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"En voulant protéger mais pas ficher, la gauche est schizophrène en matière de lutte contre l'insécurité"
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La campagne de retour

A peine abattu, Mohamed Merah laisse de nouveau la place aux échanges acides entre la gauche et la droite. La campagne présidentielle est bien de retour...

Bruno Beschizza

Bruno Beschizza

Bruno Beschizza est conseiller régional d'Île-de-France, élu en mars 2010 en Seine-Saint-Denis et Secrétaire National de l'UMP à l'emploi des forces de sécurité.

Avant 2010, il était commandant fonctionnel de Police, secrétaire général du syndicat Synergie-Officiers.

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Atlantico : Jean-Jacques Urvoas, le "Monsieur sécurité" du PS a publié ce tweet jeudi matin : "Le raid n'est donc pas capable en 30h d'aller chercher un individu seul dans un appartement ?". Il s'est par la suite excusé. Que pensez-vous de son tweet ?

Bruno Beschizza : Quand on regarde l’histoire du RAID, dans les années 1990, la dernière fois que l’on a cru qu’un forcené ne donnait plus de signes de vie, les policiers sont rentrés et ont perdu deux hommes.

Nous sommes dans une société où il serait judicieux de compartimenter les rôles. Bien sûr, les politiques ont un droit de regard pour améliorer lorsqu’il y a des soucis ou pour faire des propositions d’idée ou de textes législatifs. Mais lorsque l’on parle de technique, comme l’a fait Jean-Jacques Urvoas, peut-on s’exprimer à tort et à travers ? Moi-même qui aie 20 ans de police derrière moi je n’oserais pas. Tout simplement parce que nous n’avons pas les compétences spécifiques pour donner des leçons opérationnelles au Raid. Que le citoyen s’interroge, c’est légitime. Mais qu’un élu d’aussi haut rang habitué de ces questions joue ce jeu alors qu’on est encore en pleine enquête judiciaire, c’est inadmissible. Il sera toujours temps, après, de mettre en place une commission parlementaire.

Autre exemple affligeant : Eva Joly. Ancienne magistrat, qu’elle ose déclamer de manière sentencieuse qu’il y a des erreurs de procédures est incroyable. Elle oublie que, depuis le début de l’affaire, il y a un double pouvoir judiciaire sous la forme du procureur local et du procureur de Paris. A partir du moment où il y a un forcené, on est dans le cadre de l’ordre public. Dans ce cas, c’est le préfet qui est compétent. Et lorsque le ministre de l’Intérieur est physiquement présent sur place, il prend la direction des opérations. C’est le droit français !

Tous ces propos, ces petites rumeurs, sèment la confusion ! On en oublie que des policiers ont pris des risques pour intervenir et arrêter un criminel au prix de plusieurs blessés. Tout l’hommage qu’on leur rend, entre deux tweets, c’est des reproches sur les méthodes opérationnelles.

L’omniprésence de Claude Guéant sur place est-elle malgré tout judicieuse ?

Indispensable, non. Judicieuse, oui. Claude Guéant est présenté comme un super-ministre de l’Intérieur du fait de son expérience aussi bien comme préfet que comme directeur général de la police national. C’est un homme de terrain qui connaît son sujet et a parfaitement sa place au cœur de cette crise qui engage la responsabilité du ministre de l’Intérieur.

Dans la culture d’Eva Joly, on peut comprendre un tel point de vue. En tant que magistrat, elle est habituée à travailler depuis son bureau. Pour un préfet, pour un policier, pour un politique, l’approche est totalement différente : il doit avoir les deux pieds sur le terrain.

Ces échanges de bons mots, aussi bien de droite que de gauche, sonnent-ils la reprise des hostilités dans le cadre de la présidentielle ?

Exactement. C’est ce qu’a signalé Jean-François Copé mardi : alors que le président de la République était parfaitement dans son rôle de chef de l’Etat, d’autres candidats ont semé les coups aux micros des journalistes. François Bayrou, à la limite, a assumé ce jeu. François Hollande lui s’est permis quelques petites piques. Eva Joly s’est carrément permis de viser directement Nicolas Sarkozy.

Les propositions de Nicolas Sarkozy, le raid contre Mohammed Merah à peine terminées, ne sont-elles pas un peu précipitées ? Ces promesses sont-elles celles du chef de l’Etat ou du candidat à la présidentielle ?

Nicolas Sarkozy ne découvre pas le 22 mars le problème de l’anti-terrorisme en France. En tant que ministre de l’Intérieur puis en tant que président, il a mis en place de nombreuses structures au plus près de l’Elysée pour lutter contre cette menace. C’est lui qui a regroupé les efforts au sein de la DCRI.

C’est lui qui a ouvert les chantiers dans ce domaine avec deux axes principaux : une dynamique de neutralisation préventive et une dynamique de riposte lorsqu’il le faut. Si on se penche sur les risques de radicalisation religieuse au sein du milieu carcéral, de nombreux experts ont souvent tiré la sonnette d’alarme. Les autorités n’ont jamais fait la sourde oreille. Mais le milieu de l’anti-terrorisme est délicat : lorsqu’il y a un drame, tout le monde s’émeut, mais tant qu’il n’y a pas de drame, tout le monde s’offusque en accusant la DCRI de fliquer tous les Français. Il ne faut pas oublier que la lutte contre le terrorisme est par nature attentatoire aux libertés individuelles. On veut être protégés mais pas fichés, c’est totalement hypocrite. La gauche, notamment, est totalement schizophrène sur ces sujets.

Le bilan de Nicolas Sarkozy est-il malgré tout positif ? La présence d’un islam radical et prosélyte au sein du système carcéral français est une réalité qui ne date pas d’aujourd’hui et qui a été souvent évoquée.

Et nous avons souvent abordé le sujet au sein du ministère de l’Intérieur. Je fais partie de ceux qui ont évoqué la question auprès de Claude Guéant. Auparavant, il était interdit d’en parler. On ne peut pas dire que ce phénomène n’ait pas été traité mais parfois, il faut prendre le temps de préparer l’opinion publique pour faire passer certaines politiques qui peuvent passer pour attentatoires aux libertés.

La tuerie de Toulouse a-t-elle suffisamment préparé l’opinion publique ?

Je ne pense pas que le chef de l’Etat ait à l’esprit de vouloir profiter de la situation pour faire passer des mesures. Ce n’est pas le but. L’objectif est plutôt d’être toujours mieux préparé et plus lucide sur les réalités et les problèmes afin de pouvoir mettre en place des solutions.

C’est d’ailleurs là qu’est la différence avec le Front national : il s’agit de mettre le doigt sur un problème pour y chercher une solution, pas simplement de dénoncer un phénomène.

Sans ces attentats, il n’aurait pourtant jamais été envisageable, par exemple, d’évoquer une sanction pénale contre les internautes fréquentant des sites pratiquant l’apologie du terrorisme. N’y a-t-il pas là une forme de récupération ?

Effectivement, il y a deux semaines, on aurait dénoncé une telle proposition en parlant le président d’être un anti-musulman primaire. Pourtant, Nicolas Sarkozy n’a jamais fait d’amalgames.

Cette sévérité est valable dans tous les domaines. La pédophilie révulse l’opinion publique au plus haut point. Lorsque l’on a décidé de pénaliser la fréquentation de sites pédophiles, il y a pourtant toujours eu une littérature libertaire pour défendre l’idée qu’une telle mesure était une infraction aux libertés individuelles. C’est la preuve que parfois, il faut voir noir pour voir clair : il y a des cas où, pour être lucide, il faut être face au problème.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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