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"Fainéants" : la faute de com' qui pourrait faire basculer les indécis ou les Français en retrait dans l'opposition à la loi Travail
©PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Contre-temps

Emmanuel Macron est-il en train de s'aliéner une partie des Français qui auraient pu laisser passer la loi travail mais que sa manière de disqualifier ses adversaires insupporte ?

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan

Erwan Lestrohan est directeur d'études à l'Institut BVA.

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Atlantico : Les premiers mouvements sociaux d'opposition à la loi travail auront lieu ce 12 septembre, pour un projet qui semble déjà être rejeté par une majorité des Français. Au delà du fond, dans quelle mesure cette opposition peut elle également découler du ton "cassant" d'Emmanuel Macron, entre les déclarations relatives à une France qui ne peut être réformée, sur les "fainéants, les cyniques, et les extrêmes". En quoi cette stratégie qui vise à forcer les Français à choisir leur "camp" peut elle provoquer un rejet de la part d'électeurs qui auraient pu soutenir le projet sur le fond ? 

Erwan Lestrohan : Il est aujourd’hui encore un peu tôt pour anticiper un éventuel impact de l’attitude d’Emmanuel Macron sur la contestation. L’indicateur clé de l’hostilité à l’égard du projet sera en priorité l’ampleur de la mobilisation ainsi que sa durée. Si la communication présidentielle peut avoir un impact, c’est avant tout car la capacité  du Président à entendre les réserves de ses détracteurs pourra maintenir, ou non, le dialogue et éviter toute forme d’enlisement susceptible de créer des ruptures. Durant le quinquennat de François Hollande, certains débats ont généré des « divorces » entre certaines franges de l’électorat et le chef de l’Etat. Ce fut le cas de l’épisode du Mariage pour tous qui a acté une hostilité à l’égard du Président dans un large pan de l’électorat de droite mais aussi du débat sur la déchéance de la nationalité, quasi-concomitamment avec la réforme du code du travail qui a achevé la cassure avec les Français se situant politiquement à la gauche du Parti socialiste.

Le rejet relatif à la Loi El Khomri est survenu après 4 années de présidence Hollande, largement contestée. Alors qu'Emmanuel Macron ne souffrait pas de ce "rejet à priori" qui pouvait toucher François Hollande, et en considérant qu'Emmanuel Macron a bien été élu pour réaliser ce programme, comment comparer que les deux situations ? 

Les deux situations sont comparables dans la mesure où ces deux réformes d’ampleur poursuivent la finalité de donner plus de flexibilité au marché du travail. Cette évolution dispose d’un soutien de l’opinion à priori : dans un sondage antérieur à la loi El Khomri, en février 2016, 78% des Français jugeaient important de réformer le code du Travail. En revanche, là où la contestation trouve sa source, pour les deux réformes présidentielles, c’est que les Français, s’ils anticipent bien les bénéfices potentiels des changements envisagés pour les entreprises, doutent que ces évolutions permettront d’améliorer leur situation personnelle. Dans un sondage BVA pour La Tribune de février 2017, 71% des Français estimaient que le programme économique d’Emmanuel Macron ne permettrait pas de protéger davantage les salariés.

Pour poursuivre la comparaison, il faut aussi avoir en tête qu’il existe une différence de forme notable entre les deux contextes projets. En 2016, la loi El Khomri a été adoptée via le recours au 49.3, ce qui a été considéré comme un « passage en force » voire un « déni de démocratie » face à la contestation populaire et a fini d’acter la rupture entre le couple exécutif et une part de la population. Dans le cadre actuel, si les ordonnances ne supposent pas d’aller-retour législatif, elles impliquent tout de même un vote, ce qui rend la méthode d’adoption potentiellement différente dans l’esprit des Français et pourrait renforcer l’acceptabilité du crû 2017.

Au travers des diiférents épisodes de cette rentrée, du général de Villiers aux "fainéants", la personnalité d'Emmanuel Macron est elle en train de créer un effet de rupture avec les Français ? 

A moins de 6 mois de l’élection présidentielle, une rupture définitive est peu envisageable. En revanche, la baisse de la popularité d’Emmanuel Macron est manifeste dans les sondages. A 43% de « bonnes opinions » en août 2017 dans le baromètre BVA pour Orange et La Tribune, sa cote de popularité se situe 11 points en deçà son niveau de juillet et la part de Français le soutenant est donc désormais minoritaire. Pour autant, plus qu’une rupture, ce résultat marque une certaine impatience des Français à l’égard d’un projet présidentiel qui a suscité beaucoup d’attentes...tout comme il reflète les équilibres électoraux constatés lors du premier tour de l’élection présidentielle où les suffrages des Français se sont concentrés autour de 4 blocs de façon quasi-équivalente : le bloc de gauche (PS / France insoumise), le bloc En Marche, le bloc Les Républicains et le bloc Front national. Cette quadri-polarisation indique l’ampleur de la tâche  d’Emmanuel Macron pour rassembler au-delà de sa base « acquise » des soutiens lors du premier tour. Si son attitude et sa communication peuvent constituer des entraves à ce rassemblement, il devra surtout donner des garanties d’empathie aux Français chez lesquels s’est instillé une certaine forme de doute. Par exemple, les premiers départs de ministres ont par exemple pu poser la question de l’effectivité du renouvellement de la vie politique, tout comme des mesures controversées comme la baisse des APL ou la fin des contrats aidés peinent à décoller d’Emmanuel Macron l’image d’un Président menant une politique plutôt favorable aux Français les plus favorisés.

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