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Le nucléaire iranien : Et maintenant que Trump l’a dé-certifié, que va-t-il se passer ?
©NICHOLAS KAMM / AFP

Et après ?

Comme attendu, Donald Trump s’est abstenu de certifier devant le Congrès américain le respect par l’Iran de ses engagements au titre de l’accord nucléaire du 14 juillet 2015.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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En se fondant sur une litanie de remontrances à l’encontre de l’Iran, sans aucun rapport avec l’accord nucléaire proprement dit, en partant de l’affaire des otages de l’ambassade américaine de 1979 jusqu’à l’engagement de l’Iran en Iraq et en Syrie, Trump y a puisé le raisonnement opportun pour jeter l’opprobre sur l’Iran et de la sorte se donner les munitions requises dans sa construction alambiquée pour dé-certifier cet accord. Aussi bien par le langage utilisé que la sémantique employée, l’idéologie anti-iranienne de ses amis saoudiens et de l’aile droite du Likoud semblait dominer le raisonnement par lui développé. Il a même innové en qualifiant le golfe persique de golfe arabique, signant ainsi son discours par le tropisme saoudien qui le caractérise et rejetant la qualification de « persique » retenue pour ce golfe par tous ses prédécesseurs, sans exception aucune, et par tous le historiens depuis Hérodote, 5 siècles avant notre ère !

Que va-t-il se passer maintenant que la dé-certification est intervenue ? Même si pour autant l’Amérique n’est pas encore sortie de l’accord nucléaire, le droit américain requiert en pareil cas l’ouverture d’une période de 60 jours pendant laquelle les deux chambres du Congrès, la Chambre des Représentants et le Senat, à la majorité simple, pourront de nouveau imposer les sanctions nucléaires sur l’Iran. Le Congrès pourra aussi suivre l’adage de certains sénateurs républicains, soit le fameux « fix it or nix it (réparez le ou supprimez le) et adopter une législation cherchant à améliorer l’accord. Cette dernière voix, nécessitant le consentement de 60 sénateurs n’aurait d’autres buts que celui de mettre un terme à l’accord nucléaire, tellement ses dispositions seront en conflit avec la position iranienne. En effet, les iraniens ont clairement déclaré par la bouche de leur président qu’ils ne sont pas disposés à renégocier l’accord. Il en va de même de l’ensemble des autres pays signataires de l’accord, les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne et l’Union Européenne. Enfin, sans même l’intervention du Congrès, Trump pourra tout simplement s’abstenir de prononcer la suspension des sanctions américaines liées au nucléaire dès leur prochaine échéance.

Le sénateur de l’Arkansas, Tom Cotton, hostile à cet accord depuis toujours, a d’ores et déjà déclaré qu’il proposera prochainement une législation visant à « améliorer » l’accord. La voie pour la crise semble ouverte. L’Amérique risquerait de se retrouver dans la position embarrassante de sanctionner les entreprises de ses alliés européens qui continueraient à s’engager économiquement avec l’Iran. La Corée du Nord continuerait ses essais nucléaires, ne voyant aucun intérêt à engager des discussions avec une Amérique qui rechigne à respecter sa propre signature si peu de temps après l’implémentation de l’accord, le 16 janvier 2016. L’Union Européenne pour sa part pourra être amenée à avoir recours à son arsenal législatif et introduire les clauses dites « réglementation de blocage » interdisant aux entreprises européennes de respecter la loi extraterritoriale américaine visant à les soumettre au dispositif législatif américain allant jusqu’à les rembourser des pénalités éventuelles dont elles feraient l’objet. L’Europe pourra aussi faciliter les transactions financières et encourager les financements de projets en faisant de l’Iran un partenaire de la Banque Européenne de l’Investissement.

Il y a fort à parier que les iraniens pour leur part, face au comportement erratique du président américain vont jouer le rôle de l’enfant sage en continuant à respecter leurs engagements au titre de l’accord nucléaire tant que les européens feraient de même. Le Premier ministre britannique, Theresa May, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français ont d’ailleurs déclaré par le biais d’un communiqué signé à trois, fait assez rare qu'il convient de souligner, que l’accord nucléaire étant un accord multipartite, un seul pays signataire ne saurait y mettre un terme et que tant que l’Iran respecterait ses engagements, comme il a été dernièrement constaté par l’AIEA, ces pays  continueraient à l’appliquer dans ses dispositions. Fédérica Mogherini, au nom de l’union européenne a fait une déclaration identique. Emmanuel Macron a d’ailleurs réitéré la position française dans ce sens pas plus tard qu’hier soir.

Le droit et le bon sens mis de côté, le problème de fond est que les banques et entreprises européennes risqueraient vite de faire le choix entre un marché américain de 19 mille milliards de dollars et le marché iranien qui sous son meilleur jour ne dépasserait pas les 400 milliards. La stratégie de Trump faute d’avoir un fondement solide dans la raison, risque malgré tout d’aboutir en décourageant des investissements étrangers en Iran. Fait que les conservateurs iraniens ne manqueront pas de reprocher à Rohani. Même s’il ne s’agit que d’un baroud d’honneur, les généraux de la garde révolutionnaire iranien ont déclaré qu’ils pourraient prendre pour cible les intérêts américains dans la région si l’Amérique devait poursuivre sa stratégie qui se présente de plus en plus sous son air véritable de « changement de régime ».

L’échec de cet accord, pour le cas où il devait se réaliser, aurait des conséquences qui dépasseraient le cas iranien. Le monde deviendrait un lieu encore moins sûr.

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