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Fin de l'ère des primaires : l'hypothèse d'une autre candidature LR que celle de Laurent Wauquiez à la présidentielle 2022 est-elle encore réaliste ?
©BORIS HORVAT / AFP

Boulevard

Le boulevard a l'air tracé pour Laurent Wauquiez, candidat à la présidence du parti, vu l'échec cuisant des primaires en 2016, pour être candidat à la présidentielle de 2022. Pas sûr que quelqu'un s'oppose à ce scénario.

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Atlantico : Selon les résultats du "questionnaire de la refondation", les adhérents LR considèrent à 70% que les primaires 2016 n'étaient pas une bonne idée. Dans une configuration 2022 ou il est désormais peu probable qu'une nouvelle primaire de la droite ait lieu, le prochain président des LR devrait ainsi être le candidat naturel de la droite à la prochaine présidentielle, ce qui laisse un boulevard ouvert à Laurent Wauquiez dans cette perspective. Dès lors, comment expliquer cette absence d'opposition des "ténors" de la droite actuelle, comme Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse ?

Eric Deschavanne : Dans la recomposition politique en cours, une partie de l’ex-UMP est conduite à coopérer avec Emmanuel Macron, dont le projet lui convient, une autre à s’opposer fermement, ce qui induit une ligne « droite de droite » ou supposée telle. Les « ténors » dont vous parlez (Valérie Pécresse et Xavier Bertrand), ainsi que les ex-ténors (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon) se retrouvent de la sorte dans un no ’mans-land politique. Peut-être en ont-ils conscience mais espèrent-ils que d’ici quelques années, l’échec de Macron aidant, l’unité des LR pourra se reconstituer, avec notamment le retour au bercail des constructifs, auquel cas ils occuperaient une position centrale. Ils peuvent aussi espérer incarner une opposition raisonnable si Laurent Wauquiez s’enfermait dans une posture trop sectaire. A l’heure qu’il est, ces spéculations ont cependant peu d’intérêt. On peut difficilement anticiper la situation politique dans cinq ans. Les calculs tactiques ont toutes les chances d’être déjoués par les circonstances. Il serait préférable pour la droite de mettre au point un projet, en proposant un diagnostic relatif à l’ensemble des grands sujets, tout en pointant les faiblesses et les insuffisances de la présidence Macron. Ce que ne font pour l’heure ni Bertrand ni Wauquiez.

De la même façon, et alors que la côte de popularité d'Emmanuel Macron progresse au sein des électeurs républicains, en quoi la ligne politique défendue par Laurent Wauquiez peut-elle apparaître comme la "seule possible" - c'est à dire permettant de justifier une candidature alternative à celle d'Emmanuel Macron- notamment vis à vis de ses opposants que sont Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ? 

J’attends encore de voir en quoi consistera précisément la « ligne Wauquiez ». Pour l’heure, il est identifié par quelques clichés estampillés « droite dure », tels que la critique de l’assistanat, l’opposition au mariage homosexuel ou l’affirmation de l’identité nationale. Cela peut lui permettre de conquérir le noyau dur des militants de son parti, mais assurément pas de gagner une élection nationale. Manifestement, le vœu de Macron est que la droite s’enferme dans une position de droite conservatrice et identitaire afin de pouvoir définitivement rallier le centre-droit à sa cause et de faire éclater le parti LR. La stratégie de Macron est d’occuper le centre de l’échiquier politique afin d’être lesté à sa gauche par une « gauche de gauche » et à sa droite par une « droite de droite ». L’enjeu pour la droite sera de déjouer ce plan, non simplement de justifier une candidature alternative.

Dans un monde politique "traumatisé" par les primaires, au regard des résultats à droite, mais également à gauche, en quoi est-il illusoire de considérer qu'une nouvelle primaire aurait lieu à droite ? Alors qu'il semble peu imaginable que Jean Luc Mélenchon, ou Emmanuel Macron se prêtent à un tel exercice, comment imaginer qu'un candidat de droite puisse récidiver ? L'ère des primaires est-elle finalement révolue ? 

L’élection 2017 aura en effet été l’âge d’or des primaires en France et peut-être aussi leur chant du cygne. Les primaires répondaient à la nécessité de sauver les grands partis de gouvernement dans un contexte politique façonné par la médiatisation, dans lequel ce n’est plus le parti mais l’opinion qui fabrique les candidats. Les primaires eussent été efficaces si les ex-grands partis de gouvernement qui structuraient la vie politique française depuis 40 ans avaient été en mesure de rassembler pour l’un la gauche, pour l’autre la droite.

