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Sécurité nucléaire mondiale : 
Fillon va essayer de "vendre" 
le modèle français de régulation
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Sommet atomique

Dominé par l'après-Fukushima et les velléités militaires de la Corée du Nord, le deuxième sommet sur la sécurité nucléaire se tient à Séoul, en Corée du Sud. Depuis sa première édition en 2010, les préoccupations ont largement évolué...

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Atlantico : François Fillon s'est rendu à Séoul pour le sommet sur la sécurité nucléaire. Cela signifie-t-il donc une opportunité pour la France et Areva ?

François Géré : Oui absolument. Ce deuxième sommet se situe dans le contexte post-Fukushima et la perception du rôle du nucléaire a été singulièrement ébranlée. On est beaucoup plus aujourd’hui dans la priorité de la sûreté des installations nucléaires.

Après le cas de Fukushima (où l’on a vu que les deux enceintes de confinement ne suffisaient pas en cas de risque extrême –aussi exceptionnel qu’ait pu être Fukushima), chacun a pu constater qu’il fallait être beaucoup plus exigeants. Justement, Areva et la France affirment  qu’il est indispensable de prendre en compte le coût en amont des enceintes de protection -même si cela hausse le prix du réacteur.

Au moment du premier sommet (en avril 2010), on était sur la préoccupation de la sécurité par rapport aux risques de détournement de matière vers différents pays qui pouvaient en faire un mauvais usage…

On a vu un glissement dans les préoccupations. En effet, il y a un an et demi, nous étions en pleine période de compétition entre les différents pays fabricants et les vendeurs de réacteurs qui proposaient des technologies de qualités très variées et comportant des mesures de sûreté assez distinctes. Au bout du compte, la France présentait des solutions plus sûres, mais dont le KW revenait plus cher.  A l’époque, l’EPR d’Areva était en mauvaise position sur le marché internationale contre la Corée ou la Chine…

En plus, on a vu des changements de régimes et des évolutions politiques dans les pays arabes. Parmi cette vingtaine de pays « primo-accédants » qui souhaitent développer une industrie nucléaire civile sur leur territoire, beaucoup apparaissent aujourd’hui comme politiquement très instables. Et il n’est plus question de vendre n’importe quoi à n’importe quel prix à n’importe qui...

Outre l'EPR, le Premier ministre va-t-il pouvoir défendre le modèle indépendant d'une autorité nucléaire de régulation à la française ?

Oui, le Sommet va aussi être un moment de confrontations entre différents points de vue sur la qualité des autorités nucléaires de régulation. Ces dernières, là où elles existent, ont pour mission de donner des avis sur la sûreté des réacteurs. Dans le cas japonais, la commission de régulation avait critiqué fortement la gestion de la société Tepco… sans que personne ne s’en rende compte car ses avis étaient consultatifs - et non contraignants.

D’autre part, certaines autorités de sûreté nucléaire sont dépendantes de la volonté des gouvernements et ne disposent  donc pas d’une indépendance de jugement absolue. C’est ce qui explique qu’au Japon, le gouvernement n’a tenu aucun compte des avis émis sur les réacteurs de Tepco. On a aussi une problématique aux USA car là-bas, l’industrie nucléaire étant totalement indépendante de l’Etat, l’autorité de régulation américaine ne peut disposer d’une capacité d’interdiction ou de blocage -  elle ne peut émettre que  des avis…

Ce n’est pas un hasard si on envoie le Premier ministre : c’est lui qui a suivi  le dossier de renforcement de  la sûreté des réacteurs nucléaires en France. François Fillon vient proposer –en quelques sorte- le « modèle » français. Pour que l’on puisse disposer d’autorités de régulations plus puissantes, plus indépendantes et également accréditer le fait que la sûreté a un prix. 

Concernant la Corée du Nord, le décollage prochain de sa fusée Unha-3 et les risques de prolifération nucléaire, la France a-t-elle aussi une voix à faire entendre ou est-elle écrasée par les Etats-Unis et la Corée ?

La France et les pays européens sont en dehors du jeu. Dans les années 1993-1995, il y avait eu la création d’un consortium dans lequel les pays européens étaient présents. Cela n’a donné aucun résultat. La Corée du nord est ensuite sortie du Traité de non-prolifération, elle a fait des essais nucléaires. Aujourd’hui, l’affaire se traite donc entre les pays de la région, et dans une moindre mesure la Russie. Sur ce dossier, la France voudrait que la Corée du Nord, ne fasse pas circuler des matières nucléaires potentiellement dangereuses à travers le monde. Donc la France fait partie du processus global de surveillance du transport maritime (notamment) de la Corée du Nord. En dehors de cela, elle n’a plus vraiment voix au chapitre.

Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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