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Pourquoi nous devrions oser augmenter le salaire de nos élus pour les revaloriser
©REUTERS/Jacky Naegelen

Audace

Ce débat concernant la rémunération des élus est au fond emblématique de l’attitude problématique que les Français entretiennent vis-à-vis de l’argent en général.

Marc Stehlin

Marc Stehlin

Marc Stehlin est avocat.

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Olivier Babeau

Olivier Babeau

Olivier Babeau est essayiste et professeur à l’université de Bordeaux. Il s'intéresse aux dynamiques concurrentielles liées au numérique. Parmi ses publications:   Le management expliqué par l'art (2013, Ellipses), et La nouvelle ferme des animaux (éd. Les Belles Lettres, 2016), L'horreur politique (éd. Les Belles Lettres, 2017) et Eloge de l'hypocrisie d'Olivier Babeau (éd. du Cerf).

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Le renouveau de la pratique politique est, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, une indéniable aspiration d’un grand nombre de Français. Nous souhaitons désormais que nos élus soient plus fréquemment renouvelés, évitant ainsi leur professionnalisation, indépendants et surtout représentatifs de la population. Si ce mouvement témoigne d’un louable désir de renouer avec la confiance en notre système politique, il connaît aussi hélas des excès, au premier rang desquels les exigences de transparence et d’absence totale de passé pour éviter tout conflit d’intérêt. A la faveur des affaires qui ont émaillé la campagne présidentielle mettant en cause l’utilisation de leurs indemnités par des députés, une troisième dérive est apparue sous la forme d’une critique de la rémunération des élus. Pourtant, nos élus ne sont pas assez payés. Cela est particulièrement vrai pour ceux qui gèrent un exécutif local (région, département, commune). Cela sera également vrai de nos parlementaires (députés et sénateurs) quand ils auront associé à une réduction drastique de leur nombre une réorganisation de leur travail vers une place plus grande des tâches de contrôle du gouvernement et d’évaluation des lois.

Ce débat concernant la rémunération des élus est au fond emblématique de l’attitude problématique que les Français entretiennent vis-à-vis de l’argent en général. Comment en effet, dans un pays où l’on croit que toute richesse est suspecte (comme écrivait Balzac, « derrière chaque fortune il y a un crime »), que l’économie est un jeu à somme nulle où le gain des uns est fatalement la perte des autres, et que symétriquement la pauvreté vaut brevet de vertu, comment donc pourrait-on considérer favorablement une augmentation des rémunérations de nos élus ?

Songeons qu’un Président de Région ou le maire d’une commune de 60 000 habitants, qui emploie couramment plus de 1000 agents municipaux, n’est rémunéré qu’un peu plus de 4000 euros par mois. C’est évidemment beaucoup comparé à beaucoup de Français, dont le salaire mensuel médian est de 1730 euros. Mais c’est très peu si l’on considère le niveau de responsabilité et le temps consacré.

Bien payer un élu n’est pas faire de sa mission une carrière ou l’éloigner des Français, c’est simplement reconnaître l’importance collective, la difficulté et l’incroyable exigence en temps et en énergie de leur travail. Un maire par exemple consacre la plupart du temps ses journées, week-end compris, mais aussi ses soirées à son travail. Rapportée à l’heure, la rémunération n’est alors même pas au niveau du salaire minimum. Mais surtout, c’est incroyablement déconsidérer le travail fourni que de vouloir qu’il soit payé au même niveau qu’un emploi peu qualifié et sans responsabilité.

Certains nouveaux parlementaires en mal d’effet médiatique ou pris d’un emportement robespierriste, avaient annoncé en début de mandature qu’ils réduiraient leur propre rémunération au niveau du smic. Ce n’est pas seulement confondre représentation nationale et identité, médiocrité et vertu, dénuement et désintéressement. C’est surtout aller à contre-sens : appauvrir nos élus ne les rendra pas meilleurs, au contraire.

Le risque de mal payer nos élus est double. En les paupérisant, nous les soumettons plus que jamais à toutes les tentations de corruption. Ensuite, le risque est bien réel d’éloigner des fonctions électives ceux de nos concitoyens qui ont le mieux réussi, et qui ne peuvent consentir au sacrifice financier qu’un mandat représente. Ce ne sont pourtant a priori pas les moins doués ou les moins compétents…

La France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre d’élus par habitant (1 mandat électif pour 104 habitants, quand le Royaume-Uni en a un pour 2603). Délibérément ou non, nous avons appliqué la même politique avec nos élus qu’avec nos fonctionnaires : incapables d’en endiguer la croissance (ou plutôt trouvant commode, par clientélisme, d’en faire croître le nombre), nous avons en contrepartie dû les paupériser. La vraie révolution politique serait de prendre l’exact contrepied de cette dérive : réduire considérablement le nombre de nos élus, et revaloriser leurs rémunérations. C’est à ce prix que nos représentants retrouveront leur dignité et deviendront enfin les serviteurs efficaces du peuple français.

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