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La curieuse relation entre "l'intellectuel" Macron et "l’ombrageux" Valls
©PATRICK KOVARIK / AFP

Bonnes feuilles

Qui est Emmanuel Macron ? Les Français le savent-ils ? Le sait-il lui-même ? Il fallait Philippe Bilger pour oser, en toute liberté, ce monologue imaginaire où le nouveau président questionne et médite sa propre destinée. Passé, présent, avenir, grandes manœuvres et coups bas : voici, décryptés, les dessous et les non-dits d'une aventure qui se veut légende. Extrait de "Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..." de Philippe Bilger aux Editions du Cerf (1/2).

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Je n’ai jamais pu me déprendre d’une sorte de sympathie pour Manuel Valls. Non, sympathie n’est pas le bon mot. C’est trop ou trop peu.

Trop, parce que je n’ai jamais croisé une nature plus différente de la mienne. Nos sensibilités, nos visions, nos cultures, nos modes d’agir et nos réactions étaient aux antipodes les unes des autres. Même quand nous semblions servir le même objectif, être accordés avec sérénité et bienveillance sur ce constat que nous pouvions occuper le même espace sans risque l’un pour l’autre. Persuadés que bien plus tard nous pourrions être départagés à la loyale par le destin et la grâce advenue à l’un ou à l’autre d’en vouloir plus que son complice devenu son adversaire.

Je suis obligé de reconnaître que notre entente au moins apparente a tenu longtemps et c’était une sorte de miracle que cette coexistence entre l’hidalgo fier et ombrageux, loyal et susceptible et le lettré fin et complexe que je prétendais être et qui était perçu ainsi par Manuel. Je n’étais pas un concurrent, j’étais un allié. Je n’étais pas quelqu’un qui lui mettrait des bâtons dans les roues, du grippage dans ses ambitions. Présent à ses côtés, dépendant de lui qui maîtrisait mieux que personne le monde politique – il avait si bien démontré son savoir-faire quand après la primaire, il s’était imposé à François Hollande pour être l’artisan principal de son élection en 2012 –, j’étais un ministre sur lequel il pensait pouvoir compter. Il avait vaincu la réticence de François Hollande à mon sujet car le président, inconsciemment, cherchait sans doute à retarder une ascension dont il avait été l’artisan initial.

Manuel et moi cultivions, par intermittence, une relation imprégnée de copinage blagueur et de dérision commune – nous avions la dent dure contre les mêmes : un lien puissant –, j’admirais son énergie constamment et ostensiblement déployée comme s’il convenait à tout coup de marteler le mode d’emploi de ses qualités et de sa personnalité dans nos têtes. Il y avait, c’est sûr, du Nicolas Sarkozy en lui mais avec moins de cynisme, plus de sincérité, plus de dogmatisme, beaucoup de loyauté, un goût des lignes droites, une détestation du courbe et du gris, une passion immodérée du blanc et du noir, du courage intellectuel à revendre, un amour des provocations mais seulement dans le registre politique, du classicisme dans la rupture, au fond, quoi qu’il en ait, une personnalité traditionnelle ayant bénéficié du fait qu’il n’en fallait pas beaucoup pour être qualifié de trublion au parti socialiste, de l’élan, de la superbe mais des fragilités inouïes quand on ne le suivait pas et qu’il se retrouvait enfermé dans son discours comme dans une forteresse. Sympathie, c’était trop mais trop peu quand on considère ce qui nous a rapprochés, unis, longtemps dans une inégalité assumée, consentie. Lui ferait tout pour favoriser ma carrière, accélérer mon parcours. Il avait vocation à faire partie de cette cohorte bienfaisante qui, parce qu’elle m’aimait ou ne me craignait pas, se préoccupait de mon avenir au cas où j’aurais pu oublier de m’y intéresser moi-même.

Extrait de "Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..." de Philippe Bilger aux Editions du Cerf 

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