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Slobodan Milošević :
un mari sous influence
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Femme de dictateur

Les hommes réputés autoritaires ou charismatiques ne sont pas, face aux femmes, toujours tels qu'on les imagine ou qu'ils veulent le faire croire, et leur vie privée, tournant souvent au secret d'État, recèle bien des mystères et des surprises. Extraits de "Femmes de dictateur : Volume 2" de Diane Ducret (1/2).

Diane Ducret

Diane Ducret

Diane Ducret est une journaliste, philosophe et historienne.

Elle collabore à la rédaction de documentaires historiques pour la télévision et est aussi chroniqueuse occasionnelle sur Europe1 dans l'émission de Laurent Ruquier, On va s'gêner. Son premier livre, Femmes de dictateur, est paru en 2011 aux éditions Perrin.

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«Après avoir observé le comportement familial, politique et social du couple Milosevic, aucun médecin, en Serbie ou ailleurs, n’oserait affirmer qu’il s’agit d’un couple normal », observe Vuk Draskovic, ancien ministre des Affaires étrangères. L’indivisibilité constitutive des deux êtres n’est pas pointée du doigt par leurs seuls opposants. L’oncle de Mira, Dusan Mitevic, nous livre ses impressions sur sa nièce et son puissant époux : « La relation entre Slobodan et Mira est très forte, et assez pathologique. Milosevic est assez intelligent, mais Mira lui a donné l’amour du pouvoir et de l’ambition. Elle en a fait ce qu’il est[1]. »

La principale intéressée endosse pourtant volontiers le rôle d’épouse dédiée entièrement a un mari harasse et recru par le poids de ses responsabilités : « Il a envie de rentrer à la maison et de parler d’autre chose. Pas de politique. Je ne sais pas d’où vient cette idée que nous planifions tout conjointement. C’est totalement ridicule. » Mira la pasionaria est donc prête, pour l’amour et le bien-être de Slobodan, à renoncer à son dévouement pour la chose publique : « Serait-ce vraiment possible pour un homme qui traite avec des politiques désastreux dix heures par jour de parler encore de cela avec moi ? Même s’il le voulait, il n’aurait pas la force de le faire. » Le ridicule n’a qu’un temps, et Mira concède finalement : « Peut-être que la première année j’étais intéressée, mais bien vite, je n’en ai plus rien eu affaire et ne l’ai plus questionné. »

La curiosité est certes un bien vilain défaut qui détruit nombre de couples. C’est la communication qui prévaut au sein de ce foyer heureux. « Si je vous disais que deux personnes comme nous, qui vivent ensemble depuis trente ans, ne s’influencent pas, je mentirais. Sloba m’adore depuis l’école », concède-t-elle dans son journal. A ses détracteurs qui rient de l’influence qu’elle exerce sur son mari, elle répond avec un art consomme de l’ironie : « J’ai de l’influence sur lui, et lui a de l’influence sur moi. Mais qu’est-ce que cela signifie “avoir de l’influence” ? [...] Si nous déjeunions ensemble trois fois de suite, on pourrait dire que vous avez de l’influence sur moi, et que j’en ai sur vous. » Peu importe que sa réputation de femme politique en pâtisse, l’important est de préserver l’image d’homme fort de Sloba. Et a ceux qui pensent le ridiculiser en insinuant qu’il ne porte pas la culotte en son logis, elle répond avec emphase que ces critiques « proviennent d’un résidu de conscience médiévale. Ces esprits voient la femme comme quelqu’un qui devrait rester à la maison. C’est une manière de penser paysanne ».

Dans les rangs de l’opposition belgradoise circule alors une histoire drôle, celle de Mira rencontrant un jour un boulanger, fervent admirateur depuis l’adolescence :

« Tu vois, aujourd’hui tu pourrais être la femme d’un boulanger, commente Slobodan, ironique, après la rencontre.

— Tu te trompes, c’est toi qui aurais pu devenir boulanger si tu ne m’avais pas rencontrée[2] ≫, répond-elle.

Dans le privé, la forte personnalité de Mira lui donne l’avantage sur l’aimable Slobodan. Prise de crises de désarroi, ou elle critique le monde et les hommes dans leur ensemble, il lui arrive d’avoir des mots très durs pour son aime. Celui-ci préfère ne jamais réagir et s’enferme alors dans le mutisme, la consolant une fois l’orage passe. Pour ceux qui assistent à ces crises, la leçon est claire : Mira Markovic est la tête pensante de cette hydre a double visage[3]. C’est elle qui engloutit les livres, et met au jour les grandes idées qui doivent régénérer la terre yougoslave. Son amie Ljiljana Habjanovic-Djurovic se souvient que Mira lui confie toujours fièrement qu’il aurait été bien diffèrent sans elle, pire à tous égards, « tout ce qu’il y a de bien chez lui vient d’elle, et tout ce qu’il y a de mauvais c’est ce sur quoi elle n’a pu avoir d’influence[4] ».

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Extraits de Femmes de dictateur : Volume 2, Librairie Académique Perrin (23 février 2012)



[1] Entretien avec Adam Lebor, dans Adam Lebor, Milosevic, a Biography

[2] Massimo Nava, Milosevic : la tragedia di un popolo, Rizzoli, 1999

[3] Louis Sell, Slobodan Milosevic and the Destruction of Yugoslavia, Duke University Press, 2002.

[4] “The First Lady of Serbia often has the Last Word”, The New York Times, 31 mai 1999.

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