Trump, Macron les deux présidents qui se rêvaient en incarnation de l’homme politique nouveau

Atlantico : Alors qu'on ne cesse d'opposer Emmanuel Macron et Donald Trump, notamment sur la scène internationale, vous "osez" les comparer et leur trouver même un patronage inattendu : celui d'Aristote. N'est-il pas un peu exagéré de faire des deux présidents les disciples de la rhétorique aristotélicienne ?

Olivier Piton : Comme je l'explique en préambule, les deux hommes s'opposent évidemment sur les idées. Ils sont politiquement aux antipodes l'un de l'autre. Mais il est surprenant de constater des similitudes dans leur stratégie de prise de pouvoir, dans leur façon de gouverner et dans leurs caractères respectifs.  

Sur la prise de pouvoir, Donald Trump et Emmanuel Macron ont déjoué tous les augures, en particulier les experts politiques, qui les donnaient tous les deux perdants un an avant l'élection. D'autre part, ils ont pareillement mené campagne contre l'établissement: les soi-disant "élites" de Washington pour l'un et le "vieux monde" politique francais pour l'autre. 

Dans leur façon de gouverner, il est intéressant de noter qu'ils ont tous deux opté pour un exercice du pouvoir très concentré et très personnalisé. L'un comme l'autre ont renforcé considérablement le pouvoir exécutif et gouvernent avec une poignée de fidèles qui leur sont d'une loyauté absolue. Le cercle familial, Ivanka Trump dans un cas ou Brigitte Macron dans l'autre a accentué encore le phénomène de "clanisation" de leur gouvernance. 

Enfin, et c'est le plus surprenant, leurs caractères sont tres similaires. Ils se sont montrés volontiers autoritaristes, égotistes, ne supportant guère la contrariété et moins encore la contradiction. Dans parler des saillies. Donald Trump nous y avait habitué mais Emmanuel Macron, des "fainéants" en passant par "ceux qui foutent le bordel" fait presque aussi bien. 

Les deux chefs de l'Etat vous semblent-il assumer de la même façon leur posture d'"homme politique" nouveau, à travers leur mandat actuel ?

 Ils se veulent tous deux les représentants de l'homme politique nouveau. Chacun veut rompre avec les soi-disant anciennes pratiques. Donald Trump se présente comme l'anti-politicien par excellence et ne cesse de rappeler, pour s'en vanter, qu'il n'a jamais exercé de mandat électif avant d'être élu à la Maison Blanche. EM outre, il n'a de cesse de vouloir détricoter ce qu'a réalisé Barack Obama et même au delà. Son modèle est Andrew Jackson le premier Président post-Peres Fondateurs.

Emmanuel Macron se présente également comme un homme neuf, jouant de son âge, de sa façon moderne de communiquer et également du fait que lui non plus n'avait jamais été élu et n'est pas du sérail. Son choix des candidats LREM aux élections legislatives, avec très peu de sortants, en était une autre preuve. Pour ces deux la, du passé faisons table rase. 

Obnubilés par l'importance de l'image, souvent critiqués mais toujours présents médiatiquement, Donald Trump et Emmanuel Macron inaugurent-t-ils un nouvel âge de la communication politique ?

Incontestablement. C'est le New York Times qui a, le premier noté, que Donald Trump utilisait le triptyque d'Aristote (logos, ethos, pathos) dans 90% de ses tweets. Emmanuel Macron sans doute plus douce, moins audacieuse mais la transgression des deux hommes vis-à-vis des anciennes pratiques politiques est évidente. 

Paradoxalement, les deux hommes mènent une politique extrêmement classique. Ils retournent tous les deux aux "fondamentaux" de l'ADN de leurs pays respectifs. 

On le voit dans le retour du mercantilisme aux Etats-Unis et d'un gaullo-bonapartisme assumé em France.