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L’Ile de France, l’Ouest… et les perdus de la croissance : bienvenue dans la France des inégalités régionales massives
©JH Mora - Wikipedia

PIB par région

Tous les territoires de la République ne bénéficient pas du même dynamisme. Si l'on compare l'évolution des PIB régionaux, on se rend compte une fois encore qu'il vaut mieux vivre en Ile-de-France que dans le Grand Est.

En observant les croissances régionales internes au pays entre 2007 et 2014, il apparaît que la fracture post- crise entre l'Ile de France (17,31%) et des régions comme la Bourgogne-Franche-Comté (-0.03%), le Grand Est (1.19%) ou le Centre Val de Loire (1.73%) semble s'être creusé cours de ces années. Dans quelle mesure ce phénomène a t il été exacerbé par la crise ? Quels en sont les résultats sur le terrain ? Assiste t on à l'émergence de deux "France" ? 

Laurent Chalard : Comme l’a montré l’économiste Laurent Davezies, la crise de 2008 a conduit à des modifications du dynamisme économique des territoires français, avec un renforcement de la croissance des grandes métropoles, dont Paris, alors que les autres territoires, en particulier ceux de tradition industrielle n’arrivent pas à redémarrer. Il n’apparaît donc guère surprenant de voir que la région qui abrite la plus grande métropole du pays, l’Ile de France, ait connu une progression de son PIB entre 2007 et 2014 sensiblement plus importante que les autres, Corse exceptée (la croissance de l’île est essentiellement le produit de l’économie résidentielle et la fiabilité des données n’est pas très bonne), et de voir que les deux régions affichant les plus mauvaises performances, le Grand Est et la Bourgogne-Franche-Comté sont des régions de tradition industrielle sans grande métropole permettant de dynamiser l’ensemble de leur tissu économique. Par exemple, l’aire d’influence de la métropole de Strasbourg, la plus importante du Grand Est ne dépasse guère le périmètre de l’ancienne région Alsace, Strasbourg étant trop petite pour irradier plus loin.

Sur le terrain, ces différences de croissance signifient que les décalages de niveau de production de richesse entre régions se sont accentués ces dernières années, puisque la riche Ile de France s’enrichit plus vite que le reste du territoire hexagonal, alors que la relativement pauvre Bourgogne-Franche-Comté stagne. Pour la politique d’aménagement du territoire, dont l’objectif est de réduire les différences de PIB entre les régions, c’est une mauvaise nouvelle.

Il est incontestable que nous assistons à l’émergence de plusieurs « France », sachant que, suivant les grilles de lecture utilisées, leur nombre et leur délimitation peuvent varier. Une première grille de lecture, la plus connue, est celle du géographe Christophe Guilluy, qui oppose les grandes métropoles mondialisées à l’ensemble du reste du territoire français. Une autre grille, celle de l’économiste Laurent Davezies ajoute une troisième France, celle de l’économie résidentielle, correspondant à des territoires éloignés des grandes métropoles dont les performances économiques sont honorables (littoraux et leurs arrière-pays, régions de stations de sports d’hiver). Une troisième grille, géographique, repose sur le basculement de l’emploi à l’ouest d’une ligne Le Havre-Marseille. Ces différentes grilles de lecture ne sont pas contradictoires, mais se complètent les unes les autres, car les dynamiques territoriales sont plurifactorielles. 

Mondialisation et métropolisation sont régulièrement pointées du doigt dans ce processus, quels sont les réels facteurs qui peuvent conduire à un tel résultat ?  

La mondialisation, phénomène international, non spécifique au territoire français, a un impact certain, puisqu’elle entraîne une concentration de l’emploi dans quelques lieux connectés, que sont les grandes métropoles et accessoirement des villes moyennes hyperspécialisées dans des activités à haute valeur ajoutée, ce qui est rarement le cas en France, contrairement à certains de nos voisins européens.

Cependant, il ne faut pas sous-estimer l’impact des décisions politiques dans le regain économique de la région parisienne. En effet, après une décennie de sous-investissement certain dans la région-capitale, la politique du Grand Paris, initiée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, a conduit à un recentrement de l’investissement public vers l’Ile de France, qui s’est largement poursuivi sous le quinquennat de François Hollande. Le parti socialiste a mené une politique anti-rural pour des raisons clientélistes, son électorat de base se situant dans les grandes métropoles. Dans ce cadre, la réforme territoriale, engagée en 2014, n’a probablement pas amélioré la situation depuis, puisqu’elle favorise grandement les grandes métropoles.

Quelles sont les pistes à suivre qui pourraient permettre une revitalisation des régions les plus négativement touchées par le phénomène ? 

Plusieurs pistes pourraient être suivies pour essayer de redynamiser la France en déclin, qui se concentre au nord-est du pays.

Une première piste serait l’adoption d’un « Plan Marshall » pour les territoires ruralo-industriels les plus touchés par le déclin. En effet, il faut éviter de saupoudrer l’argent public, ce qui ne sert à rien, mais concentrer l’investissement vers les territoires qui en ont réellement le plus besoin (vallée de la Meuse dans les Ardennes, Aisne septentrionale, Haute-Marne, cœur urbain berrichon…).

Une deuxième piste, qui peut entrer partiellement dans le plan Marshall, serait de faire le choix de concentrer les nouvelles infrastructures de transports, en-dehors des métropoles en pleine croissance où elles sont nécessaires, dans ces territoires. Dans ce cadre, la réalisation d’une autoroute de l’espoir reliant Valenciennes à Thionville et la mise à 2X2 voies de la RN 4 entre Paris et Nancy, qui dessert la ville de Saint-Dizier, une des villes symboles de la France Périphérique, devraient constituer des priorités nationales. 

Une troisième piste concerne le renforcement de l’ouverture transfrontalière de la France vers le Benelux et l’Allemagne. En effet, beaucoup de territoires français en déclin se situent à proximité de la dorsale européenne, la plus grande zone de richesse du continent, dont elles devraient tirer profit. Dans ce cadre, le développement d’une économie résidentielle, sous-représentée jusqu’ici par rapport aux potentialités, conduisant à en faire un grand espace de récréation pour une Europe du Nord-Ouest très densément peuplée, apparaît indispensable pour espérer un redémarrage de l’économie locale. 

Enfin, la quatrième piste, qui n’est pas la plus négligeable, est l’invention d’un nouveau modèle de développement local, différent de celui de la métropolisation, pour les territoires, dont l’éloignement des grandes métropoles ne laisse guère espérer de retombées importantes.

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