Pour expliquer l’échec des primaires, il y a à mes yeux trois hypothèses possibles.

On peut en premier lieu estimer qu’elles sont une pièce rapportée inadaptée au jeu politique français : dans l’élection présidentielle française, la vraie primaire, c’est le premier tour ; les primaires des partis, ont ironisé certains, ce n’est que la maternelle. Ce n’est pas faux, mais c’est en un sens nouveau, et ce n’était pas prévu. Tant que les partis décidaient des candidats, la primaire, c’était la conquête du parti. Dès lors que l’opinion fait le candidat, la primaire apparaît comme un bon moyen de sélection. Mais ce moyen peut également apparaître inutile si on considère que les sondages font aussi bien la sélection, avant et pendant le premier tour. Mélenchon a ainsi gagné sa « primaire » contre Benoît Hamon, le vainqueur présumé de la primaire de la gauche. Il aurait pu y avoir une primaire entre Valls et Macron si le premier avait choisi la bonne primaire en se présentant devant l’ensemble des électeurs. On peut toutefois objecter à cet argument l’idée selon laquelle les primaires constituent un remède possible aux implications délétères de l’élection présidentielle française. Dans la mesure où il s’agit de choisir un chef, abstraction faite de la possibilité d’obtenir une majorité parlementaire, et que rassembler son propre camp ou son propre parti n’est plus une condition préalable, tout le monde peut estimer jusqu’au bout avoir sa chance devant l’opinion. Les primaires peuvent être jugées suicidaires, mais l’absence de primaire pourrait l’être également. Que ce serait-il passé si les primaires de la droite et du centre n’avaient pas eu lieu ? Nul ne peut le dire. Peut-être la sagesse aurait-elle conduit l’ensemble des candidats à s’effacer devant Alain Juppé, le favori des sondages, lequel aurait peut-être ensuite gagné l’élection. Peut-être à l’inverse aurait-on assisté à un carnage, une lutte à mort entre des ténors convaincus de leur bonne étoile, conduisant à un désastre électoral.

La deuxième interprétation se fonde sur l’hypothèse selon laquelle les primaires favorisent la radicalisation idéologique, dans la mesure où les candidats s’adressent à une fraction partisane de l’électorat, et donc prépare la défaite à l’élection générale, laquelle se joue en général au centre. Ainsi, le choix de Benoît Hamon et de François Fillon aux primaires expliquerait la défaite du PS et des LR à la présidentielle. Je comprends l’argument mais il ne me convainc pas. La radicalité idéologique n’a pas empêché Mélenchon et Marine Le Pen de réaliser un bon score électoral ; et le PS aurait été sans aucun doute aussi bien désintégré si les primaires n’avaient pas eu lieu. Quant à François Fillon, il est difficile de faire le partage, pour expliquer sa défaite, entre ce qui est imputable à son positionnement idéologique et politique, d’une part, et d’autre part les « affaires » qui ont plombé sa campagne. A contrario, on peut rappeler le scénario de 2012, qui a vu François Hollande - le candidat le plus modéré de la gauche - remporter la primaire, parce que les électeurs voulaient un candidat qui soit en mesure de gagner face à Nicolas Sarkozy.

La troisième hypothèse - à mon avis la bonne - ne met pas en cause le mécanisme des primaires mais le contexte politique. Il ne faut pas considérer, autrement dit, que les primaires sont en elles-mêmes une bonne ou une mauvaise chose, ou qu’elles sont inadaptées au système politique français. La primaire est un outil qui peut être utile ou nuisible selon le contexte. En 2017, la primaire à gauche a eu un effet de loupe sur les contradictions idéologiques insurmontables au sein du PS ; elle a donc précipité l’effondrement et l’éclatement de celui-ci. La droite aurait pu s’épargner la primaire en choisissant Alain Juppé comme candidat. Cela eut été possible dans un monde raisonnable. Si l’on est réaliste, force est de constater que sans la primaire, il y aurait sans doute eu un affrontement brutal entre deux droites et deux candidats (probablement Alain Juppé et Nicolas Sarkozy) - affrontement qui aurait inéluctablement conduit à la défaite.

Plus généralement, on peut considérer que la condition requise pour que les primaires réussissent, est que le champ politique soit dominé par deux grandes forces de gouvernement. La décomposition-recomposition à laquelle on assiste (quadripartition de l’opinion, clivage droite/gauche doublé d’un clivage forces de gouvernement/populismes) rend sans doute les primaires pour l’heure inopérantes. Quant à l’avenir, on ne peut jurer de rien.

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