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L’Egypte, nouvel allié clé pour la politique arabe de la France
©AFP

Al Sissi à Paris

Le président égyptien Abdelfattah Al-Sissi s'entretiendra aujourd'hui à l'Elysée avec Emmanuel Macron

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy est enseignant en géopolitique à l'Université Catholique de Lille, à l'Institut Supérieur de gestion de Paris, à l'école des Hautes Études Internationales et Politiques. Il est également président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). 

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Le président égyptien Abdelfattah Al-Sissi s'entretiendra aujourd'hui à l'Elysée avec Emmanuel Macron. Quels sont les enjeux de cette visite et où en est la politique de la France dans le monde arabe aujourd’hui?

Emmanuel Dupuy : C’est la cinquième fois que le président égyptien rencontrera « officiellement »  son homologue français à Paris (deux visites en France en novembre 2014 et en 2015 pour y rencontrer François Hollande ; deux visites de François Hollande au Caire aout 2015 et avril 2016). C’est néanmoins sa première visite « officielle » depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron. Les deux hommes se sont déjà cependant entretenu lors de la 72ème Assemblée générale des Nations Unies à New-York, fin septembre. 

Il y fut question des sujets de convergences (reconnaissance du rôle du maréchal Haftar en Libye, soutien à l’accord intrapalestinien entre Hamas et Fatah, mobilisation contre le fondamentalisme islamiste…) mais aussi ceux qui bloquent, pour l’instant (solution inclusive en Syrie, accordant au régime de Bachar El-Assad une place dans l’après Daesh, soutien de l’Egypte au «  Qatarban » depuis juin dernier, maintien de l’Egypte dans la coalition arabe faisant la guerre au Yemen depuis mars 2015, à l’aune du terrible bilan humain et de la catastrophe humanitaire qui lui est lié…). La libération, en mars 2017, de Hosni Moubarak devrait aussi focaliser l’attention du président français sur la question des droits de l’homme et notamment quant au sort de l’ancien président Mohamed Morsi, embastillé depuis juillet 2013. 

Arrivé au pouvoir par le biais de ce qui est communément présenté comme un coup d’état militaire en juillet 2013, mettant fin à la présidence de Mohamed Morsi, soutenu par les Frères musulmans et abrogeant la Constitution post-révolutionnaire de 2012, cette 3ème visite du président égyptien en France advient dans le contexte d’un net réchauffement des relations bilatérales depuis son élection, le 28 mai 2014. 

Si l’on ajoute les deux visites de François Hollande en Egypte (sa présence pour l’inauguration de la seconde voie du Canal de Suez en aout 2015, suivi de sa première visite d’état au Caire, en avril 2016), les hésitations de la diplomatie française  caractérisées par les critiques à peine voilées d’un Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères français à l’époque du coup d’état de juillet 2013, abrogeant la présidence de Mohamed Morsi semblent, désormais, bien loin. 

Le président Abdel-Fatah el-Sissi qui devrait se présenter à sa succession en mai 2018, arrive ainsi à Paris, pour y rencontrer le nouveau président français, qui n’a eu de cesse de se démarquer de son prédécesseur sur les dossiers sur lesquels existaient, en effet, des divergences d’appréciations (Syrie, Libye, notamment). 

Ainsi, chacun semble avoir fait un pas vers la position de l’autre. La rencontre intra-libyenne de La Celle Saint-Cloud, le 25 juillet dernier, replaçant le maréchal Khalifa Haftar au centre du jeu, a été appréciée au Caire. Dans l’autre sens, la plus juste perception de la réalité militaire en Syrie, où le régime de Bachar el-Assad a regagné du terrain et re-contrôle désormais plus de 51% de la Syrie, semble convaincre Le Caire que le sort et l’avenir du président syrien ne devait plus être un facteur bloquant. Le Caire et Paris, semblent ainsi davantage au diapason sur moult dossiers diplomatiques que l’Egypte et certains de ses voisins et partenaires au sein de la Ligue arabe.

Le récent accord entre le Hamas et la Fatah, en conflit depuis 2006, conclu au Caire le 12 octobre dernier confirme également, que sur ce dossier, là encore les positions de Paris et du Caire ont toujours été complémentaires. C’est, du reste, le seul dossier sur lequel Paris et Le Caire, n’ont jamais changé de direction convergente. C’était ainsi déjà le cas, dès juillet 2014, lors de la visite de Laurent Fabius au leader palestinien, Mahmoud Abbas, au Caire. Depuis, la France soutient activement les efforts de la diplomatie égyptienne, comme du reste, c’est aussi le cas du côté d’Israël...   

