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Réforme de l’ISF : pourquoi imposer les produits de luxe revient à se tirer une méchante balle dans le pied
©Reuters

Le prix du symbole

Hash H16

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H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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De façon semble-t-il immuable, les réformes en France sont de deux types : celles qui sont annoncées en grande pompe et qui sont en réalité des ajustements micrométriques sans intérêt, et celles qui représentent un vrai changement d’idéologie, et qui sont à la fois peu annoncées, mal communiquées et qui débouchent systématiquement par des hurlements de tous les côtés de l’Assemblée. Apparemment, la réforme de l’ISF appartient à la seconde catégorie.

L’Impôt de Solidarité sur la Fortune, c’est cette exception française idéologique permettant de faire comprendre aux riches contribuables français que vivre dans ce pays de Cocagne est un véritable privilège qu’on entend bien leur faire payer. Régulièrement ajusté, remis au goût du jour d’année en année par différents gouvernements tant de droite que de gauche, cet impôt permet de calmer les pulsations victimaires de l’aile marxiste de la gauche, tout en faisant croire à l’humanisme et à la compréhension de l’aile gaullienne de la droite.

La réforme de cet impôt, maintes fois proposée et jamais lancée effectivement, faisait partie des habituels bobards de campagne du président Macron. De façon intéressante, le président aura choisi de ne pas l’oublier et d’effectivement proposer que ne soient plus comptés que les biens immobiliers dans son assiette. Horreur et consternation pour les collectivistes de droite et de gauche, la jalousie aiguisée par cet inévitable « manque à gagner » si jamais les yachts, voitures de luxe, lingots ou chevaux de course étaient sortis du patrimoine taxé !

La nouvelle, relayée par une presse tout à fait calme et pondérée à l’idée que des sales bourgeois riches pourraient voir leur ISF diminuer, a immédiatement déclenché une salve de protestation de la plupart des ténors politiques, allant même jusqu’à créer un gros malaise auprès des députés En Marche de la majorité soutenant pourtant cette réforme.

Malaise à tel point palpable qu’on a pu observer tout ce petit monde En Marche arrière discrète pour expliquer que des amendements étaient possibles et que finalement, taxer les lingots d’or, les chevaux et les Ferraris s’avérait absolument indispensable pour la santé économique – et morale, surtout morale, voyons – du pays. Il ne faudrait pas que des salauds de riches échappent à si bon compte à la ponction libératoire (forcément libératoire). À chaque fois, on retrouve le même argument, composé chimiquement pur de débilité concentrée :

« Les yachts, les jets privés, les chevaux de course, les voitures de luxe ou encore les lingots d’or ne sont plus pris en compte dans le nouvel impôt sur la fortune immobilière. Ce n’est pas possible ! Des symboles de ce genre doivent être beaucoup plus taxés. Un yacht, c’est m’as-tu-vu, ce n’est pas productif pour l’économie. »

Bien évidemment, tout le monde sait que les yachts sont produits par des licornes auxquelles seuls les riches ont accès, que ces yachts ne mouillent jamais dans des ports français, qu’ils n’emploient aucun marin ni aucun personnel à bord, que leur entretien ne nécessite aucun savoir-faire français. D’ailleurs, les maires de la Côte d’Azur qui se plaignent de leur désaffection des ports français sont des nigauds qui ne comprennent rien à rien, c’est évident. De la même façon, les Ferraris n’ont jamais rien apporté à l’économie française. Rien. Nada. Quant aux chevaux de course, ils s’auto-entretiennent tout seul et apparaissent pour le Grand Prix de Diane dans un petit « pouf » rigolo juste avant l’épreuve pour disparaître dans le même petit « pouf ! » rigolo une fois l’épreuve achevée. Là encore, c’est évident et Joël Giraud, rapporteur du budget et l’auteur de cette analyse économique précise comme une miction de poivrot en fin de soirée, l’a fort bien compris.

En tout cas, le premier ministre Édouard Philippe semble tout d’un coup bien seul à défendre l’idée – aussi sotte que grenue, cela va de soi – que tabasser les riches pourrait bien avoir suffisamment d’effets délétères pour contrecarrer les bénéfices tirés de cet impôt.

Pourtant, et comme l’explique très bien Vincent Bénard dans une série de tweets, il serait temps de comprendre que ces objets de luxe sont un moyen bien plus efficace et bien plus moral que l’impôt pour redistribuer les richesses des classes les plus aisées vers le reste de la population.

Ainsi, en faisant supporter aux riches des marges dodues voire colossales pour des produits qui ne sont que marginalement meilleurs que ceux que nous consommons tous les jours, l’industrie du luxe apporte une contribution majeure à la redistribution des richesses : non seulement, les achats luxueux sont déjà largement taxés (TVA), mais les biens produits le sont à grands renforts de main d’oeuvre à forte valeur ajoutée, ce qui permet à cette industrie d’être une bonne pourvoyeuse d’emplois et d’opportunités pour tous les artisans et industriels français et ceux qui veulent travailler pour eux.

De la même façon, le « luxe technologique », celui qui par exemple apportait aux riches les premiers magnétoscopes dans les années 80, les premières télévisions « plasma » dans les années 90 ou les premiers GPS dans les années 2000 dans les Audi A8, les Mercedes S et les BMW série 7, permet incidemment de trouver un marché à ces innovations en fin de développement, au moment où elles sont très chères et doivent être rapidement rentabilisées.

Le luxe permet alors aux industriels d’en amortir rapidement le coût en capital pour en faire bénéficier, quelques années après, le plus grand nombre : les écrans plats, le GPS ou les graveurs DVD se sont très rapidement démocratisés, de la même façon que la voiture, bien de luxe dans les années 30, est devenue un bien grand public dans les années 60. Les premières télévisions étaient un « produit de luxe » au moment des premières productions en série, alors que maintenant, plus personne ne s’étonne d’en trouver plusieurs dans un foyer moyen.

Or, la caractéristique essentielle du luxe est que, contrairement à l’impôt, le riche n’a pas envie d’y échapper et ne fait rien pour : si l’exil fiscal existe évidemment, l’exil luxueux semble assez irréaliste ; là où le riche mettra tout en place pour échapper à la ponction fiscale – comme tous les autres contribuables du reste (y compris ceux qui, hypocrites, mentent leur attachement à l’impôt et leur participation sans faille à la collecte) – il fera en revanche tout pour bénéficier de ce luxe que cette majorité parlementaire, cette opposition et toute cette belle brochette d’envieux veulent absolument surtaxer et lui rendre odieux.

En réalité, il vaut bien mieux garder nos riches et leur vendre, ici et maintenant, du bon luxe bien gras, bien dodu : c’est non seulement très bon pour nous tous, mais c’est aussi excellent pour nos finances, beaucoup plus que ces impôts qui les font fuir.

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