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Le jour où François Hollande a jeté l'éponge et a ainsi "ébranlé" Emmanuel Macron
©AFP

Bonnes feuilles

"Je connaissais Emmanuel Macron avant qu'il ne se décide à se lancer dans l'aventure d'une campagne présidentielle. Et quand il m'a exprimé son ambition d'accéder à l'Élysée, j'ai fait comme tout le monde : je n'y ai pas cru. Pourtant, au fil des mois, au plus près de lui, de son épouse Brigitte et de son cercle rapproché, sur les routes de France comme dans l'intimité des tête-à-tête, j'ai vu cet impossible devenir un improbable, l'improbable devenir plausible, le plausible se transformer en une réalité". Extrait de "Un personnage de roman" de Philippe Besson, aux Editions Julliard (1/2).

Philippe Besson

Philippe Besson

Philippe Besson est né le 29 janvier 1967. Depuis En l'absence des hommes, son premier roman, couronné par le Prix Emmanuel-Roblès et vendu, toutes éditions confondues, à 80 000 exemplaires, Philippe Besson construit une œuvre d'une cohérence remarquable, au style à la fois sobre et raffiné devenu sa marque singulière. Auteur, entre autres, de L'Arrière-saison (Grand Prix RTL-Lire), Un garçon d'Italie, et La Maison Atlantique, il est devenu un des écrivains incontournables de sa génération. Ses romans sont traduits dans dix-neuf langues.

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Et puis survient un coup de tonnerre, en direct à la télévision, à 20 heures, le 1er décembre : François Hollande annonce qu’il renonce à se présenter à la présidentielle. Je retrouve Emmanuel M. une demi-heure plus tard. Son regard est vitreux. L’homme est ébranlé. Je comprends très vite que sa réaction n’est pas politique, il ne se demande pas encore s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle pour lui-même, si elle lui ouvre un espace supplémentaire ou si, au contraire, l’entrée imminente dans la compétition de Manuel Valls le prive d’un peu d’oxygène. Non, sa réaction est affective. Il pense à l’homme qui renonce, celui qu’il connaît si bien pour l’avoir fréquenté au plus près pendant quatre ans. Il salue sa dignité, sa lucidité, son courage mais devine, mieux que d’autres peut-être, sa blessure intime, la mortification née d’une telle abdication. Il dit : « J’ai entendu la voix chevrotante, j’ai senti combien ça lui coûtait. » Il ne s’épanche pas sur le sujet. Il précise simplement qu’il va reparler au président, que c’est « possible désormais ». Il semble espérer et redouter tout à la fois leur conversation. Je gage qu’il n’en révélera rien. Mais j’ai la confirmation que sous l’armure, se dissimule, formulons-le ainsi, un sentimental. (Plus tard, Hollande confiera, paraît-il, que la candidature d’Emmanuel M. a été pour lui « le coup de poignard de trop ». De là, vient, également, l’émotion )?

Brigitte, elle aussi, paraît décontenancée. Mais plus spécifiquement par le trouble de son mari. Elle sait que s’est joué entre lui et le président quelque chose qui n’appartient qu’à eux deux. Elle en est encore exclue, en ce soir du 1 er décembre. Voici donc qu’en l’espace de dix jours, dix jours seulement, trois piliers de la vie politique des trente dernières années ont été poussés vers la sortie : Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Hollande. Ce mini-séisme inspire deux commentaires : est-ce à dire que le puissant désir de renouvellement est en train de tout emporter sur son passage ? et, décidément, rien ne se passera comme prévu, dans cette campagne. Au lendemain de l’annonce, Brigitte, au téléphone, fait le point, avec sa franchise habituelle : « Maintenant : Valls. Lui, il me fait peur. » Je devine que sa peur n’est pas seulement électorale. Et d’ailleurs, dans une campagne, jusqu’où la violence peut-elle monter ? Jusqu’où l’intimidation peut-elle se manifester ? Existe-t-il des cabinets noirs, chargés de distiller des rumeurs, de livrer aux journaux les vilains petits secrets des concurrents ? Existe-t-il des hommes de main, chargés des basses besognes ? Je veux croire que tout cela relève du fantasme. Cependant, un doute subsiste. La peur de Brigitte M., malgré elle, entretient ce doute. La violence, justement ; la violence et ses mots : de très nombreux commentateurs attribuent au Premier ministre la responsabilité du retrait du président et parlent de meurtre symbolique. Emmanuel M., qu’on caricature encore en Brutus, en profite pour refiler à l’accusé le mistigri de la trahison. Pour dépeindre Valls (qui se déclarera candidat le lendemain), il emploie une image terrible : «un tireur couché ». Redoutable d’efficacité.

Extrait de "Un personnage de roman" de Philippe Besson, aux Editions Julliard

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