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Qui pour remplacer le redoutable M. Schauble a la tête du ministère des finances allemand (et ce que ça nous promet) ?
©Reuters

Si même lui est trop laxiste maintenant ...

Suite au scrutin du 24 septembre, la première "victime" du gouvernement d'Angela Merkel pourrait être l'emblématique ministre des finances, Wolfgang Schäuble, qui pourrait perdre son poste.

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Quelles seraient les personnalités pouvant le remplacer à la tête d'un ministère essentiel, aussi bien au niveau national qu'au niveau européen ?

Rémi Bourgeot : Le départ de Wolfgang Schäuble libère de la place pour attribuer un poste très important, a priori au FDP, dans le cadre d’une coalition pour le moins alambiquée qui devrait réunir le bloc CDU/CSU, le FDP et les Verts. Pour autant, Schäuble doit devenir président du Bundestag à un moment où l’arrivée de 94 députés de l’AfD au parlement va changer la nature de ce poste.

Dans le cadre des négociations avec le FDP, qui a développé une ligne euro-sceptique (dans sa variante allemande, ce qui signifie pro-austérité et anti-transfers), le chef de fil, Christian Lindner apparait comme le candidat le plus probable.

Mais il est très tôt encore dans ces négociations qui vont durer et dans tous les cas être compliquées. Des rebondissements sont possibles. La presse financière évoque des alternatives au sein du FDP comme Wolfgang Kubicki ou Volcker Wissing tout comme des figures de la CDU si les négociations changent de cap. Auquel cas on verrait une personnalité de premier plan comme Ursula von der Leyen, l’actuelle ministre de la Défense, ou encore Peter Altmeier, le directeur de la Chancellerie. Le nom du ministre des Finances est évidemment important d’un point de vue politique au niveau national et européen, et l’on assiste au jeu habituel de spéculations très chics à ce sujet, mais l’essentiel n’est pas là.

En termes économiques, quelles pourraient en être les conséquences au niveau européen, et notamment pour la France ?

Quel que soit le nom du ministère des Finances, la donne actuelle est celle d’un rejet des projets de parachèvement fédéral de la zone euro. De nombreux analystes, en France certes mais aussi en Europe et de par le monde, ont prétendu que l’élection d’Emmanuel Macron signifiait automatiquement une nouvelle ère de coopération européenne, en particulier avec l’Allemagne. A peine quelques mois plus tard, on voit bien que ça n’est pas l’état d’esprit en Allemagne. Pour peu que l’on étudie avec un peu de sérieux la vie politique allemande, et que l’on comprenne le sens du mot « nein », il apparait clairement que cette question est l’objet d’un véritable tabou en Allemagne. Le pays n’a jamais accepté l’idée d’un gouvernement économique européen alors que l’idée est évidemment sur la table depuis les premières esquisses d’union monétaire européenne. Aujourd’hui nous sommes non seulement loin d’un gouvernement économique de la zone, mais il n’existe pas même de coordination macroéconomique, en dehors d’un nivellement par le bas généralisé : écrasement des salaires, chômage de masse, exode des jeunes qualifiés, effondrement de la natalité. Par ailleurs, les salaires allemands connaissent un rattrapage seulement modéré et le pays robotise rapidement son industrie, au contraire de la France et du reste de l’UE.

De plus, l’Allemagne est engagée dans son ensemble, au nom de la réduction de la dette, dans une vaste logique de désinvestissement qui conduit à de lourds problèmes d’infrastructure, comme la fermeture de ponts importants au poids lourds. Cette logique a pris une telle ampleur qu’Angela Merkel évoque un effort sur ce point, du fait de la menace sur l’économie nationale.

Que peut on attendre des réactions du ministère allemand des finances allemand en devenir à l'égard, des positions européennes d'Emmanuel Macron ?

La donne aujourd’hui c’est le bond spectaculaire de l’AfD. Les responsables allemands ne s’attendaient probablement pas à un score aussi élevé. Pour autant, l’ascension du parti même à des niveaux estimés plus bas, et la critique de la politique migratoire, étaient déjà une cause d’angoisse majeure pour Angela Merkel. Sur la question de l’euro, on a donc d’un côté le rejet traditionnel de l’élite allemande de l’idée d’une zone euro fédérale. De l’autre, on a désormais une couche supplémentaire, radicale, de toute avancée sur ce point du fait de l’émergence d’une extrême droite dont ce fut le premier cheval de bataille, avant que la question migratoire ne prenne le dessus en 2015.

Nous sortons d’une situation où les conservateurs menaient une coalition à laquelle participaient les sociaux-démocrates. Et cette coalition déjà rejetait en profondeur l’approche fédérale, puisqu’elle n’acceptait pas ne serait-ce qu’un minimum de coordination macroéconomique. Les propositions d’Emmanuel Macron qui peuvent faire l’objet d’un soutien de l’Allemagne sont celles qui vont dans le sens de ce qu’elle perçoit comme son intérêt : la taxation des géants du numérique, la lutte contre le dumping fiscal en Europe, le contrôle des investissements chinois, la réforme du travail détaché, etc. Des sujets très importants, n’en doutons pas, mais qui ne suffiront pas à rééquilibrer une économie européenne qui profite aujourd’hui d’un rebond conjoncturel significatif mais qui est très loin d’être sur une voie stable et s’en éloigne plutôt si l’on s’intéresse aux réalités technologiques.

La déroute du SPD et sa sortie de la coalition devrait mettre à nu les divergences de vue sur les questions d’intégration européenne, en particulier au sein de la zone euro. Les sociaux-démocrates, et notamment la myriade d’experts proches du parti, assuraient le service après-vente fédéraliste de la politique allemande. C’est ainsi notamment qu’avait pu émerger et durer un temps (finalement court) cette idée d’une Allemagne phare du libéralisme face à Donald Trump et au Brexit.

Il faut remettre en perspective les discours sur l’importance de telle ou telle nomination. La logique des événements auxquels nous faisons face est de nature bien plus fondamentale.

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