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Europe : du terrorisme à l’insurrection
©Reuters

Autre menace

Des actes de terrorisme - qui ne sont pas qualifiés comme tels par les autorités pour "ne pas effrayer le bourgeois" - ont lieu presque tous les jours en France. Ils ne sont pas uniquement le fait de djihadistes.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Les observateurs scrutent en permanence la menace terroriste qui vise la France. Elle est effectivement très présente mais ne provient pas uniquement des « returnees » islamiques ou d’adeptes de Daech n’ayant jamais fréquenté une terres de djihad qui rêvent néanmoins d’étendre le califat à l’Europe toute entière. Selon Romain Caillet, spécialiste reconnu de l’islam politique : « Le problème, c’est qu’aujourd’hui, on ne veut pas parler d’idéologie politico-religieuse par peur de se faire traiter d’islamophobeOn ne veut pas parler non plus des causes sociologiques du djihad de peur de se faire traiter d’islamo-gauchiste. Or ce qui s’est passé en 2015 [date des attentats parisiens du GIA], c’est précisément la rencontre entre la volonté d’une organisation ultra-sophistiquée de frapper la France – pour sa participation à la coalition – et la haine que vouent à la France un certain nombre de jeunes Français. » (La Croix, Flore Thomasset, 24/10/2017 à propos du livre « Le combat vous a été prescrit », chez Stock de Romain Caillet et Pierre Puchot.)

Or, cette haine de la France si justement décrite est aussi partagée par nombre d’autres individus en mal d’en découdre avec la société « capitaliste ».

A savoir que des actes de terrorisme - qui ne sont pas qualifiés comme tels par les autorités pour « ne pas effrayer le bourgeois » - ont lieu presque tous les jours même, si pour l’instant, et fort heureusement, il n’y a pas eu mort d’homme. Patrick Calvar, l’ancien directeur de la DGSI avait désigné les risques provenant de l’extrême droite et la police a effectivement démantelé une cellule qui aurait eu des projets d’attentats. L’affaire étant à l’instruction, l’auteur ne développera pas plus sur ce cas.

Le patron de la DGSI n’a par contre pas abordé le problème des mouvances anarchiste-libertaires qui se livrent à de nombreuses violences lors de manifestations, à des actes de sabotage ou qui sont dans une posture insurrectionnelle par exemple dans l’affaire de l’aéroport de Notre Dame des Landes. Ces individus n’ont qu’un projet : mettre la société à bas par la violence pour en reconstruire une autre - mais pour l’instant, cette deuxième phase n’est pas leur priorité -.

Ces mouvances évitent pour l’instant les attentats directs contre les personnes car ils n’ont pas « bonne presse » au sein des populations. Par pur sens tactique, les activistes anarchiste-libertaires se passent pour l’instant de ce moyen de combat jugé trop sulfureux et contreproductif dans l’image qu’ils veulent donner d’eux. Mais par contre, les attaques contre les biens sont devenues monnaie courante, surtout quand ces derniers peuvent être des symboles de la société capitaliste honnie (véhicules des forces de l’ordre incendiés, gendarmeries attaquées, infrastructures du grand capital visées, etc.).

Globalement, les mouvements anarchiste-libertaires s’appuient sur des revendications politiques, syndicales, féministes, écologiques, animalistes, anti-nucléaires, anti-fascistes, séparatistes, de soutien aux migrants et sur une contre-culture qui trouvent un écho extrêmement favorable au sein de l’intelligentsia et des medias très marqués par l’héritage marxiste-léniniste. Ce n’est pas leur faute, ils ont été élevés par des parents et des enseignants soixante-huitards qui leur ont inculqué dès leur plus jeune âge cette culture crypto-révolutionnaire. De plus, ces intellectuels ne pensent pas être dans le camp du « bien » mais « être le bien » lui-même.Ils réagissent en moralistes dignes de la Sainte inquisition ou des commissaires politiques. La notion de nuance leur est étrangère.

Aussi n’ont-ils de cesse de condamner ceux qui ne partagent pas leurs idées. Ils évitent d’ailleurs soigneusement de les confronter aux leurs en menant systématiquement des attaques ad nominem afin de les déconsidérer et d’ainsi les faire taire ou, au minimum, de les mettre à l’index -. Plus globalement, le combat de leur vie (« lutte » fait un peu trop vieux jeu de type cégétiste) passe par la dénonciation de l’« Histoire » occidentale en général et de France en particulier sous leur regard de la morale. Toutes les figures populaires sont systématiquement détruites, il suffit de voir quel sort est actuellement réservé à Michel Audiard accusé de collaborationnisme durant l’occupation allemande.

Il faut reconnaître que les années noires de l’Histoire de France - et elles sont nombreuses comme celles qu’ont traversé tous les autres pays - font leurs délices et l’accusation de « collaboration » (quand ce n’est pas pire car on est vite traité de « nazi ») permet de vouer aux gémonies ceux qu’ils veulent abattre (Ah, si seulement ils avaient vécu dans ces temps troublés, eux, ils se seraient comportés d’une autre manière. Il est facile d’être héroïque quand on ne risque plus rien.). Par contre, il est étrange qu’ils parlent peu des millions de victimes du communisme mais pour eux, la cause était « juste » et méritait bien quelques « bavures ».

Pour revenir aux activistes anarchiste-libertaires, comme ceux de l’extrême droite, ils utilisent à plein des nouvelles techniques de communication via le net.

Si les leaders sont parfois issus de la bonne bourgeoisie, la « piétaille du champ de bataille » (la rue) se recrute dans les milieux défavorisés et en particulier dans ceux qui vivent en marge de la société avec une attirance particulière pour la petite délinquance (également appréciée des djihadistes). En effet, les criminels ont déjà la « haine » des forces de l’ordre, de l’Etat et, de plus, une certaine expérience des activités clandestines ce qui évite de perdre du temps en formation.

Le but ultime est l’insurrection violente à l’image de la Révolution de 1789, de la Commune ou de la Révolution d’Octobre 1917 dont on commémore le centenaire. Mais pour le moment, c’est la tactique du harcèlement qui préside : sabotages, actes de vandalisme, opérations médiatiques, provocations, victimisation, dénigrement systématique des organes de pouvoir, démoralisation des forces de l’ordre …

Le risque terroriste est donc important mais il n’est qu’une des facettes de l’insurrection généralisée qui arrive. Inutile de préciser que la Démocratie n’est pas le souci des mouvances anarchiste-libertaires (« Les » mouvances car il n’y a pas d’organisation centralisée dans l’anarchisme qui rejette toute idée de subordination. C’est à la fois leur force et leur faiblesse. Certains tribuns politiques aimeraient en prendre la direction mais se heurtent à cette difficulté structurelle) dont certaines peuvent aussi se trouver des points communs de circonstance avec les salafistes-djihadistes. Tout dépendra de la résilience des masses populaires et des élites intellectuelles.

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