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Appel de Grigny : comment refonder une politique de la ville efficace après 40 ans d'errance ?
©AFP

Rebelotte

Alors qu'ont eu lieu lundi 16 octobre les Etats Généraux de la politique de la ville et que l'on célèbre ses 40 ans, des dizaines de maires ce sont montrés plus qu'inquiets face aux coupes budgétaires annoncées par le gouvernement cet été.

Après s’être réunis le 20 septembre, élus et professionnels ont tenu des Etats-généraux de la ville lundi 16 octobre à Grigny, dans l’Essonne. Que retenir de cette nouvelle réunion ?

Laurent Chalard :Les Etats-généraux de la « politique de la ville », qui se sont tenus le lundi 16 octobre 2017, n’apportent aucune grande nouveauté, dans le sens que les élus qui se sont réunis ne font que demander d’assurer la pérennité d’une politique, dont l’inefficacité est pourtant reconnue par la plupart des acteurs. On a l’impression que beaucoup d’élus s’inscrivent dans une « logique de guichet » vis-à-vis de l’Etat, qui vise à « quémander » toujours plus d’argent, la majorité d’entre eux apparaissant dans l’incapacité de proposer quelque chose de nouveau pour remédier aux problèmes. Il est assez remarquable que la thématique de l’immigration ne soit jamais clairement mise en avant par les élus des territoires concernés alors qu’elle constitue le moteur principal des dynamiques socio-démographiques de leurs communes. En effet, il sera impossible de remédier aux problèmes des quartiers paupérisés des grandes métropoles, tant que l’on évacuera la question migratoire !

Des millions d'euros sont dépensés dans les cités pour des opérations à l'efficacité quasi-nulle, tandis que la France périphérique est laissée à l'abandon. Comment inventer une politique de solidarité des territoires qui tienne la route?

Laurent Chalard : Effectivement, depuis sa mise en place, en-dehors d’une amélioration du cadre urbanistique des quartiers paupérisés des grandes métropoles, la « politique de la ville » est,  sur le plan social, un échec, puisque le nombre de quartiers en difficulté augmente d’année en année et que la pauvreté n’y fait que progresser.

En conséquence, il convient d’effectuer un changement total de paradigme sur le sujet, qui passe, purement et simplement, par la suppression de la « politique de la ville » telle qu’elle existe aujourd’hui. En effet, une large partie des problèmes des quartiers en difficulté des grandes métropoles est la conséquence directe de la mauvaise gestion des flux migratoires. Dans ce cadre, si l’Etat français souhaite réellement mener une politique efficace, il faut donc remplacer la « politique de la ville » par une « politique de gestion de l'immigration », qui comprendrait un volet urbain, concernant plus spécifiquement les quartiers paupérisés des grandes métropoles. La « politique de la ville », telle que nous la connaissons, ne devrait constituer qu’un élément d’une politique beaucoup plus ambitieuse et déterritorialisée, prenant en charge les immigrants dès leur arrivée sur le territoire français.

Parallèlement, pour s’attaquer aux inégalités de développement économique entre les grandes métropoles, qui bénéficient de la mondialisation, et la majorité du reste du territoire, qui en souffre, il serait nécessaire de relancer une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom, comme nous l’avons connue pendant les Trente Glorieuses. Cette politique ne viserait nullement à brider le développement des grandes métropoles, ce qui serait une aberration dans le contexte actuel de concurrence internationale exacerbée et de croissance économique modérée, mais se devrait de proposer un modèle de développement alternatif, qui tienne la route, pour les territoires de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « France Périphérique », ne pouvant s’inscrire dans un processus de métropolisation.

On a bien compris qu'il fallait valoriser la France qui gagne. Mais pour la France qui souffre, il n'y a rien de concret" a déclaré le maire de Grigny, M. Philippe Rio. Une politique de la ville efficace est-elle compatible avec la volonté d'Emmanuel Macron de réaliser 16 milliards d'économie?

Laurent Chalard : Si, bien évidemment, il est toujours mieux d’avoir plus d’argent que moins d’argent, il n’en demeure pas moins, que l’efficacité passant par un changement de paradigme, il s’agit, avant tout, d’utiliser l’argent de manière plus pertinente. Or, à l’heure actuelle, l’argent mis dans la « politique de la ville » ne sert pas à grand-chose, n’étant pas utilisé dans l’optique de s’attaquer au fond du problème, la gestion des flux migratoires. Donc, il serait effectivement possible de faire mieux avec moins d’argent si Emmanuel Macron choisissait de refondre totalement la politique de l’Etat sur la question des quartiers en difficulté des grandes métropoles, en engageant une politique de gestion des flux migratoires, ce qui ne semble pas être le cas, pour l’instant.

Quels pays ont su remédier à ce problème? Lequel est le plus efficace? Peut-on s'en inspirer? 

Laurent Chalard : S’il n’y a aucun pays européen qui puisse réellement se targuer d’avoir résolu les problèmes liés à l’immigration, il existe néanmoins dans certains pays des politiques de gestion des flux migratoires, même si elles ne portent pas forcément ce nom, où les nouveaux arrivants sont pris en charge par l’Etat. Elles se présentent sous deux formes. Une première forme est la mise en place de politiques d’insertion des nouveaux arrivants dans la société et sur le marché du travail, c’est-à-dire de cours d’apprentissage obligatoires de la langue pour ceux qui ne la maîtrisent pas encore, des informations sur les droits et les devoirs dans le pays d’accueil, un suivi pour l’obtention d’un premier logement ou encore des aides financières pendant un certain temps. C’est ce qui se fait en Allemagne ou dans les pays scandinaves. Une seconde forme est une politique territorialisée, c’est-à-dire de répartition des nouveaux arrivants sur l’ensemble du territoire national, tout du moins pour les réfugiés, dans l’optique d’éviter les trop fortes concentrations ethniques. C’est ce qui se passe, par exemple, en Belgique, où l’Etat a implanté de nombreux immigrés dans les campagnes. Cependant, cette politique ne permet pas de remédier aux phénomènes de concentration ethnique urbaine, comme à Bruxelles ou à Anvers, étant donné l’ampleur de l’immigration dans ce pays.

Les dirigeants français peuvent effectivement s’inspirer de ces politiques, dans le sens que nous partons en France de zéro, les nouveaux arrivants légaux sur le territoire français ne faisant pas l’objet d’un suivi poussé par les services de l’Etat. Ces derniers doivent se débrouiller seuls en espérant bénéficier de l’aide de leur famille ou de leurs connaissances déjà présentes sur notre territoire. Ce n’est donc guère le meilleur moyen pour s’assurer d’une intégration rapide et réussie. Concernant les politiques d’insertion, la France pourrait donc faire d’énormes progrès en s’inspirant des politiques menées par ses voisins européens. Par contre, concernant la mise en place d’une politique territorialisée de dispersion des flux migratoires sur l’ensemble du territoire, elle apparaît assez problématique dans l’hexagone car la France étant relativement peu densément peuplée et l’emploi fortement concentré, les perspectives de trouver un emploi dans les campagnes pour les populations immigrées seraient extrêmement limitées, les enfermant dans un destin sans avenir. Il n’est donc pas pertinent de s’en inspirer.

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