation de charbon qui reste quasiment au même niveau que quand ils ont commencé à arrêter le nucléaire, car ce n'était pas possible de tout faire en parallèle. Maintenant les Allemands ont un projet à plus long terme, pour lequel ils ont pris collectivement la décision non seulement de sortir d'uranium mais aussi du charbon, et là depuis trois ans on voit que la consommation de charbon baisse, peut-être trop doucement, mais baisse. Ce qui va se poursuivre d'ici les années qui viennent, et d'ici dix à vingt ans ils prévoient de sortir du charbon, comme ils sont sortis du nucléaire. Ils sont en chemin, ce n'est pas encore l'idéal mais ils sont dans la bonne direction. Contrairement à la France, les Allemands rament tous dans le même sens ; ils savent où ils vont. Ils sont dans le même bateau et ils y rament dans la même direction. Nous, en France, on a une partie des Français qui sont pour le nucléaire qui disent que c'est l'avenir et qui passent leur temps à donner des arguments pour dire qu'ils ont raison et en face les anti-nucléaires qui disent que le nucléaire c'est n'importe quoi, que c'est cher et dangereux. Tout cela fait que nous passons notre temps à combattre les uns contre les autres alors qu'on ferait mieux d'aller tous dans le même sens. Pendant qu'on discute, les Allemands avancent.

La conférence se tient dans l'ancienne capitale de la RFA et pas à Berlin. On connait les inégalités qui séparent encore aujourd'hui ex-Allemagne de l'Est et ex-Allemagne de l'Ouest. Cette transition écologique allemande est-elle également répartie entre ces deux espaces, ou voit-on émerger une transition à deux vitesses ?

En 1990 les Allemands avaient 4% d'énergie renouvelable, tandis qu'à la même époque en France, on en avait 12%. Aujourd'hui, en 2017, ils sont à plus de 30% et nous on est à 18%. On voit bien que la dynamique n'est pas du tout la même. Eux ils ont vraiment engagé la transition et nous, on est au point mort.

Jusqu'à quel point le modèle écologique allemand peut-il inspirer le modèle français ?

Les Allemands sont partis. Eux ils sont en pleine transition énergétique et ils le prouvent. Depuis 2012 ils ont doublé l'énergie renouvelable qu'il y a sur leur territoire. Nous, on a fait plus de 20%. Donc, ils vont clairement plus vite que nous. Ensuite, tout n'est pas tout rose ; ils ont accéléré parce qu'ils ont arrêté le nucléaire. Ce qu'il faut bien voir c'est qu'on est en surproduction d'énergie électrique en Europe. C'est pour cela que les prix sont aujourd'hui assez bas. EDF a perdu plus de la moitié de sa valeur en bourse et est sorti du CAC40, parce que l'énergie électrique ne vaut plus rien, ou en tout cas pas très cher en Europe. Tous les grands producteurs énergétiques pensaient qu'on allait consommer de plus en plus d'énergie alors que, dans les pays de OCDE, on arrive dans un plateau depuis quelque temps. Or, comme on est en surproduction, si on n'arrête pas certains moyens de production, on ne peut pas laisser la place à des nouveaux moyens de production. Les Allemands en effet ont arrêté le nucléaire, cela a créé un appel d'air pour pouvoir mettre des énergies renouvelables. Nous, en France, bien que la phrase phare du président Macron soit "et en même temps", on ne peut pas faire du nucléaire et, en même temps, du renouvelable. Le Français a besoin de chauffer une seule fois leur eau chaude. Il va chauffer son eau chaude pour sa douche, une seule fois, au nucléaire ou au renouvelable ; il ne pourra pas faire en même temps l'un et l'autre. Il va falloir donc qu'on arrête le nucléaire pour laisser la place aux énergies renouvelables. Si on laisse les deux, on va effondrer les prix, et là personne ne pourra financer la transition énergétique. On ne peut pas stocker l'énergie électrique. Si on la double, elle est perdue, gaspillée, et les prix se fondent. Aujourd'hui on a des prix très bas parce qu'on est en surproduction. Or, le seul moyen de pouvoir financer cette transition énergétique c'est d'avoir des prix du kilowatt-heure qui ne s'effondra pas, pour que les banques investissent en cela. Pour que les banques investissent en cela, il faut une vision à long terme. Si on maintien le nucléaire et on rajoute l'énergie renouvelable, et que la transformation n'augmente pas, on arrive à une incohérence. Les Allemands ont fait ce calcul-là, ils ont arrêté le nucléaire, dans un deuxième temps ils vont arrêter le charbon. Nous, on ne va pas dans la bonne direction. On attend ce qu'il va faire notre cher ministre Nicolas Hulot ; mais pour l'instant il fait beaucoup d'air chaud. Il parle, il reporte les échéances, les engagements de la France sur la transition énergétique de passer à 50% du nucléaire d'ici 2025 qu'il rapporte à 2030 ou 2035 mais en échange il ne donne que de l'air chaud et de paroles. Il parle. Donc, on attend de l'action. 

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