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PLF 2018, le défi d'initiés : pourquoi le vote de la loi la plus importante de l'année est un exercice profondément opaque et peu démocratique
©REUTERS/Jacky Naegelen

Loi de finances

L'Histoire enseigne le rôle essentiel du Parlement en matière de vote des finances de l'Etat. Mais l'actualité du XXIème siècle dilue cette image au profit d'un Parlement d'évidence malmené par l'Exécutif lui-même en porte-à-faux.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Du fait majoritaire à l'Assemblée nationale découle la capacité d'approuver le budget. Jusque-là tout parait simple. Un projet de Loi de finances est présenté en Conseil des ministres puis transmis au Parlement pour que la discussion budgétaire s'engage.

L'Assemblée amende puis vote et transfère le texte au Sénat qui procède de même. La navette parlementaire se déroule et l'Assemblée a le dernier mot.

Par-delà l'écume des claquements de pupitres de quelques-uns, tout parait fluide et simple.

En réalité, tout ceci tourne à la parodie lorsqu'on observe les faits de plus près.

Tout d'abord, le Parlement ne modifie qu'à la marge le projet du gouvernement.

Sur 325 milliards de recettes, moins de 15 milliards ( soit environ 5% ) sont affectés par le travail parlementaire.

Sur un peu plus de 400 milliards de dépenses, même remarque.

Ce travail à la marge requiert toutefois des semaines de travail et parfois des compromis insensés pour telle ou telle dépense de moins de 50 millions. Peut-on parler de roue grippée d'un vieux moulin à eau qui dépend du bon vouloir de Bercy ?

A certaines heures, on dirait une réunion de copropriété où les membres et voisins s'accrochent vertement sur le prix de la batterie alimentant les signaux d'évacuation d'urgence du parking au lieu d'éplucher sérieusement les devis de réfection partielle de la toiture.

Un exemple concret ? Quel amendement parlementaire a visé en profondeur l'ampleur du déficit ? On n'entend des mots mais pas d'action tangible.

Je rappelle que le déficit initialement voté pour le PLF 2017 était de 68 milliards avant de devenir 76 milliards suite à la découverte, par la Cour des comptes, de sous-budgétisations insincères issues des travaux de l'équipe Sapin and Co.

On nous parle toujours de la règle des 3% de déficit rapporté au PIB. La rigueur intellectuelle économique suppose de rapporter ces 76 mds aux 325 mds de recettes. Il manque, chaque année, 23% pour boucler le budget de l'Etat.

Et cela, le Parlement l'avale comme une couleuvre arithmétique au point d'avoir la couleur et le parfum d'une chambre d'enregistrement.

La Constitution de la Vème République a bien verrouillé le droit d'amendement des parlementaires par son article 40 qui énonce : " Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ".

Les parlementaires qui veulent changer quelque chose à l'édifice en sont réduits à énoncer des propositions d'économies au moins équivalentes à leurs velléités de changement.

Alors que le budget est supposé être un acte de cohérence, il est bien souvent le reflet de circonvolutions comptables et s'éloigne des manuels de référence de la politique économique pour rejoindre la famille des catalogues de mesures dont l'empilement hâtif ne saurait prétendre à la convergence.

Trop souvent, le Parlement accepte l'empilement plus que la vectorisation féconde de l'action publique.

Evidemment, tous les parlementaires n'ont pas la connaissance d'un Charles de Courson, d'une Valérie Rabault, d'un Boris Vallaud ou d'un Aymeric de Montgolfier.

Sur 577 députés et 348 sénateurs, moins de 50 disposent du potentiel cognitif pour décrypter jusqu'à l'os le PLF. C'est aussi une donnée regrettable de notre démocratie. Cela va être encore plus criant cette année où les députés novices sont légion.

La compétence ne s'improvise pas et ne se feint pas, elle s'acquiert.

A ce stade, le Parlement est intellectuellement soumis à Bercy dont je relève que les services compétents ne vont pas jusqu'à proposer des chemins alternatifs à telle ou telle famille de mesures budgétaires. On débat en bloc contrairement à d'autres pays européens.

En fait, les vrais arbitrages sont rendus en amont et même le président de la République peut être mis devant la politique du fait accompli. Il y a là une efficacité technique de Bercy que je salue volontiers mais qui brise toutefois l'illusion du débat démocratique MEME au sein de l'Exécutif MEME à l'Elysée.

Le Château et le sable dans les yeux.

Soyons factuels : la dette a augmenté de 364 milliards sous le quinquennat Hollande tandis que les engagements hors-bilan de l'Etat se sont accrus de près de 800 milliards. Sur ces 800 milliards, une convention comptable explique près de 500 mds qui visent la prise en charge légitime des pensions à venir des fonctionnaires. Mais quid des 300 mds ? (http://www.atlantico.fr/decryptage/4000-milliards-comment-dette-hors-bilan-sert-discret-placard-financier-aux-engagements-etat-jean-yves-archer-3163769.html     )

L'addiction à la dépense publique décrite par Edouard Philippe n'est pas une erreur d'appréciation du Premier ministre, loin de là !  C'est un fait criant que le futur débat sur le PLF 2018 ne pourra véritablement attaquer de front faute de combattants aguerris, de méthodes crédibles de travail et de souplesse raisonnable d'échine de notre Administration des Finances qui continue de manier le métronome et qui doit parfois accepter – once upon a time – l'irruption d'une Rapporteure générale du Budget !

http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2014/06/13/a-9-h-20-la-rapporteure-generale-du-budget-frappe-a-bercy_4437694_823448.html    )

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