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Moyen Orient : le retour de la tribu ?
©Pixabay / Fardin Rastkhaneh

A l'ancienne

Le référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien organisé dans le nord du pays, s’est traduit par une approbation massive des Kurdes à la perspective ainsi tracée et par une condamnation assez générale tant des Etats de la région que des grandes puissances, effrayées du précédent qui se dessine ainsi.

Pourtant, que les Kurdes irakiens désirent la constitution d’un Etat n’a rien de surprenant, le nord du pays étant de facto indépendant depuis l’effondrement de l’Etat baasiste. Mais la découpage d’une partie d’un Etat installé dans la carte régionale est emblématique d’une tendance générale actuelle de la décomposition des Etats du monde arabe.

Le grand rêve postcolonial avait visé à l’unité panarabe, et s’était retrouvé comme lot de consolation avec des Etats qui, s’ils divisaient la belle unité d’une zone culturelle, semblaient correspondre au projet majoritairement partagé de régimes politiques forts, centralisateurs, laïcs, tournés vers le développement, assis sur un Etat très présent, en s’inspirant du renouveau turc sortie de son interminable statut « d’homme malade de l’Europe ». Or, derrière la façade de la nation, se profilaient déjà une gestion communautarisée des ressources du pays, forcément inégalitaire du fait de la prépondérance d’un clan, d’une tribu, d’une confession aux sommets de l’Etat : sunnites en Irak, Alaouites en Syrie, militaires ou clan des jeunes yuppies occidentalisés en Egypte, tribu de Kadafi en Libye, etc. vint le temps des vaches maigres, et cette iniquité durcit le ressentiment et prépara la violence de l’après printemps arabe.

Aujourd’hui, la structure des frontières et des Etats ne permet plus de sortir des conflits. L’Etat est concurrencé par une autre configuration, assurant sécurité, solidarité et accès aux ressources, s’attachant aux liens primordiaux et identitaires plus anciens ou plus prégnants que la nationalité.

A l’issue des conflits, le pouvoir perd le contrôle des territoires qui ont opéré de telles reconfigurations. Ainsi, le régime de Bagdad, privilégiant outrageusement la population chiite et d’ailleurs concurrencé par des milices sans lesquelles il n’aurait pas survécu à Daech, va perdre non seulement le contrôle du Kurdistan, mais ne parviendra pas à ramener les tribus sunnites dans le giron national. Daech va disparaître, mais son avatar pourrait bien s’incarner dans une nouvelle sécession de ces tribus. En Syrie, le processus d’Astana qui désormais donne le ton à la gestion du conflit ébauche, avec ces quatre « zones de désescalade », des provinces autonomes, voire des baronnies sous influence des puissances régionales. Il sera difficile au pouvoir alaouite de réaffirmer son autorité sur ces nouvelles entités. En Libye, le pays se partage en pouvoirs rivaux aux composantes labiles. Au Yémen, la tentative désastreuse de rétablissement de l’ordre par les Etats du Golfe augure d’une réconciliation nationale très difficile et d’une sécession durable des tribus Houthis. En Egypte, l’écrasement des frères musulmans par le régime militaire n’empêche pas la Haute-Egypte d’échapper au pouvoir central et de devenir un territoire profondément islamiste, s’éloignant de l’espoir de développement arrimé sur le Caire et la mondialisation. Quant au Liban, enfin, c’est dans sa nature même de remettre en cause la survie d’un Etat qui n’est qu’un paravent dérisoire pour le vrai jeu des forces politiques. Accueillant plus de un million de réfugiés, désormais relié physiquement à l’arc chiite, le Liban survivra-t-il au prochain conflit qui se dessine entre le Hezbollah remilitarisé par l’Iran et Israël ?

Il est difficile de prédire la forme définitive de ces nouveaux acteurs, mais il se peut que la gestion des ressources et la sécurité ne soient pas moins mal assurées par ces entités infra-étatiques que par un Bachar el-Assad ou un Kadafi. Il est prévisible que certains finissent par se mettre sous le protectorat des puissances extérieures, qui le cas échéant tiendront à s’assurer que ces territoires n’acheminent pas les trafics combattus (les routes migratoires transméditerranéennes, comme en Libye) ou n’hébergent pas le djihadisme aux portes de l’Europe.

A l’heure du désengagement occidental de la région, la prolifération de nouveaux acteurs complexifient l’affrontement entre le camp iranien et celui des Etats du Golfe mais peuvent aussi l’attiser en multipliant les occasions de clientélisme et donc de guerres par procuration. A moins que la tribu se révèle soit plus sage ou pacifique et accueille avec scepticisme l’offre d’alliance d’un Guide de la révolution ou d’un roi wahhabite. 

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