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Mais où est le bug dans le logiciel d’Emmanuel Macron ? Parce que ça cloche grave !
©Reuters

Atlantico Business

Des fonctionnaires dans la rue et des parlementaires assez désemparés, Emmanuel Macron est confronté à un climat qui affecte une opinion, qui a du mal à adhérer à sa politique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il y avait deux lectures possibles des manifestations des fonctionnaires hier.

D’abord, on pouvait considérer que cette manifestation devait porter des mécontentements et des revendications très réelles : sur le pouvoir d’achat, les conditions de travail… avec le projet de coaguler un mécontentement général et de basculer dans des mouvements plus vastes. Ça n’est sans doute pas ce qui s’est passé, même si certaines catégories de fonctionnaires suscitent la sympathie et le soutien de beaucoup. C’est le cas des hospitaliers ou des enseignants qui souffrent d’un vrai malaise.

Ensuite on pouvait aussi considérer que cette journée était celle où la CGT allait essayer de démontrer sa force, sa puissance de mobilisation, son efficacité. Et tout ça dans la perspective des élections professionnelles qui auront lieu dans deux mois, à l’issue desquelles la CGT espère retrouver sa place de premier syndicat de France, qu’elle a perdue au profit de la CFDT. Cette journée n’a pas été celle de l'union syndicale parce que les autres centrales ne voulaient donner l'impression de participer à un mouvement plus politique que catégoriel.

Dans la rue, les verbatim étaient d’ailleurs très nuancés, très divers, très détachés aussi. « Il faut le laisser faire », « il faut lui donner du temps », « la France est un pays compliqué, susceptible… il faudrait savoir le séduire ». Voilà ce qu’on entendait le plus souvent chez « les vrais gens » dans la France profonde. Et d’ajouter souvent « de toute façon, a-t-on le choix ? ».

En fait, tout se passe comme si Emmanuel Macron provoquait désormais plus de résignation que d’adhésion à son programme. Et c’est là que se trouve le bug. Comme lorsqu’on achète un nouvel ordinateur, à la Fnac. Avec le vendeur, le logiciel fonctionne à merveille, et dès qu’on est rentré à la maison, il se met parfois (souvent) à boguer. Pendant la campagne présidentielle, le logiciel Macron tournait plutôt bien. Mais arrivé au pouvoir, il rame un peu, beaucoup. Alors qu’est ce qui bug dans le logiciel Macron ?

Pour les gens de gauche, Macron est de droite. Pour les militants de droite, il est de gauche. Normal, après tout, c’était son positionnement de départ. Mais encore ? Emmanuel Macron a gagné la présidentielle contre toute attente des vieux routiers de la politique qui n’auraient pas parié un euro sur ce « débutant ».

Le débutant a gagné pour trois raisons :

1° Parce qu’il a fait, d’abord un diagnostic très simple, partagé par l’immense majorité des français : la France ne marche pas, 10% de chômage, c’est une catastrophe historique. La France s’exclut toute seule ou presque de la compétition mondiale. La France est incapable de se moderniser…

2e raison, il a proposé ensuite une prescription, une offre politique très simple, pour s’adapter aux grandes mutations, que la majorité a accepté d’autant plus facilement qu’il n’y avait pas d’alternative cohérente et responsable sur le marché politique.

3e Enfin, il a proposé de changer les équipes, et les hommes qui avaient perdu et les méthodes de travail, il a rajeuni le système.

Alors à l’été, le président s’est mis au travail de réformer sur les chapeaux de roue, il a ouvert les chantiers de réformes les uns après les autres. Et au fur et à mesure que les chantiers ont avancé, et qu’il en annonce de nouveaux, on s’est aperçu qu’il n’était ni libéral, ni de gauche.

Pour les libéraux, il a évidemment réalisé des ouvertures intéressantes. La loi travail sur la flexibilité est une loi qui s’imposait. Les entreprises avaient besoin de cette liberté. Pour les libéraux, la baisse de l’impôt sur le capital s’imposait parce que l’entreprise a besoin d’investisseurs, pour développer une offre nouvelle et surtout une meilleure compétitivité. Or, le seul moyen d’attirer les capitaux est de dépénaliser le capital.

Demain, on aura besoin d’une rénovation globale du modèle social, sur l’assurance maladie, sur le chômage et sur les retraites.

Demain, on aura aussi besoin d’une réforme de l’Etat, pour que l’administration soit plus compétitive, c’est à dire plus efficace.

Mais, l’euphorie de l’élection passée, ce collier de réformes a fait peur, et inquiété beaucoup de monde qui se sont senti déclassés et exclus de cette modernité. Au premier rang desquels, les ouvriers maltraités par la mondialisation, les fonctionnaires et une partie des personnes âgées. 

Alors pour conjurer le procès que l’opinion lui fait de tricoter un budget pour les riches, le gouvernement bricole jour après jour, avec des symboles de gauche, les signes extérieurs de richesse, une politique de logement, une attention particulière aux syndicats de fonctionnaires, un intérêt prononcé pour les étudiants. Du bricolage politique.

La culture politique et la tradition française ont ceci de particulier de considérer que les mesures libérales sont porteuses de conservatisme, d’intérêt privilégié pour les riches et les classes possédantes. Les premières réformes Macron n ‘ont pas échappé à cette malédiction. Applaudies par beaucoup de cadres, de dirigeants, de jeunes, d’étudiants. Mais anxiogènes aux yeux des autres qui se retrouvent inquiets et seuls. 

Le malentendu historique est de ne pas savoir et vouloir que libéralisme n’a pas pour objet d’enrichir les riches, le libéralisme a pour objet de créer de la richesse pour tous. L‘économie ne peut d’ailleurs fonctionner que si l’ensemble de la communauté profite des résultats.

Les entreprises modernes et performantes, offrent de très beaux exemples.  Et il y en a beaucoup, qui ont trois projets à mener parallèlement. Elles doivent délivrer des résultats économiques et financiers pour pouvoir investir et rémunérer les actionnaires. Elles doivent aussi délivrer du progrès social pour que les salariés aient intérêt à y travailler. Enfin, elles doivent respecter leur environnement.

Les entreprises qui ne satisfont pas une seule de ces trois ambitions échouent très souvent.

La gestion de l’Etat répond aux mêmes obligations. Emmanuel Macron doit permettre la restauration des performances économiques, mais il doit faire en sorte que le résultat de ces performances profite à tout le monde. Si ce n’est pas le cas, il faut changer de métier.

Le bug, si bug il y a, est que la pédagogie des réformes n’a pas été faite. D’où ce sentiment d’être mal aimé, dépassé. Et si la pédagogie n‘a pas été faite, c’est parce que la représentation nationale ne sait pas la faire. Y compris dans le gouvernement où très peu de ministres savent faire le métier.

Les conditions économiques et techniques sont réunies pour réussir une mutation historique. La conjoncture est forte, soutenue, la démographie facilite le renouvellement des dirigeants, le digital offre des capacités de productions de richesse incroyablement puissantes, la mondialisation offre des opportunités de progrès. Les vieux systèmes d’organisation administrative sont essoufflés et fatigués. Il ne manque qu’une chose incontournable : la pédagogie des peuples. La conviction qu’ils doivent acquérir qu‘ils seront les gagnant du changement. 

Cette pédagogie n’a pas été faite. 

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