Même sur le dossier qatari, dont l’Egypte est, pourtant, un des quatre pourfendeurs pour son soutien aux Frères musulmans - aux côtés de l'Arabie Saoudite, de Bahrein et des Emirats Arabes Unis, le président Sissi semble avoir une attitude plus conciliante, précurseur d’une sortie de crise dans le Golfe et peut-être aussi anticipateur d’une position plus «  souple »  quant à sa participation au dramatique conflit qui se joue au Yémen. Bref, l’on peut se demander si les soubresauts que connait la famille régnante en Arabie Saoudite, ne constitueraient pas une habile porte de sortie pour le président Sissi, de moins en moins enclin à « endosser » certaines positions jusqu’au boutistes du roi saoudien Mohammed Ben Salmane Al Saoud et lui permettant, de facto, de revendiquer enfin ce rôle de leadership au sein de la Ligue arabe que la période révolutionnaire et contre-révolutionnaire l’ont empêché de briguer. 

L'option diplomatique d’une Egypte forte en méditerrannée orientale, au croisement de la «  profondeur stratégique »  africaine et moyen-orientale égyptienne, serait ainsi très certainement de nature à renforcer et à aider le dessein française de retour au premier plan au Levant. la France a besoin d’allié fort et respecté...

Bien sûr la coopération économique, notamment dans le domaine militaire, sont de puissants leviers confirmant cette amitié bilatérale scellée sur fond de nombreux contrats, à l’instar des 24 rafales vendus par la France à l’Egypte (5,3 milliards d'euros), des deux Bateaux de Projection et de Commandement - BPC de classe Mistral (950 millions d’euros), du satellite de télécommunication militaire que l’Egypte a commandé récemment (600 millions d’euros), ou encore de la Frégate multi-missions (FREMM) déjà livrée à la marine égyptienne en juin 2015.

Ce troisième déplacement du président égyptien sera ainsi l’occasion de confirmer la commande d’une seconde FREMM et de confirmer la volonté égyptienne de prendre possession au plus vite des quatre corvettes Gowind (pour un montant d’un milliard d’euros) dont la première devrait être livré en décembre 2017 et dont les trois suivantes seront construites d’ici 2019 sur les chanters navals d’Alexandrie.

Ce sont ainsi 6,83 milliards d’euros de contrats qui lient la France et l’Egypte, depuis 2014. Cependant, le président égyptien devrait évoquer avec son homologue français, le récent blocage par le ministère des Finances de plusieurs contrats, dont la vente de 12 des 24 Rafales commandés par Le Caire. En effet, l’Egypte qui demande une facilité da paiement se trouve « bloqué » par l’encours alloué par Bercy à BPIfrance, désormais totalement utilisé, eu égard à ces nombreux contrats. Nul doute que la décision de Bercy hésitant à garantir une enveloppe supplémentaire, compte-tenue de la dégradation de la note de l’Egypte en matière de risque pays sera évoquée par les deux présidents.

Le récent attentat ayant endeuillé l’Egypte et couté la vie à une trentaine de militaires, à quelques centaines de km du Caire, dans le district de Gizeh, sur la route menant à l’oasis de Bahariya, vient, en effet, confirmer, que malgré une croissance de 6% attendue en 2019, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader en Egypte, pouvant perturber quelque peu la « lune de miel commerciale »  que nos deux pays vivent.

Les relations économiques ne se limitent pas seulement au seul domaine militaire. La forte mobilisation du président égyptien en faveur de la diversification énergétique, dont témoigne l’intérêt pour les technologies françaises en matière d’éoliennes maritimes, telles que celles développées par DCNS (devenu Naval-Group) que ce dernier avait observé lors de son déplacement à Cherbourg en 2015 confirment que les positions françaises et égyptiennes, sur l’adaptation aux changements climatiques, en faveur de le justice climatique  et l‘appui à la diversification énergétique demeurent convergentes à l’aune de la COP 23 en Allemagne et de la Conférence du 12 décembre prochain que le Président français souhaite organiser, et ce, afin de « contraindre » et «  convaincre »  les Américains à ne pas quitter l’Accord de Paris sur le climat.

