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Dans la peau d’Emmanuel Macron, un président pas comme les autres
©TIZIANA FABI / AFP

Si j'étais président...

Dans son dernier livre, Philippe Bilger s'est glissé dans le "costard" d'Emmanuel Macron en retraçant son "irrésistible" ascension jusqu'à l'Elysée. Pour M. Bilger, l'homme mérite le détour.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Pourquoi avez-vous choisi dans votre livre de rentrer dans la peau d'Emmanuel Macron, président de la République depuis maintenant quatre mois ?

Philippe Bilger : Comme vous le dites très bien j'ai voulu me glisser dans sa peau ou dans son esprit - en totale prévention bien sûr, je ne prétends pas être à la hauteur de cette intelligence exceptionnelle. Mais je dirai que c'est à la fois une intelligence exceptionnelle qui me parait dépasser celle de nos principaux présidents qui n'étaient pas des imbéciles, entendons-nous bien, mais qui je crois n'avais pas cette richesse conceptuelle. C'est une personnalité qui sait ce qu'elle vaut, qui a de l'orgueil, et qui parfois même, on pourrait le penser de la vanité. Personnellement je ne le pense pas. Il existe chez lui un mélange très net de faculté d'empathie et de capacité de compréhension et en même temps comme une forme de récréation par rapport à une personnalité trop complexe, des pensées parfois brutales, des jugements abrupts qu'en ce qui me concerne, j'approuve, mais qui peuvent choquer. 

C'est une personnalité très contrastée entre empathie et intelligence, tout en étant un roublard politique. Il existe aussi chez lui un côté secret, réservé, avec de l'allure allié à une dilection pour certains peoples. C'est une personnalité tellement riche que j'ai trouvé intéressant de me mettre dans sa peau, non pas qu'elle me fascine, mais parce que je la trouve suprêmement intéressante. 

Votre livre n'est pas le premier à sortir juste après l'élection de notre nouveau président. Ne va-t-on pas un peu vite en besogne le concernant ?

Je n'ai pas à juger la qualité de mon livre, mais par rapport à tous les récits qui sont sortis depuis quelques semaines, le mien s'inscrit dans un genre totalement original. Je vais parler un président de son vivant. C'est singulier et cela mérite que l'on s'y attache selon moi !

Quelle part d'ombre existe-t-il dans l'Emmanuel Macron que vous avez "habitez" pendant tout ce livre ?

Je dédie mon livre aux passionnés de politique et de psychologie. J'ai cherché à raconter par lui-même son ascension fulgurante et son arrivée à la présidence de la République. J'en raconte la genèse. 

Je m'arrête aux séquences qui l'on marqué, aux relations qu'il a exploité, à l'amour intense et par certains côtés singulier qui l'unit à son épouse. J'ai satisfais par-là mon immense goût pour la psychologie. J'entends le reproche qui m'est fait d'être un inconditionnel, un admirateur. Je ne crois pas que cela soit vrai. Je ne peux, parlant à la première personne, lui faire dire sans cesse du mal de lui-même! Je lui fait prendre conscience de certaines limites : il se rend compte qu'il n'est pas un tribun, qu'il est trop orgueilleux. Ou c'est son épouse qui le met en garde contre certains paroxysmes de wqualités qui pourraient devenir de défauts. J'essaye de faire une introspection humaine, intellectuelle, politique, honnête, et il me semble que je ne place pas dans sa bouche – à quelques exceptions près où je me suis fait plaisir – des choses parfaitement invraisemblable. 

Et dans la peau d'Emmanuel Macron, comment perçoit-on sa relation ambiguë avec la presse, entre amour et haine ?

