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Start-up nation et nouveau monde : les jeunes, c’est bien, les quarantenaires, c’est mieux
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Jeunisme

Une étude de l4ITIF montre que l’âge auquel on se montre le plus innovant, c’est 47 ans.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Une étude publiée par  l'ITIF, l'Information Technology and Innovation Fondation s'est penchée sur les gens qui aux Etats-Unis participent à l'innovation. 6% des personnes interrogées ont 30 ans ou moins. Elle montre aussi que contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, ce sont les salariés âgés de 46 à 50 ans qui ont un pic de créativité. Dès lors est-ce que les startups, connues en partie pour plébisciter les jeunes n'auraient pas tout intérêt à élargir leur spectre de recrutement selon vous ?

Xavier Camby : Précisément ! Et pas seulement pour des raisons de créativité et d'innovation durable. Le succès du "modèle" d'organisation en start-up me semble plus provenir d'un puissant désir de dés-administration de l'économie productive que d'une réelle catalysation de la créativité. Beaucoup de ceux qui investissent leurs énergies dans une start-up ne font que transposer dans le monde digital des activités existantes, avec plus ou moins d'élégance, plus ou moins d'invention, plus ou moins de succès. Concrètement, ces entrepreneurs fuient principalement la psychorigidité de certaines organisations, où sévissent des systèmes aussi rationnels qu'inhumains ou destructeurs d'humanité. Les startupeurs recherchent surtout la liberté sous toutes ses formes : liberté d'agir, liberté d'imaginer avec audace le futur, liberté d'inventer (et de se tromper), liberté enfin d'aimer ses collègues, loin des formalismes artificiels, médiocratiques ou sectaires (hiérarchiques, de castes ou d'expertises incompétentes...).

Le romantisme de l'inventeur isolé et génial, le mythe du garage des origines et l'image d'Epinal de l'entrepreneur en culotte courte en prennent un sacré coup de vieux, relégués aux archives d'un autre siècle, celle de la -vraie- révolution informatique, au 20ème siècle.

Dès cependant que croissent les activités de leurs entreprises, on observe que les startupeurs se cherchent des tuteurs, des mentors, des angels, des incubateurs... Dont l'expérience permet de gagner du temps et d'éviter de très nombreuses impasses.

Comment analysez-vous ce résultat ? Comment expliquer que des salariés dans la force de l'âge soient ainsi plus performant sur cette pierre angulaire du travail dans une entreprise ? 

Je vous remercie de m'avoir fait connaître ces travaux et les résultats de ces études. S'il convient de rester prudent avec ces approches statistiques -elles peuvent parfois masquer de nombreux biais- elles confortent néanmoins des observations de simple bon sens : l'inexpérience donne de l'enthousiasme, ce qui est bien. L'expérience cependant donne du réalisme et permet de rendre l'invention opérationnelle. J'entrevois plusieurs causes à cette créativité à l'âge de la maturité. Premièrement, il est assez vraisemblable, vingt après la fin d'une éducation très souvent terriblement normative et contraignante -voire parfois sclérosante- que l'expérience de la vie aura peu à peu totalement désin​h​ibé nos quadra ou nos quin​qu​agénaires, relançant leur native créativité, trop longtemps ob​é​rée par certains carcans et diktats académiques. Une deuxième pourrait s'expliquer par la fin de la peur ou des angoisses. On le sait, un cerveau peut demeurer tétanisé ou infertile, sous le coup d'émotions négatives durablement installées. Une forme de sérénité peut se développer avec les années, à mesure que l'on vit des expériences, notamment positives. Cette forme de paix intérieure s'accompagne souvent d'un ​meilleur contact​ avec le réel et ​donc ​d'une plus grande créativité. Enfin, une 3ème raison pourrait être neurologique. Contrairement à une croyance erronée, il semble bien que notre cerveau ne cesse jamais de s'améliorer. Le nombre global de neurones peut décroître avec l'âge, il produi​t parallélement​ des cellules de plus en plus élaborées, de plus en plus sophistiquées. Et notamment les fameux neurones miroirs, qui expliquent un grand nombre de nos apprentissages et interviennent dans nos processus créatifs (le cerveau rapide de Daniel Kahneman, prix Nobel de l'économie en 2002).

En tout état de cause, il est désormais aussi urgent qu'indispensable de redire à certains DRH, à certains dirigeants et à certains consultants : arrêtez le massacre des quinquagénaires, au motif de leur très hypothétique sénescence professionnelle !

Est-ce que, au regard du développement et de l'apparition de nouvelles technologies, ce schéma perdurera selon vous ?

Oui, sans aucun doute, les papis et les mamies de 50 ans continueront d'inventer utilement, puisqu'il s'agit d'une maturation personnelle, sociale et naturelle. Me permettez-vous de l'affirmer ici ? Il existe une forme de fantasme médiatique morbide et rétrograde autour des nouvelles technologies. Ces nouveaux outils sont simples, passé le temps nécessaire de l'apprentissage. Et ils nous simplifient considérablement la vie ! L'ouvrier qui se frappe sur le pouce peut blâmer son marteau pendant des années, cela ne change rien au fait qu'il demeure le seul responsable de son usage maladroit ! Ces nouveaux outils, essentiellement relationnels, que notre intelligence a conçu, sont d'une incroyable puissance et merveilleusement ludiques. Il est donc normal que nous soyons un peu maladroits, les premiers temps.​ 

Depuis plus de 30.000 ans, il semble que l'espèce humaine soit stabilisée, sans mutation identifiée malgré une adaptation permanente à des environnements très changeant et très variés. Notre humaine nature ne va pas, en dépit de certaines frayeurs pathologiques, être modifiée par un iPad ou par un algorithme. On peux même penser que ces technologies, de plus en plus simple d'utilisation à mesure qu'elle gère des données ou des tâches de plus en plus complexes, vont contribuer à embellir chaque instant ou chaque âge de nos vies.

Savoir que l'âge de la maturité est aussi celui de la plus grande créativité pragmatique est une très bonne nouvelle, à diffuser aussi largement que possible!

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