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Une autre époque ? Socrates, ce footballeur de génie qui était aussi médecin et philosophe
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Bonnes feuilles

Socrates fut un footballeur hors-pair et un acteur politique de la construction démocratique brésilienne. Ancien milieu de terrain, il fut le meilleur joueur sud-américain du tournant des années 1980. Extrait du livre "Docteur Socrates", d'Andrew Downie chez Solar Editions (2/2).

Andrew Downie

Andrew Downie

Andrew Downie est un journaliste écossais, auteur du livre "Docteur Socrates", chez Solar Editions.

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En décembre 1980, le magazine Placar avait demandé à Socrates d’imaginer sa vie en 2004, lorsqu’il aurait 50 ans.

Le jeune homme, alors âgé de 26 ans, se voyait bien raccrocher les crampons après avoir remporté la Coupe du monde 1982 et diriger une clinique orthopédique pour enfants à Ribeirao Preto. Dans la salle d’attente, il n’y aurait ni photos sur les murs ni magazines de sport témoignant de son glorieux passé de footballeur. Et il ne trouverait aucun intérêt à mettre les pieds dans le stade de 200 000 places où le Corinthians disputerait désormais ses matchs à domicile. Il participerait à des matchs amicaux le week-end avec des collègues et d’anciens amis étudiants. Peut-être irait-il même, de temps à autre, voir Botafogo jouer. Mais, dans cette projection, le football serait derrière lui et il en serait heureux ou, du moins, c’est ce qu’il voulait que les gens pensent.

Il inventa les mots que Regina utiliserait pour décrire la nouvelle vie imaginaire de son mari. « Socrates clame qu’il ne veut plus rien avoir affaire avec le football, dirait-elle, pourtant, il y a des moments où il ne peut résister à l’envie de sortir ses albums et de se replonger dans le passé. » « Je pense, déclarerait Regina, que ces albums sont enfermés dans un tiroir dont lui seul a la clé. Parfois, il passe des heures dans son bureau et, quand il en ressort, il a les yeux rouges comme s’il avait pleuré. Socrates ne dit rien, mais je sais pourquoi. Il ne veut pas l’avouer, mais le football a marqué sa vie1. »

Le football avait eu un impact bien plus important sur Socrates qu’il ne voulait l’admettre et l’un des drames des dernières années de sa vie fut de ne rien avoir trouvé d’aussi épanouissant. Il n’avait jamais imaginé faire autre chose qu’exercer la médecine. Et quand ce rêve s’envola en fumée, il perdit pied.

« Il avait mis de côté la médecine pour être footballeur et devait reprendre après sa carrière, raconta son frère Sostenes. Mais ça n’a pas marché et il s’est retrouvé paumé. Il était alors dans sa phase bohème. Il tombait sans arrêt amoureux et je ne pense pas que ça l’ait aidé. Il cherchait quelque chose qu’il n’a jamais trouvé. Je ne l’ai jamais vu réellement s’enthousiasmer pour un projet. Il avait des idées, mais ne les mettait jamais en pratique2. »

En vérité, Socrates était, plus encore qu’avant, un philosophe. Un homme de concepts et de théories, pas d’action. De nouvelles idées lui venaient constamment, mais il n’avait pas l’énergie ou la patience nécessaires pour les mener à terme. Face aux démarches fastidieuses, à a bureaucratie et à l’administration, il baissait rapidement les bras. La dernière ambition non accomplie de Socrates fut de travailler avec de jeunes joueurs, de préférence au Corinthians. Il voulait les encadrer, dans la vie comme sur le terrain. En faire des hommes complets. Mais le football était trop conservateur. Au xxie siècle, les révolutionnaires étaient encore moins bien vus qu’à l’époque de la Démocratie corinthiane.

À la place, il tint des rubriques dans des journaux et des magazines, écrivit des mémoires jamais publiés, produisit et présenta des talk-shows. Il composa et enregistra avec son ami musicien Roberto Bueno, sillonna le pays pour enseigner le sport aux gamins défavorisés de villes et de villages éloignés des grands centres urbains. Il donna aussi, à l’occasion, des conférences en entreprise et resta l’ambassadeur de la marque Topper, dont la gamme de « produits Socrates » faisait encore fureur vingt ans après la fin de son âge d’or. En 2004, il se rendit à Paris pour recevoir un prix de la FIFA le consacrant comme l’un des plus grands footballeurs vivants au monde.

Extrait du livre "Docteur Socrates", d'Andrew Downie chez Solar Editions

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