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Automobile : un salon de Francfort à moitié vide, l’industrie mondiale fonce droit dans le mur, tétanisée par la prochaine crise qui s'annonce
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Atlantico Business

Entre les fraudes sur le diesel, la montée de l’électrique et l’arrogance des grands du digital qui veulent imposer leur modèle de voitures connectées, les constructeurs automobiles broient du noir.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les constructeurs automobiles mondiaux les plus avisés savent qu’à terme, ils vont dans le mur. Alors que la conjoncture mondiale n’a jamais été aussi florissante, les constructeurs n’ont jamais été aussi critiqués et soucieux d’un avenir qu’ils ont beaucoup de mal à visualiser et à préparer. Du coup, la plupart des grands constructeurs mondiaux, parmi lesquels des marques comme Nissan, Peugeot, Fiat et Volvo, ont décidé de bouder le plus grand salon du monde qui ouvre ses portes aujourd’hui à Francfort.

« Ce salon coûte trop cher » disent-ils... Le premier prétexte avancé ne tient pas. Quand l’horizon est clair et la route dégagée, tout le monde se précipite pour parler d’avenir et montrer les produits. Si les constructeurs sont cette année absents, c’est qu’ils n’y voient plus clair.

La vraie raison, c’est que les constructeurs sont déboussolés par les perspectives de leur industrie. Les carnets de commandes sont remplis pour les deux ans qui viennent, les trésoreries débordent de liquidités, mais les perspectives n’ont jamais été aussi floues. Résultat : beaucoup de plans d’investissement sont à l’état d’esquisse tant les stratégies sont brouillées. Quoi faire dans un monde qui a besoin de mobilité, qui s’est construit au cours du siècle dernier autour de l’automobile et qui voit surgir les freins et les obstacles structurels à ce développement. L’équation de l’industrie automobile a trois grandes inconnues majeures à élucider d’urgence.

1ère inconnue, l’avenir du diesel. Pendant plus de vingt ans, l’industrie automobile a trouvé dans le diesel la clef pour surmonter la raréfaction et le renchérissement des énergies pétrolières. Et c’est vrai que les constructeurs ont beaucoup investi pour mettre au point des moteurs qui consommaient 4 à 5 fois moins de carburant que les moteurs à essence. D’où un gain de productivité très avantageux pour le consommateur. D’autant que les Etats européens ont  fortement aidé la diffusion du diesel par des avantages fiscaux.

Jusqu’au jour où la pression montante des écologistes et la nécessité de protéger l‘environnement ont amené les administrations à vérifier si le diesel, bien que moins cher, n’était pas un agent beaucoup plus polluant. Les constructeurs automobiles ont revu leurs moteurs et donné toutes les assurances demandées. Ont-ils fraudé, en truquant les appareils à faire les tests antipollution ? Ont-ils truqué, ont-ils trompé les millions de consommateurs ? Nul ne le sait. Toujours est-il que l’ensemble de l’industrie européenne paraît compromise dans son image avec des risques d’amendes considérables et la certitude que le diesel est sans doute condamné à plus ou moins brève échéance.

Faudra-t-il revenir à l’essence pour autant ? Sans doute pas, car les approvisionnements d’essence sont limités et de plus en plus chers. Sans parler de la pollution dans les régions à forte densité. Par conséquent, les grandes villes, les pays émergents comme la Chine, songent très sérieusement à interdire la circulation automobile avec des moteurs thermiques, c’est à dire à essence. Le problème c’est que les solutions alternatives ne sont pas prêtes.

2ème inconnue, l’électrique. L’énergie électrique dont tout le monde parle et dans laquelle on voit une solution à tous les maux n‘est pas prête. Les constructeurs automobiles y travaillent certes d’arrache-pied, mais ils sont très loin d’avoir trouvé la solution.

La capacité de stockage, les batteries, sont encore trop faibles. Peu de batteries offrent une autonomie suffisante pour satisfaire les automobilistes. Le succès des Tesla est très symbolique. Le développement des Auto-lib ou des City cars est réservée à la grande ville et encore.

Enfin, les infrastructures de recharge en batteries sont inexistantes. Il faudrait que demain l’ensemble des immeubles soient équipés de prise électrique de recharge, et que les stations-services soient transformées. Ça n’est pas impossible.

Ce sera plus compliqué d’alimenter en courant électrique cette énorme consommation nouvelle. Quand on sait que la seule consommation des smartphones, des ordinateurs et de toute l’industrie digitale utilise en gros la production d’une centrale nucléaire, on n’ose pas imaginer ce que représenterait l’alimentation électrique des voitures en circulation.

3ème inconnue, le digital. Le développement de la connectivité bouleverse toute la chaine de valeur dans l’automobile. Actuellement, 40% de la valeur d’une automobile représente déjà l’ensemble des équipements informatiques. Demain, quand la voiture sera autonome et connectée, le système de connections représentera 70 à 80% de la valeur de l’automobile. La part revenant au constructeur sera des plus réduite avec le risque que les fournisseurs de logiciel prennent le pouvoir sur l’ensemble de la chaine.

C’est une des raisons pour laquelle les constructeurs mondiaux se sont engagés dans une course à la taille pour faire contrepoids aux fournisseurs du digital. On estime aujourd’hui qu’à moins de 10 millions de véhicules par an, un constructeur automobile pourra difficilement traiter avec les grands de la Silicon Valley.

Face à ces trois défis qui grossissent très vite, les constructeurs automobiles sont un peu perdus. Ils ont tous conscience qu’ils mangent actuellement leurs dernières tranches de pain blanc. Mais ils savent aussi que s’ils ne trouvent pas une solution stratégique cohérente, ils iront dans le mur.

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