Il sera aussi question, à l’occasion du déplacement du président égyptien à Paris, de l’importance que revêt, au sein du monde arabe-musulman, l’Université Al-Azhar du Caire. Créée en 1053, en même temps que Le Caire fut établie. L’université et son Grand Imam, Ahmed el-Tayeb jouissent, en effet, d’une autorité et d’une légitimité incontestable, qui, dans le contexte de la radicalisation au sein de nombreux pays, dont la France, est de nature à renforcer l’exemplarité d'un « islam du juste milieux » , ou encore dune certaine forme d’un humanisme musulman que la France pourrait prendre pour exemple dans sa gestion au quotidien  de sa relation avec l’Islam de France. 

Le président Sissi, avait, du reste, prononcé en décembre 2014, un important discours à l’université Al-Azhar mettant en exergue la nécessité de « révolutionner » la religion musulmane. Ce dernier, en ajoutant qu’il convenait désormais de prôner «  un discours religieux en accord avec son temps » ne pouvait faire meilleur cadeau au président Emmanuel Macron qui reste empêtré dans des processions législatifs dont l’efficacité et la portée reste à confirmer en faveur d’une dé-confesionnalisation des relations entre citoyens…

Enfin, la très bonne campagne de la candidate égyptienne, Moushira Khattab, ancienne ministre de la famille et de la population, à la succession d’Irina Bokova, pour le poste de 11ème  Directeur général de l’Unesco, est venue prouver que l’Egypte est «  bonne perdante » , puisque sa voix comme beaucoup de celles des pays arabes et africains, parmi les 58 Etats membres du Conseil exécutif, aura permis à la candidate française Audrey Azoulai de l’emporter sur un fil contre le candidat qatari. Emmanuel Macron avait, du reste, téléphoné au président Sissi pour solliciter « officiellement » son appui pour le dernier tour de vote, finalement emporté 30 à 28 au profit de la candidate française. 

Nul doute que le président français  devrait aussi remercier son homologue égyptien et engager, avec lui, le débat sur l’entrée comme membre permanent d’un état africain au sein du Conseil de sécurité, alors que la France exerce, pour octobre, la présidence du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Que de chemin, parcouru, en effet pour l’Egypte, désormais solidement ancré comme puissance autant africaine, méditerranéenne, levantine, arabe, musulmane qu’émergente aussi sur le plan économique. Le nouveau président français, servi par l’action efficace et reconnue des deux présidents de groupes d’amitié parlementaire, en la personne de la Sénatrice de Seine-Maritime, Catherine Morin-Desailly et député du Tarn, Philippe Folliot, ne devrait pas hésiter à y faire référence, mettant ainsi en exergue l’Egypte comme modèle de développement socio-économique à suivre au sein du monde arabe-musulman et au-delà...

Quelles évolutions sont à prévoir sous la présidence d'Emmanuel Macron par rapport à celle de son prédécesseur quant à cette politique arabe ? Au-delà d'Emmanuel Macron comment la France peut-elle s'inscrire dans un monde en phase de se redessiner après la chute de l'Etat Islamique ?

Le nouveau locataire de l’Elysée n’a donné, jusqu’ici que des bribes constitutives de ce qu’il n’hésite pas à présenter comme une nouvelle politique arabe de la France. Lors de la campagne présidentielle, ce dernier n’avait-il pas laissé entendre qu’il convenait d’engager une approche nouvelle concernant le dossier syrien, entre-ouvrant la porte à une approche nettement plus caractérisée par la Realpolitik ? 

Une fois élu, le Président de la République rappelait que si « Daesh est (bien) notre ennemi. Le retour de la paix et de la stabilisation en Irak et en Syrie est une priorité vitale pour la France » indiquant qu’il fallait très certainement pour « gagner la paix, changer de méthode ». 

