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 Harcèlement sexuel : pertes de valeurs, manque d’éducation, Islam et autres mots autour desquels se construisent les opinions des Français
©Pixabay

Parole et action

Lors de sa prestation dans l'Emission politique du 19 octobre, Marine Le Pen a établi un lien entre harcèlement sexuel et Islam, un point de vue qui trouve un écho dans une partie de l'opinion.

Adelaïde  Zulfikarpasic

Adelaïde Zulfikarpasic

Adelaïde Zulfikarpasic est directrice du département opinion BVA.

 
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Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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L’affaire Weinstein a semblé, avec le succès du hashtag balancetonporc, provoquer un électrochoc. Pourtant, on ne peut que s’interroger : s’agit-il d’une réelle prise de conscience de l’urgence d’agir contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles, ou bien d’une bulle médiatique comme nous en avons tant connu, qui sera vite recouverte par la chape de plomb qui pèse sur le quotidien des femmes harcelées depuis de trop nombreuses années?  Au-delà de cette apparente libération de la parole, qui au vu des tweets semblait socialement et professionnellement très marquée - on y a vu beaucoup de journalistes par exemple - il est en effet encore difficile de comprendre la manière dont se structurent les perceptions sur ce sujet.

Les discussions recueillies auprès de la communauté « POP by BVA » permettent de comprendre un peu mieux la manière dont ce débat a été perçu. Elles montrent d’abord et avant tout que le sujet n’est nouveau aux yeux de personne, et que les opinions sont assez bien structurées. Certains participants citent ainsi les récentes avancées législatives, qu’ils jugent insuffisantes pour la plupart, inscrivent ce scandale dans une longue lignée - citant par exemple l’affaire Polanski -, et rappellent que le problème qui agite aujourd’hui surtout la sphère des CSP + et les « gens visibles » touche en réalité toutes les catégories sociales depuis bien longtemps sans que personne ne s’en émeuve outre mesure. 

Un phénomène aussi vieux que le monde donc, mais qui prend aux yeux de certains une ampleur nouvelle depuis quelques années sous l’effet de deux facteurs : l’effondrement des repères et valeurs communes - à l’origine de la crise de citoyenneté et d’identité ressentie et dénoncée par un grand nombre de français depuis de nombreuses années -, valeurs piétinées par les codes et clichés sexistes propagés tant par le cinéma que par la publicité ou la téléréalité. Mais aussi ... la propagation au coeur de nos sociétés (et notons que pour certains, la référence implicite est que le harcèlement est confiné aux « quartiers ») d’une forme d’Islam radical, rejetant les valeurs républicaines et notamment celle d’égalité. Il est frappant de constater que le facteur religieux soit spontanément évoqué par plusieurs participants alors même qu’il ne l’a été à aucun moment dans l’affaire qui a déclenché cette tempête médiatique - certains allant même jusqu’à voir dans une apparente résurgence des violences sexuelles et sexistes l’effet de « contamination » de « quelques jeunes hommes arrivés en France et qui (...) croient aux niaiseries de l’islam rigoriste », et poussent les autres hommes à « retrouver leur habitude ancestrale ». Alors que certain(e)s, dans le débat médiatique, allaient jusqu’à faire peser une part de responsabilité sur les valeurs catholiques, cette idée n’est en revanche venue à aucun de nos participants.

« C’est une question d’éducation à laquelle ne participe guère l’école, la télévision et le cinéma. La femme est trop souvent considérée comme un objet pour satisfaire le désir des hommes et c’est déjà inscrit dans l’esprit des jeunes garçons de cette civilisation qui met toujours en avant le sexe (...) maintenant déjà au collège toutes les filles sont en jean, vous savez pourquoi? » (Homme, 31 ans, Employé, Deux Sèvres). 

«  la façon dont est montrée la femme tant dans les spots publicitaires que dans le monde de la mode par exempke n’est pas pour améliorer le tableau » (Homme, 39 ans, Profession intermédiaire, Meuse).

