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Le scénario noir de l’avenir des médias et les pistes pour tenter d’y échapper
©Reuters

Démocraties en danger

Dans sa keynote annuelle sur le futur du journalisme, Amy Webb, experte du Futur Today Institute, a tenu une conférence sur l'avenir du journalisme, dans laquelle elle exprime toute son inquiétude quant à l'avenir du métier qu'elle décrit comme incapable de s'adapter face aux évolutions technologiques. Notamment dans le domaine de l'IA, du son ou de l'informatique visuelle.

Benoît Raphaël

Benoît Raphaël

Benoît Raphaël est expert en innovation média, co-fondateur du Post.fr et du Lab d'Europe 1, créateur de Flint (http://flint.media) un média collaboratif entre humains et intelligence artificielle.

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Atlantico : Peut-on dire que les "médias" ont déjà échoué à s'adapter comme elle le prétend? Si oui, en quoi ont-ils échoué?

Benoît Raphaël : Les médias ont du mal, mais on ne peut pas dire qu'ils ont échoué. En tout cas pas tous. Aux Etats-Unis notamment, le New York Times et le Washington Post commencent à bâtir des modèles solides autour du payant et innovent beaucoup en terme d'expérience utilisateur, et des pure-players comme Buzzfeed, Vox ou Quartz se développent rapidement. Quartz a toujours été un modèle inspirant en termes d'innovation et a d'ailleurs développé sa propre IA. Tout comme le Washington Post. Le problème majeur c'est la difficulté qu'ont les médias traditionnels à se positionner rapidement, à se mettre en mode projet, et à investir. L'autre problème c'est la toute puissance des plateformes sociales qui fragilisent les modèles économiques et  freinent la prise de risque, notamment chez les médias d'information générale. Les réseaux sociaux ont été trop souvent perçus comme des plateformes de distribution, alors qu'elles nécessitent une approche spécifique.

Modèle économique viable, tournant vers la vidéo, multiplication des plateformes d'accès, familiarisation à l'IA et vérification de l'information… D'après vous quelles réformes sont les plus urgentes dans notre métier et quels obstacles empêchent les médias de franchir le pas ?

La première priorité c'est de recréer de la confiance chez l'audience. Il faut donc travailler en priorité le lien avec la communauté, et développer des "'liens forts" en opposition aux liens faibles qui se créent sur les réseaux sociaux. Les plateformes sociales sont indispensables pour toucher la plus forte audience le plus vite possible mais l'enjeu est aujourd'hui de fidéliser en misant sur la qualité, l'expérience sociale et la data.

La seconde priorité c'est de se doter des moyens d'investir et de se mettre en mode projet. Rénover un média d'un bloc est impossible, personne n'a jamais réussi. Par contre, on peut rassembler des talents, casser les silos et se mettre en  mode startup lorsque l'on se focalise sur des petits projets, à mettre le plus rapidement possible sur le marché.

Face au défaut et d'intérêt/compétence des médias (dirigeants et journalistes) quant aux questions liées aux nouvelles technologies, n'est-il pas raisonnable de s'inquiéter lorsque l'on voit le développement de nouvelles technologies de superposition de voix sur images de synthèse ultra réaliste? Quelles solutions pour lutter contre ce phénomène ?

Ce n'est pas le phénomène le plus inquiétant. La principale menace c'est la toute puissance des algorithmes de distribution de l'information qui favorisent le développement des "fake news" (fausses informations) et des "bulles de filtres" (dites bulle de personnalisation qui enferment l'utilisateur dans son cercle d'amis). Ces phénomènes rendent l'audience plus volatile et altèrent la confiance parce qu'on finit par ne plus savoir qui dit la vérité. On passe d'une info à une autre sans réelle implication ou prise de recul. Pour lutter contre ce phénomène il faut maîtriser la technologie pour mieux comprendre, mieux toucher et mieux fidéliser l'audience. C'est en renforçant le lien avec leurs communautés, par tous les moyens possibles (en conversant avec elle, en jouant la transparence, en lui apportant des armes pour mieux comprendre, en la rencontrant sur les réseaux ou même physiquement), que les médias pourront mieux les prévenir des phénomènes de fausses informations ou de manipulation de la vérité.

Paradoxalement est-ce que le développement des nouvelles technologies (dont l'IA qui prendra effectivement de plus en plus d'importance dans la vie informatique [et réelle] des citoyens) n'est pas au contraire ce qui va sauver le journalisme et les journalistes dans le sens où il se développera un débat et une appétence pour l'humain" avant la machine ?

Le développement de l'intelligence artificielle nous renvoie à notre statut d'humain. Si les journalistes ont peur que les robots les remplacent c'est peut-être parce qu'ils travaillent comme des robots. Il faut remettre de l'humain dans la technologie, sans pour autant rejeter l'intelligence artificielle. Le monde de l'information est devenu tellement complexe que nous avons besoin de l'intelligence artificielle pour nous assister, à condition d'en conserver le contrôle.

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