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Les finances du Vatican : une immense boîte noire
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Les voies du Seigneur...

La banque JP Morgan menace le Vatican de la fermeture de son compte pour manque de transparence. Une menace qui souligne la tradition d'opacité qui entoure les finances du Saint-Siège à la gestion déjà émaillées de nombreux scandales.

Philippe Simonnot

Philippe Simonnot

Philippe Simonnot est économiste. Son dernier ouvrage en librairie s’intitule Non l'Allemagne n'était pas coupable, Notes sur les responsabilités de la Première Guerre Mondiale (Editions Europolis, Berlin). Il est aussi l'auteur de Chômeurs ou esclaves, le dilemme français, (Ed. Pierre-Guillaume de Roux). En 2012, il publie La monnaie, Histoire d’une imposture (Editions Perrin), en collaboration avec Charles Le Lien.

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Atlantico : La banque JP Morgan menace le Vatican de la fermeture de son compte pour manque de transparence. Est-ce que l'Eglise ignorant les arcanes de la finance procède à des opérations qui paraissent louches, ou sont-ce les financiers qui profitent justement de cette ignorance ?

Philippe Simonnot : Ni l'un ni l'autre. L'Eglise a des financiers experts, de haute volée et connaît très bien la finance. Mais elle a une grande tradition de la clandestinité car comme toute entité spoliée plusieurs fois dans l'Histoire elle a pris l'habitude de cacher ses comptes, de les entourer d'obscurité et avec d'autant plus d'habileté que le Vatican est un Etat Souverain et n'a de comptes à rendre qu'à lui même et à Dieu, si je puis dire.

Le Vatican a déjà été épinglé pour blanchiment d'argent, et avait décidé de s'astreindre au respect de la loi 127, qui lutte contre ses pratiques, si on établissait une liste d'Etat peu vertueux dans ce domaine, en quelle position trouverait-on le Saint-Siège ?

La législation anti-drogue et criminalité impose que pour qu'on puisse mettre le nez dans les comptes d'un Etat souverain, le classer comme Etat-Voyou, les rogue states comme les ont appelés les Etats-Unis. Il faudrait donc déclarer le Vatican "Etat-Voyou" pour pouvoir accéder à toutes ces finances légitimement et réussir clairement à la placer sur cette liste.

Mais on est loin de cela et on doit continuer de constater ce flou artistique. L'Eglise a cependant fait des efforts pour être un peu plus transparente sur ce sujet mais cette affaire prouve que ce n'est pas encore satisfaisant du point de vue de la réglementation bancaire. 

Que sait-on exactement de l'IOR (Institut des Oeuvres Religieuses), cette banque du Vatican, qui la dirige ? Qui s'occupe des transferts financiers ?

On n'en sait strictement rien, certes il y a des fonds publics mais c'est à peu près tout ce que l'on sait. Il faut se rendre compte que la non transparence peut être une arme redoutable. C'est grâce à cela que Jean-Paul II a pu financer, dans les années 1980, le mouvement Solidarność qui s'élevait contre la République Populaire en Pologne et donc contre l'Union Soviétique. Les fonds ont été acheminés secrètement et ont été protégés grâce à cette opacité.

Il y a constamment des mouvements qui ne peuvent être que clandestins. D'ailleurs l'Eglise repose sur des dons, souvent en liquide, et les donateurs n'ont pas envie d'être connus. En cela, le vieux dicton de la bourgeoise française qui dit "Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit" convient totalement aux finances du Vatican. Malgré les efforts de transparence qui ont été imposés, on reste largement dans le clair obscur.

Le Vatican n'est pas donc prêt à mettre en place une politique de communication capable d'éclaircir quelques zones d'ombre au moins pour coller aux règles bancaires?

Tant qu'ils ne sont pas déclarés Etat-Voyou, ils n'ont aucune raison d'en arriver là. Ils bénéficient d'une marge de manœuvre et en profitent. Le Vatican a deux mille ans et a une grande tradition de secret, de diplomatie, d'influence et de banque. Rappelons que tous les grands banquiers venaient du Vatican.

Je pense que finalement dans cette affaire, c'est JP Morgan qui prend des risques, car de toute façon il ne pourra rien prouver. Il faut se mettre en tête que les zones d'ombre sont inévitables et je dirais même inhérentes à cette institution.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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