Symptôme de dérives culturelle, de notre crise d’identité ou de facteurs identitaires et religieux, tous s’accordent à dire que le phénomène auquel nous sommes confrontés est massif et intolérable. Si certains exemples viennent spontanément à l’esprit des participants - le harcèlement dans les transports, les propos déplacés -, d’autres ne sont en revanche pas du tout évoqués, et il existe un flou s’agissant de ce qui relève ou non du harcèlement. Il paraît donc nécessaire à leurs yeux de commencer par définir clairement la frontière « entre la drague et le harcèlement », afin de ne pas risquer de basculer dans des rapports de suspicion et de conflictualité généralisés.

« Le plus difficile sera de définir la limite entre drague et harcèlement » (Femme, 66 ans, Retraitée, Finistère). 

On notera au passage que la question du harcèlement au travail, et les difficultés à dénoncer les actes délictueux liées aux rapports de domination existant dans l’entreprise, ne sont presque pas évoqués. Tout se passe comme si les participants avaient du mal à lier ce débat à la question sociale, alors même que certains reconnaissent implicitement que toutes les femmes ne sont pas égales face au risque de la perte d’emploi liée à la dénonciation. 

Au delà des difficultés à circonscrire le champ du débat, la plupart appellent de leurs voeux un durcissement des règles en la matière, mais doutent de la capacité des pouvoirs publics à sanctionner efficacement et de manière systématique les comportements délictueux - d’autant plus que, pour beaucoup, ils ont lieu dans des lieux où la police n’est pas forcément à portée de voix, ou a des choses plus urgentes à faire. 

À la sanction, les personnes interrogées sont donc nombreuses à souhaiter que les pouvoirs publics ajoutent un effort particulier dans la prévention et l’éducation. Si un débat existe entre les participants sur la répartition des rôles en la matière, entre les parents et l’école, tous s’accordent à dire que dès lors que ce sont nos valeurs communes qui sont en cause - en l’espèce l’égalité homme-femme, et le respect de la dignité de chacun - renvoyer exclusivement à la responsabilité des parents ne parait pas suffisant.

« Pour moi, la base ce n’est pas l’école mais ce sont les parents (...) les enseignants ne sont pas là pour éduquer les gamins » (Femme, 29 ans, Employée, Finistère)

« A l’école dès le plus jeune âge des cours de comportement en société, de laïcité, de respect des différences, de liberté régulee devraient être enseignés!  Interdire les écoles coraniques payées par nos impôts qui inculquent aux jeunes musulmans la haine de la France et de notre culture! » (Homme, 57 ans, Cadre, Côtes-d’Armor)

« La législation peut aider à combattre le problème mais c’est avant tout un problème d’éducation, de culture, de repères. Le laxisme de la justice et l’explosion démographique ne sont pas pour apaiser la situation (...) L’école pourrait jouer un rôle, mais les parents voire enseignants l’accepteraient ils??? » (Homme, 67 ans, Retraité, Pas de Calais)

De manière générale, les personnes interrogées ont bien conscience que l’Etat ne peut pas tout dans ce domaine, et qu’un problème d’éducation, de valeurs et « d’états d’esprit » ne pourra être résolu que grâce à une mobilisation de toute la société, « bottom-up ».

« L’idée de consultation citoyenne me parait pas mal, après l’idée de juger « tous ensemble » ce qui est acceptable ou pas en matière de harcèlement sexuel me parait un peu limite... enfin je ne vois pas bien comment cela va se faire... » (Femme, 2: ans, Etudiante, Herault).

Les personnes ayant pris part au débat en appellent donc autant à l’action résolue des pouvoirs publics qu’à une mobilisation citoyenne durable. Pour autant, peut-on affirmer avec certitude que la volonté d’agir, sans trouver de faux prétextes pour prolonger l’inaction, fasse l’unanimité? Non: on trouve aussi des personnes pour dénoncer la « complicité active de toutes les femmes qui participent à cette image d’objet de désir et qui en profitent par intérêt personnel, notoriété et argent, sans penser à l’impact de leur attitude qui, déclinée dans la rue, transforme toutes les femmes un tant soit peu jolies en proies potentielles » (propos d’un homme).

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