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« Une source d’incertitude » : les mots magiques de Mario Draghi à propos de la « volatilité de l’euro » pour continuer sa politique monétaire accommodante
©DANIEL ROLAND / AFP

Euro

Dans son discours du 7 septembre, Mario Draghi revient sur le second semestre de 2017 dans la zone euro. Avec une croissance en légère hausse et une inflation en baisse, il reste cependant méfiant.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Plus de croissance et moins d’inflation, donc on continue : voilà le message de Mario Draghi, ce 7 septembre à Francfort. Plus de croissance, avec un deuxième trimestre 2017 à +0,6% contre un premier à +0,5%, avec une croissance prévue à 2,2% en 2017 pour la zone euro, puis à 1,8 % en 2018 et à 1,7% en 2019, soit un peu plus que dans les prévisions de juin. En même temps, l’inflation serait à 1,5% en 2017, puis à 1,2% en 2018 et à 1,5% en 2018, soit moins que prévu en juin. Plus de croissance, répandue dans tous les pays – c’est bien, mais beaucoup moins d’inflation – c’est là un vrai problème. Comment gérer cette contradiction et poursuivre la politique monétaire ? 

« Donc on continue », à cause de l’euro qui doit être « surveillé » comme « une source d’incertitude » (The recent volatility in the exchange rate represents a source of uncertainty which requires monitoring). On se demandait comment Mario Draghi allait résoudre cette nouvelle équation, plus de croissance mais moins d’inflation. Il met en avant la récente et surtout brutale appréciation de l’euro. Elle percute son objectif unique, l’inflation proche de 2% à moyen terme, sachant qu’il a déjà beaucoup acheté de bons du trésor des pays de la zone euro, asséchant presque le marché de la dette allemande. Les questions portent donc dans la conférence de presse sur la logique qui sera suivie et ses modalités. La logique sera : la même ! Acheter des bons du trésor pour faire baisser les taux publics, taux qui feront baisser les taux bancaires, taux bancaires qui pousseront les entreprises et les ménages à s’endetter, et ainsi de suite. Alors les entreprises investiront plus, les ménages se logeront et s’équiperont, les entreprises embaucheront, le chômage baissera, les salaires monteront, puis l’inflation. C’est la logique suivie depuis le début, mais elle n’est pas mécanique. De moins en moins même. En effet, le poids de la crise est partout présent, avec un taux de chômage élevé (9,1% en zone euro). Le slack, l’excédent de main-d’œuvre est ainsi très fort, et l’exemple américain montre qu’un « plein emploi » avec un taux de chômage à 4,4% ne fait même pas monter les salaires et l’inflation. Mario Draghi aura-t-il assez de temps et de munitions, autrement dit de bons du trésor allemand à acheter ? Il doit en effet trouver six milliards d’euros par mois (10% des 60 milliards d’euros qu’il achète en fonction de la part du capital de la Banque centrale allemande dans la BCE), le tout dans un pays en excédent budgétaire !

Continuer, de combien et comment ? « Confiance, patience et persévérance » : Mario Draghi a martelé ces trois mots. Le dualisme du marché du travail est en fait l’ennemi, dit-il. Interrogé sur la politique d’Emmanuel Macron, Mario Draghi répond que, pour lui, le dualisme du marché du travail entre « emplois protégés » et « emplois précaires » est le vrai problème européen. Il indique ainsi que, dans la crise, les emplois protégés ont « tenu », faisant monter le chômage des autres emplois. Puis des emplois précaires ont été mis en place pour réduire cette montée du chômage. Puis ces emplois précaires (« aidés » ?) n’ont pas « tenu » dans la reprise en cours. La question, pour lui, est donc celle du dualisme à résorber (les Ordonnances ?). 

Mais rien ne sera rapide en zone euro, même si l’objectif unique de la BCE, l’inflation à 2%, car elle devrait être atteinte en 2019. Aux Etats-Unis en effet, il s’agit d’atteindre à la fois plein-emploi et 2% d’inflation. Ce double mandat permet de la souplesse. Il a expliqué la chute rapide, puis la lente remontée des taux d’intérêt, face à la montée du taux de chômage américain. Le chômage était alors la priorité. Avec la reprise, depuis mi-2009, l’emploi s’améliore. Et pourtant, dans un pays où le marché du travail est bien plus fluide, le lien emploi-salaire-inflation, la courbe de Phillips, ne réagit plus comme avant. Le poids de la crise, la globalisation, les nouvelles technologies pèsent. Il faudrait donc attendre encore aux Etats-Unis pour avoir plus d’inflation. En revanche, la politique de lutte contre l’immigration de Donald Trump (inflation salariale), plus la baisse du dollar (inflation importée), devraient la faire venir plus tôt ! Le secret espoir de Mario Draghi ?

L’euro fort est donc une source d’incertitude économique et politique en zone euro. Economique, car l’euro dépend structurellement de deux marchés du travail : dual en zone euro, flexible aux Etats-Unis. Mais les réformes prendront des années en zone euro (en France ?).

L’incertitude politique liée à l’euro est alors majeure, et tactique. Mario Draghi gagne du temps : il doit annoncer ses mesures en octobre et se garde des marges de manœuvre. Il veut continuer. Le triplet euro fort - inflation faible – chômage élevé est le pire pour lui. Il doit donc prolonger sa politique monétaire autant que possible et attendre que l’inflation remonte aux Etats-Unis. C’est alors que la politique de Donald Trump l’aidera, en faisant remonter l’inflation, les taux et le dollar ! 

Mario Draghi change son calendrier en fonction du dollar en répétant toujours que « le taux de change de l’euro n’est pas son objectif ». Bien sûr, ce qui ne veut pas dire qu’il n’intègre pas sa valeur future, en fonction des Etats-Unis. La « source d’incertitude » dont parle Mario Draghi avec l’euro fort est donc une façon de gagner du temps, la seule, avant que Trump ne récolte l’inflation qu’il a semée ! Si ce jeu de Mario Draghi gagne, la zone euro aura un peu plus de temps pour réformer son marché du travail.

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