Depuis - comme ce dernier l’indiquait à la tribune des Nations Unies, à l’occasion de son discours, fin septembre, à l’occasion de la 72ème Assemblée générale des Nations Unies ou précédemment devant les 170 ambassadeurs de France réunis pour la clôture de la semaine des Ambassadeurs, le 29 aout dernier - concernant l’Irak et la Syrie et le Moyen-Orient, en général - c’est une nouvelle méthode qu’il convient de suivre. Le Président n’hésite pas à évoquer la nécessité d'une profonde « transformation » et ce afin que la France puisse encore tenir son rang de 5ème puissance mondiale, comme fondateur et garante du multilatéralisme onusien, de l’unité européenne et de la sécurité collective euro-atlantique...

Ce « recentrage » de la France au Moyen-Orient passe aussi par une distanciation plus caractérisée entre les différents protagonistes, comme la position française quant à la rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran ou dans le cadre de la crise qatarie - où la France chercherait à peser mais en évitant d’influencer en choisissant un camp ou un autre - tendrait à le prouver.

Plusieurs occasions permettront au Président Emmanuel Macron de « joindre les actes à la parole », notamment à l’occasion du déplacement que ce dernier devrait faire au Liban, en Palestine, en Jordanie et en Israël au printemps 2018. Au-delà, une visite historique à Téhéran, en 2018, devrait confirmer cette évolution de la diplomatie française vis-à-vis du monde arabe-musulman, dans son acception la plus large et inclusive. C’est, du reste, cette approche pragmatique qui semble l’avoir aussi emporté, à titre d’exemple, sur une vision quelque peu idéologique quant à l’Egypte post-Moubarak et post-révolutionnaire, après la « Révolution du 25 janvier 2011 ».

Emmanuel Macron avait ainsi indiqué que le rôle et la place de la France consistait à « parler à tous et de travailler avec tous » et ce dans un monde caractérisé, voire bousculé par une crise du multilatéralisme. Dans ce contexte, l’émergence de centres d’influences transcontinentaux et de nouveaux formats multilatéraux - à l’instar de la montée en puissance des « nouvelles routes de la Soie »  et la confirmation de la légitimité et l’efficacité des organisations subrégionales, telles que l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) ou une Union Africaine - désormais pleinement réunifiée avec le retour du Maroc, depuis décembre dernier - tendrait à prouver qu’Emmanuel Macron a raison d’adapter notre disposition diplomatique et militaire au Levant et au Maghreb.

Par ailleurs, je vois également trois autres évolutions caractéristiques de la nouvelle politique arabe-musulmane de la France. 

Tout d’abord, il convient de prendre en compte une nouvelle approche consistant à profiter de l’affaiblissement du leadership américain - qu’il soit voulu ou subi - dans la région, permettant à la France d'exercer pleinement son rôle de « contrepoids ». et de puissance d’équilibre. Il en résulte une nouvelle stratégie consistant à proposer les « bons offices »  de la France. Cette « diplomatie de l’empathie » se caractérise ainsi par la récente offre française de médiation entre le Gouvernement central irakien et le Gouvernement régional kurde (KRG) suite au référendum du 25 septembre dernier ouvrant la voie à ce qui s’apparente à un nouveau front en Irak. Ou encore, la nomination de l’ambassadeur Bertrand Besancenot comme « missi dominici » dans la crise dans le Golfe persique, en appui de la médiation koweitienne, dans le cadre du conflit opposant depuis le 5 juin dernier, le Qatar au « quartet »  composé par les pays du Conseil de Coopération du Golfe, mené par l’Arabie Saoudite (Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Bahrein, Egypte).

Par ailleurs, l’annonce, en septembre dernier lors de l’AG des Nations Unies, de la volonté française de piloter un groupe international de contact sur la Syrie, sur le modèle du format P5+1 (5 membres du Conseil de sécurité de l’ONU + UE/ Allemagne) ou encore E3+3  (France/ Allemagne/ Royaume-Uni + Chine/ Etats-Unis/ Russie) qui a permis - entre 2006 et juillet 2015 - d’engager un fructueux dialogue et de sceller un accord avec l’Iran, vient confirmer cette diplomatie de la médiation que Paris entend désormais promouvoir plus activement. De ce point de vue, la dé-certification de l’accord sur le nucléaire iranien, annoncée par le Président Donald Trump, il y a quelques jours renforce, du côté de Téhéran ou de Moscou, l’intérêt pour l’offre française...

