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Vous ne connaissez pas le nom des personnalités pressenties et pourtant le candidat qui sera choisi par Donald Trump pour remplacer Janet Yellen à la tête de la FED aura un impact majeur sur nos vies
©Reuters

Suspens...

La possible succession de Janet Yellen à la tête de la FED, revêt un intérêt bien plus grand que celui des Etats-Unis. Un durcissement monétaire radical pourrait avoir des conséquences globales. Qui l'Europe a-t-elle intérêt à voir occuper le poste de chairman de la banque centrale américaine?

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico.fr : Le mandat de Janet Yellen touche à sa fin. Rien n'est dit qu'en février prochain elle ne se sera pas remplacée par Donald Trump. Un changement de tête qui pourrait lourd de conséquences. Qui sont les principaux prétendants au poste et qu'est-ce que chacun peut apporter ?

Mathieu Mucherie : Il n'y a plus que quatre véritables candidats en liste, parce qu'ils ont été reçus à la Maison Blanche et que les noms circulent depuis deux semaines. La première, c'est Yellen: elle a fait un bon travail, moins en terme de communication que sur le fond, c'est-à-dire qu'elle a respecté le mandat dual de la Fed, un mix entre insertion et emploi. Elle est validée par la plupart des économistes même s'il a un véritable déficit de communication, c'est la solution de continuité. D'autant qu'il est très rare que le nouveau président ne valide pas le choix du président de la Fed nommé par son prédécesseur. Ce serait une première depuis longtemps de ne pas avoir cette confirmation. Le problème avec Janet Yellen c'est qu'elle s'est fâchée avec le Président tout d'abord parce qu'elle démocrate et ensuite parce qu'elle est favorable à la réglementation bancaire.
Le deuxième candidat, qui était favori pendant l'été, est Gary Cohn. Il a été véhément sur le fait qu'il ne faut pas de grosses transformations façon Trump, donc il n'est plus favori. C'est aussi une situation de continuité mais il n'est pas économiste, c'est un banquier, c'est une sorte de second best.
Jerome Powel est le troisième candidat, il connait bien les rouages de la Fed, il vient du camp républicain, il coche a peu près toutes les cases. Il n'est pas très brillant et n'est pas économiste non plus mais c'est un bon choix pour ceux qui ne veulent pas de la communication poussive de Yellen.
Le quatrième choix c'est Kevin Warsh. Lui c'est terrible ! Son seul intérêt c'est d'avoir épousé l'héritière d'une firme de cosmétique très puissante. Son beau-père lui a trouvé un poste chez Morgan Stanley et après un poste en étant un des plus généreux donateur du parti républicain et a fini par être le plus jeune gouverneur de la FED de l'histoire. Mais il n'a aucune qualification ! Il n'est rien. Même pas économiste. Tout le monde le sait. Mais Il est quand même rentré à la FED. Il a été membre du Board entre 2006 et 2011. Pendant cinq ans il a été mauvais. On le sait avec les transcripts (l'intégralité des réunions): il a été incompétent et ensuite n'a pas eu le courage de ses opinions (par exemple quand il a voulu mettre des bâtons à Bernanke). C'est quelqu'un de faible, c'est le problème avec cette nomination. Ce serait une confirmation de la dérive ploutocratique américaine de Trump, tout ça parce que son beau-père est un de ses copains depuis la maternelle. L'avantage c'est qu'on aura une coopération entre la Maison Blanche et la FED, ou plutôt une cartellisation pour faire beaucoup de bêtises. L'inconvénient c'est de mettre quelqu'un qu'on ne connait pas, ce n'est jamais très positif. On a fait ça en France en confiant l'armée en 40 à Gadin. Ca n'a pas été bon. La FED c'est quelque chose de très important et ses décisions à prendre dans les mois à venir sont très importantes (arrêt des réinvestissements dans le cadre du bilan de la fed, programme du hausse des taux, avec impact pour la zone euro et l'économie mondiale : et au milieu on a des idées de nomination qui sont au mieux, pas enthousiasmantes, au pire sont catastrophiques.
Si c'est Kevin, il faut prendre tous ses actifs américains et les vendre. Le seul point positif c'est que ca fera remonter le dollar à court terme. C'est un peu comme si on mettait à la tête de la BCE le beau-fils de Bernard Arnaud dans un moment très critique et stratégique en termes de politique planétaire. En plus, il a eu le temps de s'exprimer entre 2006 et 2011, et ca été une catastrophe: aucune compréhension des phénomènes économiques de base, ce qui est l'essence même de la politique monétaire. Et sa dernière déclaration montre qu'il n'a pas appris. On peut toujours être en stage pendant cinq ans mais bon…


Dans ce cas, qui serait le meilleur choix pour les Etats-Unis et le reste du monde?

