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Avis à Gérard Collomb : pourquoi ses propos témoignent de sa déconnexion totale des réalités du quotidien des Français
©Reuters

Allô la Lune, ici la Terre

Face à la grogne des ouvriers de GM&S, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, incite à la mobilité, quitte à faire 180 km tous les jours. Lui même fait bien Lyon-Paris en TGV ! Un exemple pourtant loin d'être représentatif de la situation des Français.

Atlantico.fr : Suite aux manifestations des ouvriers de GM&S, Gérard Collomb a affirmé ne pas comprendre que l'on ne puisse faire 180 km tous les jours pour aller travailler à Ussel, prenant pour exemple les trajets Paris-Lyon qu'il fait lui-même en TGV. Or on assiste à une augmentation de la création d'emploi dans les grandes métropoles dotées de réseaux de transport conséquents, mais pas dans les métropoles intermédiaires et agglomérations de taille moyennes. A quel point l'exemple de Gérard Collomb se montre déconnecté de la réalité?

Laurent Chalard : Si le sujet n’était pas aussi sérieux, y allant de l’emploi (et du devenir) de centaines d’individus, la réplique de Gérard Collomb aurait pu faire l’objet d’un sketch, tellement elle apparaît ridicule! Soit Gérard Collomb est complètement nul en géographie, ce qui ne constituerait malheureusement pas une nouveauté chez nos élus, ne se rendant pas compte consécutivement de l’inexistence de liaisons rapides, que ce soit par voie routière (2 heures et 20 minutes de trajet) ou ferroviaire (au moins 3 heures de trajet pour un départ le matin), entre La Souterraine et Ussel, deux petites villes qui ne se situent pas sur les mêmes axes de communication, soit il se moque royalement du monde, sa réplique témoignant d’un mépris social, que l’on retrouve effectivement dans la haute-bourgeoisie française, mais qui est, en théorie (seulement !), surprenant de la part d’un ancien élu socialiste.
Manifestement, les dirigeants politiques hexagonaux se sont auto-convaincus que les salariés français sont tous des fainéants, qui ne veulent faire aucun effort pour travailler. S’il ne s’agit pas ici de nier totalement le manque de mobilité de certains travailleurs, il ne faut pas généraliser, les choses ne sont pas aussi simples. Les salariés qui perdent leur emploi en un lieu donné ont des conjoints, qui ont un emploi, et des familles, qu’il n’est pas possible de déplacer mécaniquement ! Il serait temps que l’élite politique française se débarrasse d’une vision purement économiciste du marché de l’emploi, qui considère les travailleurs comme des biens matériels, que l’on déplace comme l’on veut. Malheureusement, la propagande ultra-libérale, entendue comme dérive d’une vision néolibérale dont les analyses sont partiellement pertinentes, a fait des ravages dans le milieu politique ! En outre, tout déplacement a un coût. Lorsque l’on occupe des emplois peu rémunérés, on ne peut se permettre de payer des frais d’autoroute, d’essence ou de trains considérables tous les jours. Or, tout le monde n’a pas le salaire d’un Ministre de l’Intérieur ! Sur ce dernier point, Monsieur Collomb apparaît effectivement complètement déconnecté des réalités du quotidien des français.

Selon le baromètre de l’attractivité et du dynamisme des métropoles françaises, réalisé par le cabinet Arthur Loyd, les très grandes métropoles connaissent une croisssance démographique allant jusqu'à 19%sur la période 2007-2012 alors qu'elle n'atteint que 9% dans les agglomérations de taille moyenne. Comment expliquer le délaissement des petites et moyennes villes de France au profit des métropoles?

Laurent Chalard : Dans un contexte de mondialisation de l’économie et de nouvelle division internationale du travail, dans les pays développés, la croissance de l’emploi concerne de plus en plus des emplois qualifiés du secteur tertiaire, surreprésentés dans les grandes métropoles, alors que les emplois productifs industriels, surreprésentés dans les petites et moyennes villes, ont tendance à diminuer du fait de leur délocalisation vers des pays à plus bas coût de main d’œuvre. En conséquence, l’activité économique se concentre dans les lieux d’innovation, que sont, principalement, les grandes métropoles, alors que les petites et moyennes villes à dominante productive ont du mal à se reconvertir, ne disposant pas de la matière grise suffisante pour pouvoir espérer accueillir des activités de tertiaire supérieur, sauf si elles ont une université ou si elles situent à proximité d’une grande métropole. La croissance démographique et économique s'en ressent. Elle est plus forte dans certaines grandes et très grandes métropoles françaises qui concentrent 21 % de la population mais ont enregistré 82 % des créations d’emplois privés depuis 2009. 

La métropolisation massive est-elle une fatalité? Comment le gouvernement français peut-il y remédier?

Laurent Chalard : Il n’y a jamais de fatalité, puisque certaines petites et moyennes villes ont des performances économiques tout à fait honorables. Cependant, la tendance de fond apparaît très difficile à contrecarrer pour les raisons exposées précédemment. S’il existait un remède qui fasse consensus, il y aurait longtemps que le problème ne se poserait plus ! Or, ce n’est pas le cas. Pour l’instant, personne n’a trouvé une solution globale à la concentration de l’activité économique dans les grandes métropoles au détriment du reste du territoire national. Si une partie des spécialistes du développement local s’accorde sur le fait que chaque territoire à un avenir (d’autres, tels que l’économiste Laurent Davezies considèrent que seules les métropoles s’en sortiront), il n’en demeure pas moins que les moyens d’assurer un développement économique de type productif ne font pas l’unanimité. Le « modèle miracle » reste donc à inventer. Aux acteurs locaux et aux chercheurs en développement local de se retrousser les manches pour le trouver ! 

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