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Uber, Ryanair, Airbnb : les pionniers de la nouvelle économie dans la tempête : les modèles ne sont pas menacés, loin s’en faut...
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

L'essentiel y est

Les pionniers de la nouvelle économie sont terriblement secoués par des dysfonctionnements, des scandales, des rumeurs, mais le potentiel du modèle n’est pas menacé pour autant.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En quelques mois, tout se passe comme si les entreprises les plus emblématiques de la révolution digitale avaient été déboulonnées de leur piédestal. Dysfonctionnements techniques, accusation de malversations, rumeur de scandale, problèmes sociaux, juridiques et fiscaux, accusation de détournements de fonds et d’escroquerie, Uber et Ryanair ont accumulé tous les ennuis possibles et imaginables au point de s’affaiblir gravement et remettre en question leur survie. Airbnb est bien parti pour provoquer autant d’inimitiés.

Les symboles de la nouvelle croissance plient mais ne cassent pas. Pour beaucoup d’observateurs, ce qui se passe chez Uber ou Ryanair sonne la fin de l’aventure. Pour d’autres, ce qui leur arrive ne sont que des vicissitudes comme en ont rencontré tous les innovateurs de l’histoire. L’innovation gène, et ceux qu’elle dérange se défendent. Fernand Braudel, formidable historien n’a pas pu étudier l’exemple de Uber ou de Airbnb, mais il a tellement bien décrit le cheminement douloureux de la modernité depuis deux siècles qu’il faut le relire pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui. « Douloureux pour quelques uns, mais tellement bénéfique pour le plus grand nombre ».

Uber, le monde entier connaît. Uber a inventé l’économie du partage dans le secteur du transport automobile. A partir d’une application informatique, Uber a installé à l’échelle de la planète la location de voiture avec chauffeur et ça a marché. Partout des milliers de chauffeurs ont crée leur emploi en prenant cette application. Avec un service au client redéfini et modernisé, des prix attractifs et transparents, une gestion du parc ultra-simplifié, Uber a connu un succès rapide et considérable. Les clients ont plébiscité la formule, parce que la formule correspondait à un besoin de mobilité dans les zones urbaines qui n’était pas ou mal satisfait. Uber a créé dans chaque pays développé des flottes de voitures et des milliers d’emplois. C’est le client qui a fait le succès de Uber.

Le fondateur, lui, Travis Kalanick a installé « la fonction de production » à coups d’énergie, de transgressions aussi dans tous les domaines au point de se rendre détestable aux yeux de l'establishment des affaires, des syndicats, des actionnaires.

Mais ce succès a évidemment dérangé beaucoup d’habitudes, beaucoup d’activités aussi abritées par des règlementations corporatistes. Les professionnels du taxi se sont révoltés, comme les cochers s’étaient révoltés au début du siècle contre les automobiles. Il a sans doute fallu violer certaines règlementations ou les adapter. Il a surtout fallu que les professionnels traditionnels du métier se rendent compte que, si Uber avait du succès c’était parce que le client achetait Uber. Dans beaucoup de villes, les professionnels ont joué le jeu de la concurrence et se sont adaptés. C’est le cas de Paris. Dans d’autres villes, les taxis ont obtenu des protections renforcées, comme à Londres très récemment.

Pareillement, il a fallu aussi bousculer certaines règles sociales pour flexibiliser l’emploi et ça n‘a pas été partout très facile.

Enfin, cette formule Uber a contaminé beaucoup d’activités. L’ubérisation a incité beaucoup de secteurs à mettre le producteur de services en relation directe avec le client. L’ubérisation a courcircuité (tué souvent) beaucoup d’intermédiaires dont l’utilité n’était pas toujours avérée par l’utilisateur, ce qui a mobilisé beaucoup de résistance dans les sociétés organisées.

Le groupe Uber a été accusé de tous les maux. Au même moment, les managements successifs ont commis quelques erreurs techniques, politiques et sociales, que leur modèle n’a pas trouvé son équilibre d’exploitation, ce qui a inquiété les actionnaires. Comme enfin les dirigeants fondateurs n‘ont pas été exemplaires dans leur comportement personnel avec une conception de la morale un peu particulière, les dirigeants, dont le fondateur, ont été disqualifiés par le monde des affaires et leur personnel, au point de mettre en danger l’entreprise.

Aujourd’hui, le groupe Uber réinstalle des structures de directions nouvelles pour restaurer des conditions d’exploitation qui leur permettra de retrouver l’équilibre et la confiance.

