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Serait-il possible de bloquer les sites qui diffuseraient la vidéo
de Mohamed Merah ?
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Un temps de retard

Si les fournisseurs d'accès à Internet peuvent prendre des mesures de blocage à l’encontre des sites aux contenus pédo-pornographiques, sans intervention du juge, les sites terroristes semblent avoir été étrangement oubliés du législateur français.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

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Après l’effroi provoqué par les tueries de Toulouse et Montauban perpétrées par Mohamed Merah ces dernières semaines, c’est une nouvelle crainte, numérique cette fois-ci, qui marque l’actualité française et notamment judiciaire.

En effet, deux clés USB contenant le montage vidéo des images tournées par Mohamed Merah lors de la commission de ses actes criminels,sont actuellement connues. L’une a été envoyée à la chaine de télévision qatarie Al-Jazeera, l’autre fut retrouvée dans une poche du pantalon que portait Mohamed Merah au moment de l’assaut du Raid, le 22 mars dernier.

Bien que les enquêteurs n’aient pas relevé sur les ordinateurs de la famille Merah d’indice concernant l’envoi par Internet des images en questions, il est à redouter que d’autres copies du montage vidéo circulent, et se retrouvent rapidement diffusées sur Internet.

Pour mémoire, le TGI de Paris a entériné mercredi l’engagement pris par la chaine Al-Jazeera de remettre aux juges d’instruction chargés de l’affaire Merah la copie de ladite vidéo en leur possession.

Si un consensus au sein des médias traditionnels semble se dégager pour ne pas diffuser les images de la vidéo si celle-ci venait en leur possession, il semble en revanche difficile de contrôler la diffusion possible de celle-ci sur le média internet.

Le processus de blocage sur Internet, ou la difficulté d’agir de façon globale

Bien qu’il existe en France un arsenal de mesures d’urgence, tel que le référé d’heure à heure, permettant de faire cesser un trouble survenant sur Internet, il est souvent en pratique difficile d’assigner l’éditeur ou l’hébergeur du site incriminé, faute de pouvoir l’identifier.

Dès lors, et l’on retrouve alors la même configuration que celle de la récente affaire « Copwatch », la victime doit assigner les fournisseurs d’accès à Internet, afin qu’ils bloquent, par tous les moyens possibles, l’accès total au site internet à l’origine du préjudice, telle qu’une atteinte à la vie privée, à l’image ou bien à la dignité.

Plus encore, grâce à l’entrée en vigueur du décret d’application de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010, il est désormais possible d’enjoindre aux fournisseurs d'accès Internet (FAI) de bloquer un site litigieux par le système de nom de domaine (DNS), plus efficace que le blocage URL.

La difficulté n’est pour autant pas résolue car il est fort probable que le site bloqué se trouve hébergé sur une nouvelle adresse et que des sites miroirs se multiplient.

Or le juge ne peut concrètement ordonner le retrait d’une vidéo ou le blocage de l’accès à tous les sites miroirs du site originel. 

En effet, au regard du principe de subsidiarité prévu à l’article 6.I.8 de la LCEN, la mise en cause des fournisseurs d’accès à internet doit être circonscrite aux seuls cas où il est impossible de poursuivre directement l’hébergeur ou l’éditeur du site.

Ainsi, dès lors qu’une victime veut faire ordonner judiciairement le retrait d’un contenu qui porte atteinte à ses droits, celle-ci devra justifier avoir tout mis en œuvre pour identifier et mis en demeure l’hébergeur ou l’éditeur du site, préalablement à une assignation des FAI.

De plus, et conformément à l’article 31 du Code de procédure civile, il n’est pas possible de demander le blocage des futurs sites miroirs qui pourraient être mis en ligne, faute de justifier d’un intérêt à agir « né et actuel ».

Contrairement aux dispositions prévues par l’article 4 de la loi LOPPSI, permettant aux FAI de prendre toutes mesures de blocage à l’encontre des sites aux contenus pédo-pornographiques, sans intervention du juge, les sites terroristes semblent avoir été étrangement oubliés…

Face à la menace de la diffusion des images tournées par Mohamed Merah lors des tueries de Toulouse et Montauban, le compte à rebours semble bel et bien enclenché. La rapidité de diffusion des contenus sur Internet risque de gagner la course face au processus imposé d’identification et de mise en demeure des éditeurs ou hébergeurs de site, avant tout concours des FAI. Cette triste actualité permettra, on l’espère, de faire avancer les choses, pour que le temps de la justice réussisse à rattraper celui du numérique. 

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