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Trisomie 21 : comment les progrès de la génétique ont amené à un eugénisme perturbant en Islande
©Reuters

Meilleur des mondes

En Islande, les techniques prénatales de sélection a pris un tournant assez radical et généralisé. Ce qui fait poser la question de l'eugénisme.

Pierre Le Coz

Pierre Le Coz

Pierre Le Coz est Professeur des Universités en philosophie, et docteur en sciences de la vie et de la santé. Il a été vice-président du Comité National d'Ethique jusqu'en 2012.

Ses recherches portent, entre autres, sur la biomédecine, la bio-éthique et le principe de précaution.

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Atlantico : En Islande, 85% des femmes utilisent des tests prénataux pour se prévenir de la naissance d'enfants handicapés. Seulement un ou deux enfants atteints du syndrome de Down ont vu le jour chaque année cette dernière décennie. Peut-on parler de société eugéniste quand on parle de la société islandaise ?

Pierre Le Coz : Il s'agit d'un eugénisme libéral, démocratique, compassionnel qu'il ne faut pas confondre avec un eugénisme historique, idéologique. Ce n'est pas un eugénisme coercitif. Il y a une adhésion du peuple à ce type de techniques. Mais effectivement si on s'en tient à la signification du terme, c'est-à-dire la sélection des êtres humains, on peut considérer que c'est une forme d'eugénisme en effet.

Les états marqués par le protestantisme, de l'Europe du Nord, ont été plus sensibilisé à la dimension naturelle de l'homme quand elle est axée sur l'innée, les gènes. Contrairement à la France où ce genre de courants a toujours été contesté par les autorités catholiques. C'est ce qui fait qu'il n'y a jamais eu de politique eugénique en France, alors qu'il y en a eu beaucoup dans des pays marqués par le calvinisme, l'éthique protestante, le puritanisme qui inscrit le mal dans la nature humaine et demande une purification.

La France est-elle aussi équipée et aussi habituée à ce genre de pratiques ?

On n'est pas si éloigné que cela de la situation islandaise. Il est vrai que l'Islande a une histoire propre et qu'il s'agit d'un pays de petite dimension. Pour un pays comme la France gros de dizaines de millions d'habitants, ce genre de dispositif est généralement matériellement beaucoup plus improbable. Et il y a plus de controverses, de débats contradictoires en France sur l'opportunité de recourir à ces techniques quand on a l'impression qu'en Islande, il n'y a pas l'air d'avoir de désaccord mais au contraire un consensus fort.

Quelles sont les barrières aujourd'hui en termes d'éthique ? Comment ne pas en arriver à une sélection sur le QI (ce qui est d'une façon déjà le cas quand on avorte tous les trisomiques) ou sur la couleur des yeux ?

C'est une question presque d'ordre métaphysique. Il y a des raisons qui font que l'on peut préférer ne pas être plutôt qu'être. Avoir des yeux bleus, être blond ou brun n'a pas d'incidence réelle sur cette préférence. Ce n'est pas un motif de renoncer à exister. En revanche, si on imagine un fœtus dans le ventre de sa mère, on peut imaginer aussi certaines raisons qui pourraient le pousser à ne pas vouloir venir au monde. Particulièrement s'il est atteint d'une maladie qui entrainera des souffrances permanentes, pour soi ou ses proches. On peut ne pas vouloir venir au monde pour ne pas être accablé de souffrances corporelles constantes. Ou si on est atteint d'un handicap intellectuel qui empêcherait un épanouissement. En général, quand on demande à quelqu'un s'il aimerait venir au monde en étant handicapé ou déficient intellectuel, personne ne dit oui. Il y a un besoin de pouvoir s'épanouir. La troisième raison est qu'on ne veut pas venir au monde si on n'est pas désiré par nos parents. C'est un handicap affectif lourd.

Voilà pour moi les critères qui légitime un avortement et potentiellement un avortement eugénique. Les autres raisons ne sont pas justifiées selon moi. 

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