Ryanair, l’immense compagnie aérienne irlandaise qui a la première inventé un modèle de low-cost, traverse une tempête de grande ampleur. Depuis quelques mois en effet, Ryanair se trouve obligée d’annuler des milliers de vols dans le monde entier, 2000 encore d’ici octobre et 34 liaisons supprimées, ce qui provoque la colère légitime des voyageurs, suscite des réclamations de la part des autorités de régulations. Des procès en dédommagements. Le mouvement de déstabilisation est tellement important que l’avenir de la compagnie pourrait être compromis.

Comme Uber qui a inventé l’ubérisation, Ryanair a inventé le modèle de transport low cost, c’est à dire une organisation totalement nouvelle dans la production du service de transport et dans la relation client qui a permis de faire tomber les prix. Le transport aérien a été accessible au plus grand nombre. Des millions d’hommes et de femmes auxquels le monde était interdit, ont découvert qu’ils pouvaient voyager et avoir accès aux plus belles richesses de la planète. Richesses touristiques, géographiques et culturelles.

Alors bien sur, pour avoir profiter de cette liberté, il a fallu accepter des conditions de voyage un peu plus spartiates que celles qu’on appliquait depuis le début de l »aviation commerciale, des aéroports un peu moins luxueux, des sièges un peu moins confortables, mais peu importe, le cœur du service était délivré. Transporter le plus grand nombre à des conditions de sécurité optimales.

Ça pari là a été gagné. Mais il a suscité beaucoup de critiques, beaucoup de résistances. Les compagnies aériennes traditionnelles se sont retrouvées coincées, très souvent incapables de s’adapter, les syndicats de personnel et surtout de pilotes se sont bloqués, les autorités politiques se sont cachés, tétanisées par la mutations qu‘elles voyaient inéluctables et les corporatismes qu’il fallait gérer.

Les règlementations n’ont pas toujours suivi. Et Ryanair de son côté n’a pas toujours su gérer le changement avec toute l’habileté nécessaire. Sur le terrain social, technique, digital. Les managements ont multiplié les Bug... A tel point qu’aujourd’hui, l’avenir de Ryanair pourrait être compromis.

On pourrait aussi bien raconter l’histoire de Airbnb ou Booking et constater que ces entreprises connaissent les mêmes résistances, les mêmes difficultés mais au final le même succès.

Quoi qu’on dise, les concepts, les modèles qui sont à l’origine du succès de Ryanair, de Uber et des autres marques, et ont déjà contaminé une grande partie des activités économiques, correspondent à une telle demande du plus grand nombre qu‘ils ne seront pas abandonnés sous le coup de n'importe quelle résistance corporatiste.

L’entrepreneur entreprend, innove, mais c’est le client qui fait le succès ou pas.

Qu’on le veuille ou non, l’ubérisation comme le low cost, que la mutation digitale a rendu possibles, répondent à une demande de liberté individuelle universelle et mondiale.

Uber a bouleversé le mode de transport dans les zones urbaines, Uber a même changé le rapport que nous avons à la voiture automobile. On la possède de moins en moins, on l’utilise et on la partage. Airbnb applique le même logiciel.

Quant aux formules low-cost, elles ont permis d’ouvrir l’accès au transport à un tel nombre de clients qui pensaient ne jamais pouvoir voyager, qu’on ne reviendra jamais en arrière.

Si on en revient à Fernand Braudel, lui expliquait qu’une mutation ou une invention étaient révolutionnaires quand elles concernaient le plus grand nombre. Beaucoup d’innovations n ‘ont été bénéfiques qu’aux élites, et aux classes dirigeantes. Beaucoup sont mortes.

Mais certaines ont bouleversé la vie des peuples. Il n’y a en a pas eu beaucoup dans l’histoire. La machine à vapeur au XIXe siècle a donné le top départ de la révolution industrielle.  L’électricité au début du XXe a permis de moderniser la vie quotidienne des peuples. Un siècle plus tard, le digital. Fernand Braudel est mort en 1985, au moment où on venait de découvrir l’internet et le Personal Computer.

A partir de là, sait-on qu‘Uber, Airbnb, Amazon, Ryanair, Microsoft, Google, Facebook commençaient à germer dans la tête de leur fondateur ?

Que les pionniers de cette révolution aient des ennuis aujourd’hui est d’une banalité historique...  mais ça ne fera que passer.

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