Un : Powel. Deux :  Yellen. Et trois : Cohn. C'est à peu près équivalent. Les économistes privilégient Yellen. Les banquiers tantôt Yellen, tantôt Powel. La communication serait meilleure avec Powel. La date de fraicheur de Yellen est passée. Gary Cohn n'est plus favori mais c'est une solution de continuité aussi. La différence avec Warsh, se voit en termes intellectuels et humains. D'abord, il faudrait le faire valider par le Congrès, et ce n'est pas gagné. Ensuite il y aurait des dissensions internes : il faut quelq'un qui a un rôle de leader, de très respecté qui entraine les autres.  Kevin Warsh n'a aucun leadership. Il ne pourra pas entrainer son comité. Un membre de la FED s'exprime au moins deux fois par semaine. Là, il y aurait beaucoup de dissidents, de prises de paroles. Avec Warsh, soit on se retrouve avec une bande de faucons et donc un durcissement monétaire considérable soit ca va etre l'anarchie au sein de la FED. On a besoin d'une FED claire, accommodante, pédagogue, dont les actions soient prévisibles pour les acteurs financiers quite à faire une réduction step by step du bilan. Cette histoire de réduction du bilan de la réserve fédérale, c'est du jamais vu. L'idéal aurait été de voir des gens différent comme Kristina Romer : elle aurait permis de converger vers l'idée d'une cible de PIB nominal, l'idée du price level targeting: elle aurait été légitime, c'est une économiste.

Pour défendre le dollar dans sa position de monnaie internationale, la solution passera par une tentative d'explosion de l'euro. Quelles en seraient les conséquences pour l'Europe?

Le rôle du dollar n'est pas remis en cause. Cela reste la monnaie de facturation. Il y a une étude de la BRI dans son rapport trimestriel de septembre : le dollar est toujours la monnaie de réserve, la monnaie de facturation du commerce international, il y a toujours 50% de la capitalisation boursière qui est a New York, et ceux depuis les années 1920-1930. Mais il y a cette idée que la Chine, avec cette fameuse réforme financière, on peut avoir quelque chose de nouveau mais cela prend du temps. Il faut attendre que le yuan se libéralise. Le dollar n'est pour l'instant pas du tout remis en cause, et pas par l'Europe: l'euro n'a jamais remis en cause la part de marché du dollar. Il y a peu de changement (ex: il y a cinquante ans quand le dollar s'est imposé sur la livre sterling mais est restée très importante.). Le yuan ne passera pas devant avant 2030-2040.

L'impact de la politique monétaire sur la zone euro passera en grande partie par les taux de change. Si c'est Kevin Warsh, très restrictif, qui va faire une normalisation du bilan de la FED très agressive, il voudra faire remonter les taux à court terme, avant que ca ne provoque beaucoup de dégâts et qu'il soit obligé de faire machine arrière. C'est favorable au dollar contre l'euro, ce qui peut nous avantager parce qu'on reviendrait vers la parité, qui était à cinq il n'y a pas longtemps. Mais à court terme c'est intéressant si le dollar remonte car c'est toujours mieux d'avoir un euro un peu plus faible que le dollar. Mais les Américains ne toléreront pas ça très longtemps. La doctrine américaine sur le taux de change est simple depuis dix ans. On veut bien d'un dollar plus fort à nouveau mais pas trop vite parce qu'ils sont assez pragmatiques. On reviendrait peut etre vers la parité si jamais on voulait durcir les conditions monétaires aux Etats-Unis, mais l'idée c'est que si on descend très vite et très loin en dessous de la parité, très vite il arrêteront de remonter les taux et de normaliser le bilan parce que leur approche du FX est plutôt gradualiste. Nous, on a vraiment intérêt à éviter cela en zone euro cela parce que nos actifs sont chers donc il nous faut un euro assez bas et une confiance sur les marchés financiers qui reste raisonnable. Si jamais on avait un choix de durcissement monétaire on risque un choc action assez violent. Donc on préfèrerait un choix du type Yellen. 

Cela nous dit quelque chose sur la fragilité du cycle européen. Il est encore fragile, que ce soit en périphérie ou dans le centre. On n'a pas des performances exceptionnelles, et les actifs sont vite chers en transaction. Il faut que l'Euro se relance, 1.25 nous arrangerait, mais il ne faut pas que l'Amérique aille trop loin dans le durcissement monétaire. Ça reste la monnaie de facturation internationale, si jamais le dollar devient trop rare trop cher, tous nos exportateurs vont se remettre à piquer du nez. En ce moment ils vont bien, grâce au regain des émergents, grâce aux Chinois qui se mettent eux aussi à importer. Et pour que les exportateurs européens continuent à bien se porter, et il le faut absolument, il faut un euro bon marché et des conditions américaines qui ne se durcissent pas trop vite.
Il faut que les choses se fassent de façon progressive, en suivant un cap bien précis, en accord avec les marchés. Notamment à la BCE, Mario Draghi nous avait beaucoup étonné en juin et ça aurait pu faire très mal. A la Fed, dont on attend la nomination du chairman. SI les nominations se passent bien, avec des choix raisonnables, économistes, et accommodant sur le fait d'y aller progressivement, ça se passera bien. Par contre, si on nomme des irréalistes, ça peut finir en clash au potentiel énorme.

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