On pourrait continuer ainsi à lister les multiples offres françaises visant à proposer une voie alternative dans la résolution des conflits, à l’instar de la proposition française de négociations directes entre l'Autorité palestinienne et Israël, initiée par François Hollande, mais qui semble ne guère avancer, butant sur la solution des deux états ou encore la médiation ayant permis une discussion directe, en France, en juillet dernier, entre le Premier ministre libyen Fayez Serraj et le maréchal Khalifa Haftar quant à l’avenir institutionnel et un calendrier électoral en Libye. Là-encore il y a loin de la coupe aux lèvres..

La deuxième évolution significative qu’il convient de mettre en exergue réside dans la volonté de plus profonde « incarnation » de la politique arabe de la France, à la manière de ce qu’avait voulu faire Jacques Chirac, sur les dossiers algérien, libanais et israélo-palestinien, notamment entre 2004 et 2006. De ce point de vue, c’est incontestablement vers le Liban qu’Emmanuel Macron a décidé de débuter son opération de séduction. Poliment laissé de côté par François Hollande, le Liban, après une longue crise institutionnelle la privant de mai 2014 à octobre 2016, d’un chef de l’état, est revenu au coeur de la stratégie levantine de la France. Enfin doté d’un président consensuel, en la personne de Michel Aoun et d’un premier ministre Saad Hariri dont la voix compte, eu égard avec sa proximité avec Riyad, le Liban est un «  état pivot », dont la fragilité face à Daesh, et la conflictualité résiduelle avec Israël inquiète Paris.

En honorant, du reste, il y a quelques semaines avec une première visite d’état à Paris pour le président Aoun et une visite officielle pour Hariri - Emmanuel Macron vise à faire du LIban, son allié le plus fiable, alors que la stabilisation en Syrie se confirme avec la chute de Raqqa et la reconquête de plus de 51% du territoire désormais revenu sous l’autorité gouvernementale. L’avenir de la Syrie se jouant à Astana (7ème round des négociations qui débutent début novembre) et à Genève (processus Genève II), le président française cherche ainsi à ne pas être marginalisé.

Enfin, la troisième et dernière évolution confirme que la lutte contre le fondamentalisme islamiste et le combat quant à son entrisme sur notre territoire semble être devenu le nouveau crédo de la politique étrangère et de sécurité française. La prochaine conférence de mobilisation internationale contre le terrorisme, notamment en ce qui concerne le financement et l’utilisation d’internet dans le Djihad et l'extrémisme violent armé, viendra, dans les premières semaines de janvier, à Paris, à l’invitation de la France, confirmer que Paris entend prendre davantage en compte la volatilité et pérennité de cette menace.

De ce point de vue, Emmanuel Macron devrait sans doute aussi davantage prendre en compte l’évolution et la réalité des rapports de forces et des nouvelles alliances stratégiques dans la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Sans doute, Emmanuel Macron aura- t-il ainsi décrypté le déplacement « historique » du roi Salmane ben Abdelaziz Al-Saoud d’Arabie Saoudite en Russie, il y a deux semaines, semblant confirmer que la Russie est désormais incontournable dans la région. Poutine est ainsi devenu le nouveau « Sheikh » dans la région, auréolé d’une victoire militaire qui se profile en Syrie et initiateur des pourparlers d’Astana, dont le 7ème round des négociations, va débuter dans la capitale du Kazakhstan. Moscou, après deux ans de présence militaire soutenue en Syrie (par les airs et sur le terrain) est ainsi indéniablement considéré comme faisant partie intégrante de la solution, n’incarnant donc plus l’adversaire ou n’étant plus considéré par les Etats du Golfe comme étant le problème, pour son soutien à Bachar el-Assad.

En décidant, à Moscou, d’ajuster et de réguler les prix du brut et ce jusqu’à 2018, Moscou et Riyad semblent renouer avec des relations plus apaisées. Ce sont ainsi près d’un milliard de dollars (850 millions d’euros) qui ont été décidé au profit d’investissements dans le secteur énergétique. Il a ainsi été question des 300 milliards d’euros que l’ONU indique nécessaire pour la reconstruction en Syrie. Nul doute qu’après avoir gagné militairement la guerre contre Daesh, Moscou est désormais le mieux placé pour aussi gagner la paix. 

Dans ce contexte, ni les chancelleries européennes, ni Washington et pas plus Paris, ne peuvent prétendre exercer un rôle de coordinateur dans la perspective de la reconstruction et d’appui au processus de réconciliation.

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