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"Le redoutable" : Chapeau, Monsieur Hazanavicius !
©Reuters

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Arriver à faire un film aussi drôle qu'intelligent sur Jean-Luc Godard, cinéaste culte de la Nouvelle Vague mais pas souvent "rigolo", c'est ce que vient de réussir Michel Hazanavicius. Le moins qu'on puisse dire est que le réalisateur de "The Artist" est l'homme des grands défis.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CINEMA

« LE REDOUTABLE »  

de MICHEL HAZANAVICIUS

avec LOUIS GARREL, STACY MARTIN, BÉRÉNICE BEJO, etc…

RECOMMANDATION : EXCELLENT

THÈME

Paris 1967. Jean-Luc Godard, le cinéaste le plus adulé de sa génération, tourne « La Chinoise » avec une jeune actrice de  seize ans sa cadette, Anne Wiazemsky. Education, idées, tout devrait  séparer le réalisateur et son interprète, mais leurs différences les fascinent et ils s’aiment, au point de s’épouser.

C’est à l’histoire du délitement du couple de ces deux-là  que Michel Hazanavicius va nous faire assister. On va voir comment Godard, par peur de rater le train de la modernité et aussi par souci de se remettre fondamentalement en question  pour se réinventer, va s’enfoncer dans la révolution de mai 68, jusqu’à devenir sourd à tout et à tout le monde, ses amis et, surtout sa jeune femme.

Du cinéaste star et vénéré qu’il était, le réalisateur suisse va assez vite se transformer en maoïste aigri, odieux, jaloux et hors système, ce qui aura entre autres conséquences de faire capoter son mariage et de le couper d’une bonne partie du monde du cinéma.

POINTS FORTS

 1 D’abord, le ton si blagueur et si irrévérencieux de ce film, qui est tout sauf un biopic compassé du cinéaste culte de la Nouvelle Vague. Inspiré par deux livres souvenirs écrits par Anne Wiazemsky -cf chroniques Culture-Tops-, il s’agit ici d’un (anti) portrait libre, joyeux, et même iconoclaste, d’un créateur sur lequel on avait jusqu’à présent peu osé plaisanter. Au vu du « sujet », on ne s’attendait pas à rire. Divine surprise, on se trouve face à une comédie réjouissante, et même par moments, désopilante, parce que son principal « protagoniste », aussi myope que naïf  en certains domaines,  est souvent, consciemment ou involontairement, d’une irrésistible loufoquerie. Catalogué aujourd’hui « intello-chiant » par ses  nombreux contempteurs,  on avait fini par oublier, que, jeune, Godard fut aussi brillant que drôle, aussi lunaire qu’intello (ce qui va souvent de  pair). Un vrai personnage de film burlesque !

2 La forme, ou plutôt, les formes du film. Le cinéaste Michel Hazanavicius s’en donne à cœur joie dans le mélange des styles et des couleurs. Bien sûr, on est dans un film des  sixties, mais y abondent les ruptures de tons, visuelles, comme narratives. On passe notamment de séquences intimes à des scènes, très amples (dont celles, effervescentes, des manifestations de mai 68). Au final, cela donne un film où on ne s’ennuie pas un quart de seconde.

3 Le sujet même de ce « Redoutable ». Au delà du portrait si fantaisiste d’un créateur et de son époque, c’est l’analyse du désamour entre un homme et une femme qui se ratèrent, pour ne pas avoir su monter, ensemble, sur une des marches importantes de l’Histoire de France, mai 68.

4 De Bérénice Béjo à Grégory Gadebois, toute la distribution est parfaite. Mais surtout, en haut de l’affiche, il y a la jeune Stacy Martin, qui campe avec une incroyable candeur, la jeune Anne Wiazemsky. Et  il y a surtout, Louis Garrel. Front dégarni, nez chaussé d’énormes lunettes et cheveu sur la langue, le comédien  est un exceptionnel et irrésistible Jean-Luc Godard. Qui ne sera pas allé  le voir jouer, ici, cet intello donneur de leçons, brillant mais maladroit et zozotant, se privera d’un grand moment d’art dramatique!

POINTS FAIBLES

A dire vrai, à moins d’avoir déifié l’icône Godard au point de ne pas pouvoir supporter qu’on en fasse un personnage de comédie, il n’y a pas de point faible.

EN DEUX MOTS

Oser prendre un cinéaste intello mythique et arriver, en le pastichant, à en faire un  personnage de comédie burlesque, sans pour autant le trahir, ni dans ses idées, ni dans ses engagements, ni dans sa sincérité… Pour y arriver, il fallait d’abord du culot et ensuite un sacré talent. Mais à un réalisateur qui a eu le toupet, en ce début du XXI ème siècle, de proposer puis de réussir un film muet en noir et blanc, en l’occurrence « The Artist », rien ne peut plus paraître impossible. Michel Hazanavicius a gagné son  challenge. « Le Redoutable » est un grand film « populaire », mais à la manière dont Antoine Vitez concevait le théâtre, « élitaire pour tous ». Sélectionné pour la compétition du festival de Cannes, « Le Redoutable » en était reparti bredouille. S‘il y a une justice, cela ne devrait pas nuire à  sa carrière en salles.    

UN EXTRAIT

« Godard a toujours été drôle : il se prend les pieds dans le tapis, il casse ses lunettes, il bafouille… Il a un côté Buster Keaton.. Mais au delà de cela, plus un homme est respecté, plus il est facile de le décaler et de le rendre comique » (Michel Hazanavicius, réalisateur).

LE RÉALISATEUR

Né à Paris le 29 mars 1967, Michel Hazanavicius est un des plus fins connaisseurs de la « machine » cinéma, puisqu’il est à la fois réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur.

C’est sur le petit écran qu’en 1988, il a commencé à faire ses gammes, en travaillant comme scénariste de sketches pour Canal+. Il passe assez vite à la réalisation de spots publicitaires, mais c’est à seulement  30 ans qu’il s’attaque au cinéma, avec, en 1997, la réalisation d’un premier court métrage « Echec au Capital », puis à celle d’un premier long, « Mes amis », une satire de la production télévisuelle française dans laquelle il dirige son frère Serge. L’échec de ce film lui vaut une quasi traversée du désert pendant laquelle il écrit (pour d’autres) et fonde une société de production. C’est en 2006 qu’arrive enfin la notoriété. Porté par Jean Dujardin, son OS S117 : « le Caire, nid d’espions » récolte plus de deux millions d’entrées. Réalisé dans la même veine, avec le même acteur dans le rôle-titre, son OSS 117 : « Rio ne répond plus », totalisera aussi, en 2009, plus de deux millions d’entrées.

En 2010, il tente un pari fou : tourner un film muet en noir et blanc. Sorti après un financement difficile, « The Artist » se solde par un triomphe public et critique. Il rafle de nombreuses récompenses dont, notamment aux Etats-Unis, l’Oscar  du meilleur réalisateur, et, en France, le César de la même catégorie.

En 2014, et malgré une sélection dans la compétition cannoise, «The Search » essuiera pourtant un échec cuisant.

Trois ans après, voici donc sur les écrans, « Le Redoutable », pour lequel à travers  ce portrait décalé, hilarant et en même temps respectueux de Jean-Luc Godard, le cinéaste renoue avec la veine comique.

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