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Comment Paris boute les classes moyennes hors de son centre
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Problème capital

Les prix de l'immobilier continuent de flamber dans Paris. Jusqu'à bouter hors de Paris les classes moyennes ?

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Atlantico : Les prix du logement à Paris semblent poursuivre leur hausse jusqu'à rendre difficile l'accès au logement dans la capitale. Quel est précisément l'état des lieux pour les classes moyennes : peuvent-elles encore acheter à Paris ?

Michel Mouillart : La hausse des prix se poursuit dans Paris. Mais elle est plus lente que par le passé et le rythme de la hausse devrait encore se ralentir dans les prochains mois. Il est vrai que le déclenchement de la crise de la dette souveraine n’a pas épargné les marchés immobiliers et le marché parisien ne fait pas exception, en la matière. Même si il bénéficie plus largement qu’ailleurs, en province, de la demande des acheteurs étrangers, il a eu aussi à connaître les conséquences du resserrement de l’offre de crédit : sur Paris comme ailleurs, les établissements de crédit ne peuvent plus prêter aussi largement qu’il y a un an.

Dans ce contexte, l’accès au marché devient moins facile : d’autant que le ralentissement de la hausse des prix s’accompagne d’une diminution du nombre des biens proposés à la vente. Cela est habituel en période de récession des marchés et Paris n’échappe pas à la règle. Cette évolution n’est pourtant pas récente. Et depuis la fin des années 1990, avec la remontée des prix, le marché parisien devient progressivement plus difficile d’accès à ces ménages aux revenus moyens.

Ainsi a-t-on l’habitude d’illustrer cela en disant que sur Paris, on compte de l’ordre de 45 % de primo accédants, contre 62 % en Ile-de-France et 73 % France entière. Ou encore que sur Paris il n’y a que 15 % d’acheteurs (très) modestes (un revenu inférieur au revenu médian de l’ensemble des ménages) contre 30 % France entière : mais, a contrario, 35 % des acheteurs rentrent dans la catégorie des ménages aisés (un revenu dans le décile de revenus supérieur de l’ensemble des ménages) contre de l’ordre de 20 % France entière. Mais n’oublions pas, par exemple, que le marché parisien ne représente que de l’ordre de 3 % du nombre des accédants, France entière.Et que Paris, en tant que capitale attire plus que d’autres villes.  

Au total, les revenus moyens représentent à peu près partout de l’ordre de 50 % des accédants.

L'ensemble des classes moyennes est-il touché de la même façon ?

Il faut bien voir que ce n’est pas forcément le niveau des revenus qui importe : sauf, bien sûr, pour les plus modestes qui n’ont pratiquement jamais pu acheter dans Paris.

C’est en revanche le niveau de l’apport personnel qui importe : que cet apport ait été constitué par de l’épargne préalable, par la revente d’un bien immobilier (par exemple des locataires investisseurs qui réalisent leur patrimoine) ou des aides de la famille.

Ainsi, les primo accédants disposent sur Paris d’un revenu moyen de l’ordre de 55 000 €, contre 45 000 € en Ile-de-France et 40 000 € France entière. Et cet écart est à l’image des différences territoriales de revenus que l’Insee a récemment rappelées : il n’est pas spécifique aux seuls acheteurs d’immobilier. En revanche, leur apport personnel est de  90 000 €, contre 45 000 € en Ile-de-France et 30 000 € France entière. Là est toute la différence ! Pourtant, avec cela, ils ne peuvent acheter que 45 m² en moyenne, contre 65 m² en Ile-de-France et 85 m² France entière.

Si les acheteurs parisiens envisagent d’acheter plus spacieux, il leur faut un apport personnel plus élevé. Par exemple, les seconds accédants qui acquièrent sur Paris 85 m² en moyenne (90 m² en Ile-de-France et 95 m² France entière) disposent d’un apport de 240 000 €, en moyenne. Ils ont revendu leur précédente résidence principale : c’est le prix du ticket d’entrée sur le marché parisien.   

La situation est-elle semblable dans le reste de la France ?

Cette logique de marché se retrouve partout en France. D’ailleurs, lorsqu’on compare les prix des logements acquis aux revenus des accédants, on vérifie que si des différences apparaissent, elles s’expliquent par les montants des apports personnels mobilisés. Dit autrement, et cela est compréhensible, partout les contraintes de remboursement des crédits limitent la taille du projet immobilier réalisé.  

Toutes les villes, grandes ou moyennes, ont en outre leurs quartiers très recherchés, leur triangle d’or. Ceux qui y achètent disposent d’un apport personnel discriminant, qui leur permet éventuellement de surenchérir et de réaliser le projet qu’il espérait.

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