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Sommet de Tallinn : Angela Merkel et Emmanuel Macron évitent les sujets qui fâchent pendant que les libéraux du FDP s’acharnent sur le président français
©Janek SKARZYNSKI / AFP

Pas gagné d'avance

Le vice-président des libéraux allemands Wolfgang Kubicki n'a pas hésité à se moquer d'Emmanuel Macron et de ses projets européens. Le ton employé laisse présager un avenir très incertain aux propositions françaises de gouvernement économique de l'Union.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Article publié initialement sur le site Entreprise.news

Wolfgang Kubicki a eu la phrase qui tue: "En tant que Président français, je propose que l'Allemagne paye pour tout le monde". Ce résumé cinglant du discours d'Emmanuel Macron a posé clairement le cadre des discussions d'Angela Merkel va devoir ouvrir avec ses partenaires libéraux. Sauf à ce que ceux-ci se récusent au profit, dans quelques semaines, des sociaux-démocrates, ils bloqueront donc toute forme de proposition favorable à un approfondissement de l'Union.

C'est mal parti pour Emmanuel Macron. 

Le discours de Macron intéresse surtout les Français

On notera au passage que le discours d'Emmanuel Macron a fait grand bruit... en France, mais que les Européens ne s'y sont guère intéressés. Il n'a pas occupé les discussions à Talinn, où le sommet traitait d'affaires numériques. Et les contacts avec Angela Merkel sur le sujet se sont limités à un tête-à-tête de 30 minutes où la question du budget européen n'a pas été traitée. 

Selon Emmanuel Macron lui-même, le dîner informel qui a précédé le sommet a permis de vérifier que ses partenaires européens étaient globalement prêts à refonder l'Europe. Le problème est que personne n'a véritablement confirmé cette doctrine. Et, en dehors de la presse française, on saisit mal qui soutient le Président. 

Certes, le président du Conseil Italien Gentiloni a dit jeudi son enthousiasme pour le sujet. Et Merkel a expliqué qu'elle voulait discuter avec son partenaire français. Mais, pour l'instant, personne n'est allé au-delà.

La position allemande difficile à connaître

Dans la pratique, c'est évidemment la position allemande qui sera déterminante. Sans soutien de l'Allemagne, on sait par avance qu'aucune refondation n'est possible. Et c'est un sacré problème, puisque l'Allemagne fonde désormais sa prospérité sur une organisation continentale du travail où la réglementation communautaire joue un rôle essentiel. 

Tout l'enjeu consiste donc à convaincre les Allemands qu'ils ont plus à perdre à continuer un système qui leur profite mais qui appauvrit progressivement leurs voisins, qu'à le continuer jusqu'à ce que la corde casse. L'exercice est audacieux. Il est plausible, gagnable, mais il est complexe. 

Les Allemands pourraient en effet se laisser convaincre, à condition qu'une de leurs réticences soit vaincue: qu'il ne s'agisse pas de chercher un chèque en blanc qui exonère de tout effort. Du point de vue allemand, en effet, les pays qui revendiquent une mutualisation plus grande en Europe cherchent surtout à éviter les réformes structurelles que l'Allemagne a acceptées il y a une quinzaine d'années pour rétablir sa situation. 

La France des petits faiseus

C'est évidemment ici que le bât blesse du côté français. Emmanuel Macron est un beau parleur (ceux qui connaissent l'Allemagne savent comment on y prend ce compliment). Mais appartient-il à cette catégorie tant adulée au sud de la Loire et tant exécrée au-delà du Rhin des "grands diseus mais petits faiseus"?  Toute la difficulté du débat se situe là. 

Les Allemands ont suivi et suivent chaque jour la vie politique française. Ils savent qu'Emmanuel Macron fait le bon élève en adoptant des ordonnances qui sont sur la bonne voie, mais ils regardent aussi son budget. 

Ce qu'ils y voient est très loin de l'ordo-libéralisme qu'ils souhaitent voir régner en Europe, et ils ne peuvent qu'en être horrifiés. Entre les dépenses record à 425 milliards€, et l'augmentation du déficit annoncée en 2019, ils savent que la France n'entame aucune des réformes de l'État qui sont cruciales pour l'assainissement de ses comptes. 

Macron ne servira pourtant sa cause qu'en s'attaquant à ces sujets qui suscitent des poussées épidermiques en Allemagne. Entre le nombre galopant de fonctionnaires et un système de retraite publique qui ponctionne 40 milliards chaque année sur la richesse nationale, les idées de réforme ne manquent pas. Elles supposent que le Président ne soit pas un petit faiseu, et sur ce sujet, les Allemands attendent des preuves. 

La théorie du choc, clé de la crédibilité française

Reste que le budget proposé par Macron procède toujours de la logique de l'ajustement et manifeste, comme Édouard Philippe l'a montré lors de son émission politique, l'aversion des élites françaises pour les chocs fiscaux, sociaux et politiques. On voit bien l'intérêt de cette modération: elle évite les conflits sociaux et les grands désordres.

En se rendant à Berlin, on en mesure les inconvénients: à force de ne jamais réformer, de ne jamais prendre le taureau par les cornes, la France s'enfonce dans un lent déclin et perd sa crédibilité internationale. Elle est un lion qui s'endort. 

En réalité, pour convaincre l'Allemagne de sa sincérité dans la refondation européenne, la France doit prouver qu'elle ne cherche pas à s'abriter derrière le parapluie budgétaire et monétaire allemand. Et sur ce point, la France détient seule les clés de sa réussite. Tant qu'elle ne modifiera pas en profondeur les termes de l'ordre injuste sur lequel elle se fonde, avec des rentiers qui profitent et des entrepreneurs de moins en moins nombreux qui trinquent, la France prêchera dans le désert.  

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