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"Le camp des Saints" : Jean Raspail, 43 ans après, l'épreuve du temps
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Jean-Noël  Dibie pour Culture-Tops

Jean-Noël Dibie pour Culture-Tops

Jean-Noël Dibie est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE

Le camp des Saints

de Jean Raspail

Ed. Robert Laffont 

392 pages

RECOMMANDATION

BON

THEME

Culture-Tops, ne pouvait ignorer la polémique installée autour du livre de Jean Raspail, Le camp des Saints. Edité en 1974, celui-ci est, en 2016, mis en avant par Steve Bannon, sulfureux conseiller privé de Donald Trump, à la maison Blanche. Il est aussi recommandé par Marine Le Pen menant campagne contre la « submersion migratoire ».

Cette actualité politique n’aurait pas suffi à retenir l’attention de Culture-Tops si cette fiction allégorique n’était d’une étonnante actualité, alors que des centaines de milliers de migrants du sud traversent la Méditerranée où y périssent.

Lors de sa sortie, orchestrée par Robert Laffont, en 1974, Le camp des Saints est brulé sur l’autel d’un humanisme exacerbé. Mais, best-seller en 1975, aux Etats-Unis, la traduction de ce récit allégorique, The camp of the Saints, est devenu un classique.

Ceci étant rappelé, venons-en au thème:

Un million de déshérités du Gange, suivant un nain borgne monté sur les épaules d’un géant, embarque sur une centaine de navires à bout de souffle qui, formant armada, naviguent vers l’ouest. Cela est d’abord perçu comme un événement mineur par les occidentaux. Aveuglés par leur bonne conscience collective, ils s’efforcent d’organiser l’accueil de ces migrants (extrait 1), ce qui échoue lamentablement. Nonobstant la clairvoyance de quelques-uns (extrait 2), il faudra l’imminence de l’échouage et du débarquement sur les côtes varoise d’un million d’affamés, pour que le réalisme l’emporte sur l’angélisme. Dés lors, paniques et violences préludent à l’effondrement du régime et de la démocratie.

POINTS FORTS

- L’actualité de cette fiction allégorique, écrite aux lendemains de mai 68, dans un pays qui n’a pas encore connu « La Crise ».

- L’annonce de la mondialisation (extrait 3) et de ses périls (extrait 4)

- La mise en exergue des faiblesses de la démocratie (extraits 5)

- Une question fondamentale au regard des droits de l’homme (extrait 6)

- L’interrogation sur l’apparent désenchantement de la jeunesse (extrait 7)

POINTS FAIBLES

Ce plaidoyer contre le politiquement correcte, qui annihile la conscience politique, a été classé comme ouvrage réactionnaire par les tenants de la pensée unique. Aussi, Jean Raspail, dans Big Other, préface de l’édition de 2011, présente cette fiction comme « révulsif au regard des belles consciences », avertissement nécessaire à une meilleure acceptation d’un livre prémonitoire. Pour autant, l’écrivain n’a jamais caché ses choix politiques. Faut-il le traiter de « raciste » pour avoir souligné, en 2011, lors de la réédition du Camp des Saints, « l’incompatibilité des races lorsqu’elles se partagent un même espace ambiant » ? Qu’en serait-il de cette condamnation des « biens pensants », si l’écrivain avait évoqué la difficile compatibilité, dans un même milieu ambiant, de cultures fortement différenciées ?

EN DEUX MOTS

Le lecteur averti trouve matière à réflexion dans la lecture de ce livre, trop facilement présenté comme réactionnaire.

UN EXTRAIT

Ou plutôt Huit:

1 / page 126 « Puisque rien ne nous autorise humainement à nous opposer à la marche de cette flotte, le gouvernement français a décidé d’étudier, avec ses partenaires occidentaux, un plan d’accueil dans le cadre d’une coopération internationale… »

2 / page 260 « Et comme nous avons ouvert notre porte et démontrer notre faiblesse, d’autres viendront, puis d’autres encore, le processus est déjà commencé »

3 / page 85 « Il n’y a pas plus de tiers monde, voilà un mot que vous aviez pour garder vos distances. Il y a le monde tout court qui sera submergé par la vie »

4 / page 80 « Le monde semble soumis non pas à un chef d’orchestre identifié, mais à une nouvelle bête apocalyptique, une sorte de monstre anonyme doué d’ubiquité… »

5 / page 251 « Nous gouvernions à coup de sondages. C’était bien commode. Probablement gouvernions nous le néant »

6 / page 256 « Nous vivons au siècle du verbe dissolvant. Les mots nous dispensent d’agir… »

7 / page 263  « Est-ce que les droits de l’homme auxquels nous tenons peuvent être préservés au détriment des droits des autres hommes »

8 / page 313 « La gaité est démodée, le bonheur coupable, l’ambition tarie…  Tous alignés sur le plus pauvre, le plus crotté, le plus stupide, le plus inutile, le plus malheureux, et surtout ne jamais hausser les yeux sur n’importe quoi d’un peu élevé, d’un peu personnel… ! Quel que soit le monde que l’on veut construire, ce n’est pas ainsi qu’on y arrive »

L’AUTEUR

Aujourd’hui âgé de 93 ans, Jean Raspail est né le 5 juillet 1925 dans une famille de la grande bourgeoisie, qui lui a donné une éducation catholique.

Jeune homme, Jean Raspail se veut voyageur et explorateur. Il court le monde pendant une vingtaine d’années, à la recherche de populations menacées par le modernisme. Journaliste et écrivain, il publie essentiellement des récits de voyages, dans lesquels transparaissent ses convictions politiques : catholique monarchiste, il rejette tant le marxisme que le libéralisme. L’auteur reviendra à ce genre littéraire dans son dernier ouvrage, En canot sur les chemins du roi, publié en 2005.

En 1973, Jean Raspail publie, avec le total soutien de Robert Laffont, sa première œuvre de fiction, Le camp des Saints, éreinté par la presse.

Auteur prolifique, Jean Raspail, récompensé par de nombreux prix, publiera une quarantaine de livre. En 1981, il reçoit le Grand prix de l’Académie Française pour Moi Antoine de Tournens, roi de Patagonie, œuvre qui marque la vie de celui qui sera Consul Général de Patagonie. Parmi ses succès de librairie, l’on trouve, notamment, Qui se soucie des hommes (1986) ou Sire (1990).

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