Le 6 octobre 2017, le Conseil Constitutionnel a annulé la taxe de 3% sur les revenus distribués inventée en son temps par la loi de finances rectificative de 2012 que le premier gouvernement Ayrault avait présentée durant son premier été. Cette taxe avait été conçue dans la précipitation pour remplacer le manque à gagner, alors estimé entre 800 millions et un milliard d’euros en année pleine, résultant de la suppression de la retenue à la source de 30 % sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents supprimée par un arrêt de la CJUE du 10 mai 2012. Depuis cinq ans, les gouvernements successifs se passent donc une patate chaude, initialement chiffrée à un milliard d'euros...
L'addition coûte désormais 10 milliards...
L'invention de la taxe à 3%
Les mauvaises langues noteront qu'en 2012, le dossier était supervisé par le secrétaire général adjoint de l'Élysée, appelé alors Emmanuel Macron. Avec une perfide ironie, le Canard Enchaîné s'est gaussé cette semaine des sorties tonitruantes de Bruno Le Maire sur ce scandale d'État qu'est l'amateurisme avec lequel la taxe fut inventée et adoptée.
En ordonnant une mission d'inspection générale sur l'élaboration de ce texte, le Ministre, selon le Canard, a beaucoup fâché son Président. Il faut dire que l'instruction du dossier ne peut être qu'à charge contre l'ancien secrétaire général adjoint. C'est ce qui s'appelle un boomerang pour Emmanuel Macron, qui constituera sans doute une évolution importante dans le rapport de force au sein de l'exécutif.
La surtaxation, une obstination de Bercy
Reste que, pendant des années, on imagine assez bien que les entreprises vont contester cette étrange technique qui consiste à inventer des taxes sur mesure pour faire payer tel ou tel contribuable, fut-il une entreprise. Rien n'exclut une nouvelle saisine du Conseil Constitutionnel sur cette affaire à 10 milliards, et rien ne garantit que le montage de Bercy soit plus cette fois plus solide que le précédent.
Dans la pratique, l'ensemble du montage est assez curieux. Officiellement, le candidat Macron avait annoncé son intention de diminuer la pression fiscale qui pèse sur les entreprises. Mais l'année 2017 et l'année 2018 seront, pour les plus grandes d'entre elles, des années d'effort accru.
On retrouve ici l'étrange posture macronienne qui consiste à faire des annonces générales et à laisser les administrations, parfois, faire le contraire.
Toujours est-il qu'une taxe nouvelle chasse une taxe annulée. En lui-même le procédé déroute: la justice européenne annule une décision des pouvoirs publics français et immédiatement ceux-ci la reprennent sous une autre forme. Comme si, dans tous les cas, la décision était prise et que la préoccupation de Bercy consistait seulement à récupérer l'argent en cherchant le prétexte juridique le plus acceptable possible.
Une fois de plus, l'instabilité fiscale fait des ravages: la règle est adaptée d'année en année pour équilibrer le budget. Les entreprises doivent s'adapter quoiqu'il advienne pour financer un jeu qui lui est très rigide: des créations d'emplois publics en 2018 (et non des suppressions comme le dit le discours officiel) expliquent que la dépense passe à 435 milliards d'euros, un record historique qu'il faut bien financer.
On regrettera qu'il ne se trouve personne à l'Élysée pas plus qu'à Bercy pour sortir de cette logique funeste.
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