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Jérôme Powell, nouveau président de la FED et nouveau maître du monde : mission protéger l’économie américaine et/ou préparer la prochaine crise
©AFP

Atlantico Business

A priori, Donald Trump n’a pas pris de risque en nommant le successeur de Janet Yellen. Sauf qu’en protégeant l’économie américaine, il peut aussi préparer la prochaine crise.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le choix par Donald Trump de nommer Jérôme Powell pour succéder à Janet Yellen à la présidence de la banque centrale américaine n’a pas fait scandale. Le président américain s’est a priori montré très prudent et même très politiquement correct. Mais ce n’est peut-être que pour l’apparence.

Jérôme Powell appartient depuis toujours à l’establishment économique et financier américain. Ce juriste, devenu banquier chez Carlyle, a occupé des fonctions importantes dans l’administration Bush, puis a été récupéré par Barack Obama en 2012 pour entrer au conseil des vice-président de la FED, c’est dire si Jérôme Powell passe pour être centriste et compatible avec Donald Trump.

Jérôme Powell ne s’est jamais fait remarqué par des positions transgressives. Il a toujours appuyé la position de Janet Yellen quand elle a initié la stratégie de retour progressif à une politique monétaire plus classique. Bref, il a toujours approuvé la remontée prudente des taux d’intérêt, tant que la conjoncture resterait bien orientée avec une reprise légère de l’inflation.

A priori, Jérôme Powell a pour mission de maintenir le statu quo, sauf que Donald Trump a quand même une ambition très précise de ce qu’il veut. Le président de la banque centrale américaine ne peut pas ne pas le savoir. Les milieux d’affaires pensent donc qu’il va travailler essentiellement sur deux axes dont la mécanique n’est pas sans risque.

1er axe, premier objectif, maintenir l’équilibre de la croissance américaine. Actuellement, la machine américaine tourne à plein régime avec une croissance très forte et un quasi plein emploi, sans pour autant d’inflation sur les salaires. Cette situation commande de poursuivre le relèvement des taux d’intérêt, mais avec beaucoup de prudence. La seule inquiétude de Donald Trump serait que le système américain se bloque. C’est la raison pour laquelle il va engager sa réforme fiscale pour baisser l’impôt sur les bénéfices d’entreprise afin de sécuriser les marges et les potentiels d’investissement. Donald Trump n’est pas complètement fou. Il sait très bien que le modèle américain ne récupèrera pas une industrie de main d’œuvre délocalisée en Amérique centrale et en Chine. En revanche, comme beaucoup d’économistes, il croit que l‘avenir appartient aux activités à haute valeur ajoutée, d’où la paix signée discrètement avec les grands du digital. Mais pour développer des activités à haute valeur ajoutée, il faut investir massivement dans l’innovation et pour investir, il faut des financements. D‘où la réforme fiscale qui devra être accompagnée par une politique monétaire accommodante. Donald Trump aura là le soutien de l’expertise et de l’habileté du nouveau président de la FED.

Le 2ème axe, deuxième ambition, sera beaucoup plus risqué à mettre en œuvre. Donald Trump a, pendant sa campagne électorale, fait la promesse d’assouplir la règlementation financière dont le cadre avait été mis en place par Obama au lendemain de la crise de 2008/2009. Cette réglementation a limité la liberté des banques pour mieux garantir et sécuriser leur activité. Ceci étant, les milieux financiers ont semble-t-il convaincu Trump que cette réglementation les bridait dans leurs activités de marché et de crédit. Jérôme Powell ne serait pas opposé à un allègement des contraintes de la loi Dodd-Frank, ou même à une révision de la loi Volker qui limitait la liberté des banques de faire des opérations de crédit et de marché pour leur propre compte. En clair, les banquiers US étaient quand même obligés de surveiller la qualité des crédits et empêchés de spéculer et même de titriser. Bref, un remake de vagues de subprimes paraissait assez improbable.

Si Donald Trump commande une dérèglementation bancaire que le nouveau président de la FED accepte, il remet le secteur bancaire en liberté et fragilise les banques étrangères qui n’auront pas cette même liberté. Les règlementations mises en place en Europe après la crise sont beaucoup plus sévères que la règlementation américaine, d’ou la sévérité des conditions de crédit aux entreprises en Europe.

Normalement, si Donald Trump a l’accord du président de la FED pour dérèglementer le secteur bancaire américain, il n’aura aucun mal à faire passer ces mesures de mise en liberté par un Sénat qui était jusqu'alors très vigilant.

En l’absence de règlementation mondiale, Donald Trump peut faire là ce qu‘il veut, y compris de réinventer les subprimes et de préparer la prochaine crise. Parce que la dérèglementation des banques américaines ne peut que préparer la prochaine crise qui sera forcément systémique compte tenu de l’importance de l’économie américaine, de sa puissance et de sa capacité à titriser et exporter les risques bancaires. 

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