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Sécurité au quotidien : le redoutable défi dont peine à s’emparer le gouvernement
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A prendre en main

Aveu : l'auteur allait débuter cet article en s'inquiétant du côté effacé du ministre de l'Intérieur ; d'une possible fragilité, gênante pour dompter le plus rude des ministères. Eh bien, l'auteur avait tort.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Car - coup de tonnerre dans un ciel bleu - voilà que, suite aux "dysfonctionnements graves" à leur préfecture, suivis de l'assassinat de deux étudiantes à la gare Saint-Charles de Marseille, M. Collomb limoge sec le préfet du Rhône et son secrétaire général.

Virer un poids-lourd de la préfectorale ! Annoncer des sanctions et sévir ensuite ! Inouï. Pas une seule fois, un tel châtiment n'est tombé sous le mollasson M. Hollande. Et si un préfet sautait sous M. Sarkozy, c'était par énervement présidentiel, suite à quelques sifflets.

Qu'on pardonne à un criminologue de citer des criminels : jadis, les Brigades rouges signaient ainsi leurs textes : "Tues-en un, tu en effrayes cent". On imagine l'effroi des hauts fonctionnaires. Un ministre doté d'autorité ! On en avait perdu l'habitude.

Or de l'autorité, il en faudra au ministre de l'Intérieur, car en France, a sécurité au quotidien est mauvaise et ce que vivent les Français en matière de crime, inquiétant.

D'abord, le discours officiel sur la sécurité. Avant même son élection, M. Macron affirme que la police de proximité est la panacée. Nulle offre de preuve, c'est ainsi. D'où vient ce diagnostic ? De quelles données ? Au bout du compte, la police de proximité répond-elle bien aux besoins de la France ? Mystère.

Or ce qui provient du terrain, ce qui remonte des tribunaux, commissariats, casernes et prisons ; les données criminologiques disponibles, suggèrent un autre diagnostic, une autre perspective. Voyons d'abord les éléments criminologiques ; puis les pistes possibles.

• Les infractions les plus traumatisantes, en France métropolitaine

Commençons par observer le réel criminel, dans ce qu'il a de plus grave.

VOLS AVEC ARME ("braquages"). En réalité, il s'en commet en France 10 000 par an : tout est braqué dans la France de 2017, même des maisons de retraite ! L'Intérieur dit ± 8 000, mais au quotidien, maints braquages (des crimes) sont "dévalués" en vol avec violence, délits perdant ainsi leur juste place dans la statistique. 10 000 par an, c'est énorme - deux fois plus par an, montrent les statistiques Eurostat, que chez nos voisins à taille et population comparable (Allemagne, Royaume-Uni, etc).

Selon les données récentes de notre base documentaire, 57% de ces braquages sont commis par plusieurs individus et relèvent bien du crime organisé (groupe stable, partage des tâches et du butin). A noter aussi les attaques d'hôtels voisins d'aéroports (surtout Roissy) par des bandes prédatrices, pour y piller des touristes circulant en autocar.

VOLS AVEC VIOLENCE, à jet continu, notamment les arrachages de montres de luxe et de bijoux, dans les beaux quartiers de Paris, sur la Côte d'Azur, etc.

BRAQUAGES À DOMICILE ("home jackings"), parfois plusieurs par nuit, dans le Nord et l'Ouest de la France : pillage de domiciles (biens de valeur, voitures, etc.).

VOLS PAR RUSE (ou "à la fausse qualité") explosion de ces vols ciblant des gens âgés ou fragiles. Faux policiers, faux agents de l'EDF, des douanes ou des eaux, faux plombiers , etc. Ils frappent chaque jour, partout en France aussi bien à Paris, Nantes ou Limoges que dans de petites villes (récemment : Flers, Chamalières, Château-Thierry, etc.).

• Infractions gênantes pour la population

CAMBRIOLAGES, un toutes les deux minutes, affectant d'abord la France rurale et périurbaine. Notons que l'Intérieur ne publie que les cambriolages des résidences principales ; or ceux des locaux industriels, commerciaux, agricoles ; des maisons de campagne, campings et mobil-homes, font 40% de l'ensemble. Donc 40% de pillages "oubliés", grosse tricherie de l'Intérieur allégeant les (déjà mauvaises) statistiques.