Durant sa campagne, il est clair que non seulement il n'a pas récusé sa relation avec les médias, mais il les a même "surabondés". Je regrette certaines attitudes qu'il a eu et qu'il continue d'avoir encore en privatisant les images people au bénéfice de Mimi Marchand.  Je trouve que cela n'a pas d'allure. Mais en revanche, j'étais tout à fait content de le voir adopter au déut de sa présidence le registre de la parole rare. Cela consiste à ne plus se laisser gouverner par les médias mais plutôt à les choisir. Non pas au regard du délit de sale gueule ou bien de sympathie excessive mais parce qu'un président, pour lutter contre les tragiques commentaires de François Hollande doit se ménager, s'économiser. Il me semble qu'après cette période de parole rare, il est en train d'aller vers une période de parole plus prolixe et je regrette de constater qu'il n'est pas un président avec un peu en lui de Sarkozy sur ce point. Pour moi, c'est un peu gênant, j'aurai préféré qu'il demeura dans le registre de la parole rare même si j'apprécie les risques qu'il prend quand il vient dire par exemple que les journalistes ne parlent que d'eux et entre eux, qu'ils sont narcissiques et qu'ils ne parlent pas de la France. Je pense que pour un président avec le pouvoir actuel des médias dans la vie politique, c'est même audacieux. Je pense qu'il ne faut pas avoir de révérence pour les médias en gros mais en détail. Mais je sais ce que peut lui coûter cette irrévérence envers les journalistes…

Le mandat semble désigner comme grand adversaire d'Emmanuel Macron Jean-Luc Mélenchon, quatrième à l'élection présidentielle. Ce dernier critique de plus en plus un candidat éloigné du peuple, un candidat des élites contre "ceux qui ne sont rien". Quelle relation entretient Emmanuel Macron au peuple ?

Je ne crois pas qu'il soit éloigné du peuple. Je pense que c'est un élitiste populaire. J'en veux pour preuve ce qu'il faisait quand il était ministre et qu'il continue à faire cette volonté courageuse la plupart du temps d'aller au contact physique des gens, de dialoguer, de s'affronter… Quelqu'un qui mépriserait le peuple n'irait pas. Il ne consentirait même pas à le toucher, fusse par le verbe !

D'autre part Jean-Luc Mélenchon, je pense, irrite au plus haut point Emmanuel Macron quand il conteste sa légitimité démocratique. Le leader de la France insoumise doit être très heureux d'être considéré comme son principal opposant. Mais si le Front National n'avait connu cette déréliction à la suite, parlons net, du calamiteux débat, je pense que Jean-Luc Mélenchon ne serait pas le seul à être l'opposant à Emmanuel Macron. De la même manière que les Républicains attendent l'élection de leur président pour construire s'il le faut une opposition résistante. 

Je crois que l'opposition entre un tribun indiscutable qui ne rêve que de semer le désordre en tentant de prouver qu'il aurait dû gagner l'élection face à Emmanuel Macron, je crois que la comparaison tourne en permanence au bénéfice de ce dernier qui fait passer tout ce qu'il souhaitait accomplir, notamment les ordonnances. Et en comparaison des précédents présidents, Hollande et Sarkozy du moins, il n'a pas forcément eu des débuts remarquables et appréciés par tous, mais que malgré la baisse des sondages il semble tenir le cap et le choc. Ce qui ne veut pas dire que moi-même je me retrouve forcément sur la ligne politique d'Emmanuel Macron. Je m'offre le luxe d'être un observateur comme un journaliste politique qui accepterait d'être enfin dans l'ombre de quelqu'un. 

Quelles sont les forces et les faiblesses que vous avez découvertes dans cette ombre ?

Les forces sont d'abords les traits de sa popularité de l'homme, populaire et extraordinaire, malgré le désamour des sondages. Il y a l'importance de son exceptionnelle équipe à l'Elysée, discrète et efficace. Il a certains excellents ministres. Et son groupe parlementaire devrait se professionnaliser rapidement. Et surtout Emmanuel Macron, contrairement à ceux qui l'avait qualifié de bulle et de personnalité molle, a un vrai projet et un vrai plan en tête. Il a une vraie envie de s'inscrire dans l'histoire de France. Et bien sûr, il voudra être réélu. Ce ne sera pas simple. 

Et sa faiblesse, c'est peut-être la rançon de son principal succès sur la scène politique. Le dépassement de la gauche et de la droite lui a permis d'arriver en trois ans à l'Elysée. Il a bénéficié de l'adhésion de citoyen de gauche et de droite. Il risque de pâtir de la gauche et de la droite désormais mais cette fois sur le plan des déceptions. Cela pourrait être son boulet en fin de quinquennat. 

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