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Donald Trump en Asie pour contrer la puissance chinoise
©NICHOLAS KAMM / AFP

L'inquiétude règne

Donald Trump début sa tournée asiatique ce vendredi 3 novembre, qui verra passer le président des Etats Unis par le Japon, la Corée du Sud, la Chine, le Vietnam, et les Philippines.

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

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Atlantico : ​Quels sont les principaux enjeux de cette tournée ? 

Bathélémy Courmont : Le principal enjeu de cette tournée, la première de Donald Trump en Asie depuis son élection, concerne la relation avec les alliés de Washington dans la région. Du retrait du TPP à la crise nord-coreenne, les premiers mois de sa présidence furent marqués par des inquiétudes de plus en plus marquées dans les pays asiatiques, qui craignent que les Etats-Unis se retirent, tant sur les questions économiques que stratégiques. En Corée du Sud par exemple, l’opinion publique est aujourd’hui plus inquiète de Trump que de Kim Jong-un, et selon des récents sondages, 60% des sud-coréens n’ont pas confiance en un soutien américain dans le cas d’une confrontation armée qui les opposeraient à la Corée du Nord. Ces inquiétudes se traduisent notamment, au pays du matin calme, par un retour des débats sur la pertinence de poursuivre un programme nucléaire pour assurer une protection face à Pyongyang. Au Japon, la posture pro américaine de Shinzo Abe, qui vient d’être reconduit au pouvoir, masque difficilement un malaise dans la population, qui ne montre qu’un enthousiasme limité à l’égard de son premier ministre (qui bénéficie plus de l’absence d’une réelle opposition que d’une adhésion populaire), et voit surtout dans Trump celui qui a enterré le TPP, laissant Tokyo orphelin face à la montée en puissance chinoise. La signature du JEFTA, accord de libre-échange Japon-Union européenne en juillet traduit les inquiétudes de Tokyo, qui cherche de nouveaux partenaires au cas où Washington ferait défaut. Les deux visites en Asie du Sud-Est, marquées par un dîner célébrant le 50eme anniversaire de l’Asean à Manille et un sommet de l’APEC à Hanoï, sont surtout l’occasion pour le président américain de reprendre la main dans une région également confrontée à de fortes inquiétudes concernant ce retrait américain. S’il ne faut espérer de miracles, on voit nettement que cette visite, longue, s’inscrit dans un désir de se repositionner dans une région que le président américain n’a découverte que une fois au pouvoir, après avoir perdu du terrain, en particulier face à Pekin.

Alors que le Président américain fait de son agenda économique une priorité, notamment sur la question du commerce extérieur chinois, que peut on attendre des demandes américaines sur ce point ? Comment cette négociation commerciale peut elle s'imbriquer avec la question nord coréenne, qui divise également les deux pays ? 

La Chine a envoyé un double message à Trump en annonçant la réduction de ses tarifs douaniers sur des produits de consommation. D’abord un message positif de bienvenue, comme pour s’assurer que sa visite ne sera pas parasitée par ces questions chères au président américain. Un message qui place Pekin en position de force ensuite, puisqu’aux critiques américaines répondent des critiques chinoises du protectionnisme américain. Les rôles se sont inversés, et Xi Jinping l’avait annoncé lors du sommet de Davos en janvier, en se positionnant comme le champion de la mondialisation et du libre-échange. Face à l’émergence chinoise et son affirmation de puissance, que peut proposer l’Amérique de Trump? En ce qui concerne la question nord-coréenne, il est réducteur de considérer qu’elle divise les deux pays, qui n’ont pas des positions différentes. En revanche, leur poids n’est pas le même face à Pyongyang, et là aussi la situation s’est inversée par rapport aux années 1990 et même 2000, quand les Etats-Unis avaient en main toutes les cartes. Désormais, aucune avancée ne peut être envisage sans une participation active de Pekin, et les demandes répétées de l’administration Trump sont un aveu d’impuissance.

Dans quelle mesure cette visite intervient elle dans un contexte particulier, dans un moment ou la Chine apparaît de plus en plus comme un leader mondial en devenir ? En quoi un tel glissement modifie t il le rapport de forces ? 

Il est indiscutable que la transition de puissance entre les Etats-Unis et la Chine est en marche. Elle prendra du temps, mais le processus est engagé, et sans doute sera-t-il irréversible. Trump l’a compris, et c’est un des points qui le distingue de son prédécesseur et, plus encore, de Hillary Clinton, qui estimaient sans doute un peu naïvement que la stratégie du pivot pouvait permettre aux Etats-Unis de rester la puissance dominante en Asie. Mais si le diagnostic du locataire de la Maison-Blanche, fossoyeur du pivot, est assez juste, il ne semble pas disposer des bons remèdes. En négociateur, il pourrait être tenté par la thèse du Grand Bargain, ou grand marchandage, visant à délimiter des sphères d’influence en Asie avec Pékin, pour ne pas totalement disparaître. Problème, et pas des moindres, la Chine avance à grands pas, et la marge de manœuvre de Washington dans ces négociations se réduit en conséquence, et l’abandon du TPP n’a rien arrangé, d’autant que celui-ci fut présenté sans aucune demande de contrepartie. Étonnant pour un négociateur. Sur le plan stratégique, Washington conserve un avantage certain, mais à quoi sert-il, s’il ne peut s'accompagner d’une présence économique importante. Par nécessité plus que par choix, et sans enthousiasme réel, les pays d’Asie se tournent de plus en plus vers Pekin, qui est devenue le sticky power, pour reprendre une formule du politologue américain Walter Russel Mead formulée il y a un décennie pour désigner, à l’époque, les Etats-Unis... Le rapport de forces s’est inversé, et ce n’est pas cette tournée du président américain qui pourra y changer quoi que ce soit.

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