VOLS DE DEUX-ROUES, vélos, motos, scooters, etc. 54 400 engins à moteur volés en 2016, un toutes les dix minutes, 68% jamais retrouvés.

VOLS DANS DES VÉHICULES, par effraction (vols "à la roulotte"), explosion dans l'ouest de la France ; dans certains départements, c'est + 50% de l'été 2016 à l'été 2017.

• Qui commet ces traumatisantes ou perturbantes infractions ?

CLANS NOMADES hyperactifs : cambriolages à la chaîne, vols massifs de câbles des télécom (pour le cuivre). Arrêté voici peu en Vendée, un seul clan nomade aligne 240 cambriolages en un an ! Ces bandes issues des Balkans, il s'en arrête une par semaine en France. Fort actifs aussi, des Albanais (trafic d'héroïne) et des Géorgiens (cambriolages, etc).

"MINEURS ÉTRANGERS ISOLÉS", formule lacrymogène mais fausse, car ils ne sont pas "isolés" du tout mais attaquent en meutes, certains très agressifs avant même dix ans. Hormis ces jeunes prédateurs, notons la forte augmentation des violentes infractions opérées par de quasi-enfants : cambrioleurs de 9 ans, braqueurs de 12 ans, etc.

• Evolutions inquiétantes dans le monde criminel

HOMICIDES (OU TENTATIVES) ENTRE BANDITS ("règlements de comptes entre malfaiteurs"). Il s'en commet partout en France (récemment : Marseille, Nîmes, Grasse, Montpellier, Grenoble, Avignon, La Ciotat, Vallauris, Marseillan, Nantes, Rennes, Rouen, etc.) En Ile-de-France (cet été : Aulnay sous bois, Colombes, Dugny, Achères Vitry, Créteil, Champs sur Marne, Paris, Lognes, Lagny, Stains, Pierrefitte, Clichy, Garges, etc.). En prime, des enlèvements entre bandits, suite à des "dettes" en dealers, etc.

CONTRÔLE CRIMINEL DE QUARTIERS : des bandes armées contrôlent des territoires (cités, immeubles, etc.) où elles pratiquent des trafics ("marchés aux voleurs", stupéfiants, etc.). Dans ces lieux règne la loi du silence. Des policiers, vigiles, éducateurs, etc. y sont menacés, voire rossés ; eux-mêmes, parfois leurs conjoints et enfants.

• Que faire contre ce crime au quotidien ?

La mission est simple : d'abord, rétablir la paix publique, démanteler les bandes actives ; empêcher que s'en forment de nouvelles ; neutraliser leurs éléments les plus dangereux ; tenter de réinsérer les autres dans la société honnête.

Pour cela, la "police de proximité" est elle primordiale ? Non : elle sera bien sûr utile dans une seconde phase, après le retour à l'ordre ci-dessus évoqué. Or pour cette première phase, l'outil crucial est un dispositif efficace de renseignement criminel.

Prouvons-le. Octobre 2016, cité de la Grande-Borne (Viry-Châtillon) : deux voitures de police sont incendiées par une meute qui, clairement, veut tuer les policiers qui s'y trouvent. Par la suite, 17 voyous sont à grand-peine arrêtés. Tous nient. La justice n'a contre eux nul élément formel, aveu ou dénonciation. Sauf miracle, ces voyous courent au non-lieu et le savent.

Or tout récemment, dans la même cité, deux jeunes bandits sont abattus par balles dans la tête. Preuve qu'à la Grande Borne, les bandits se fichent éperdument de la police et de la justice. L'omerta les protège. Leurs capuches les cachent. Incapable de s'implanter dans ces ghettos, la police de proximité n'y peut et n'y pourra rien.

Seul un renseignement criminel agressif saura confondre ces voyous.

Ce qu'il fallait démontrer.

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