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Comment la libération des services à la personne pourrait conduire à la création de 200 000 emplois en France
©Reuters

Victoire pour l'emploi

Selon le bureau d’étude Oliver Wyman, au moins 200 000 emplois supplémentaires pourraient être très rapidement créés si les ménages ne supportaient pas le décalage de trésorerie entre la dépense et l’économie d’impôt.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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3 millions : plus d’un salarié sur dix travaille en France pour offrir des services aux ménages, directement ou en passant par une entreprise ou une association spécialisée, et on n’en parle pas. Et pourtant, dans son interview au Point, Emmanuel Macron note : « Enfin (quatrième fonction économique), il faut reconnaître dans le champ productif les activités d’aide et d’entraide, essentielles dans une société où les liens se distendent ». Ce chiffre est de fait très important, à comparer aux 25 millions de personnes qui travaillent dans les entreprises et ont des liens moins directs avec le consommateur final. 3 millions de salariés travaillent ainsi pour s’occuper des personnes âgées, faire le ménage, s’occuper de personnes handicapées, garder les enfants ou encore faire des cours à domicile, plus d’autres activités (on en compte 26 au total). Mais ce chiffre pourrait être fortement et rapidement augmenté au vu des besoins à satisfaire, notamment auprès d’une population vieillissante. Ainsi, selon le bureau d’étude Oliver Wyman, au moins 200 000 emplois supplémentaires pourraient être très rapidement créés si les ménages ne supportaient pas le décalage de trésorerie entre la dépense et l’économie d’impôt. Pourquoi ce supplément d’emploi est-il si rapide ?

D’abord, il y a une différence de fond entre les 3 millions d’emplois liés aux personnes et les 25 liés aux entreprises. Les premiers sont immédiatement dépendants des prix, puisqu’ils sont payés sur le revenucourant des ménages, les autres sont dépendants du profit général de l’entreprise, avec toujours un décalage plus ou moins important. Ce décalage entre profit et emploi est fonction des résultats actuels et surtout futurs de l’entreprise, donc du moral et de la conjoncture. Il dépend des anticipations de croissance et de rentabilité que forment les dirigeants, en liaison avec leur entreprise et la situation générale. Ilprend en général plusieurs trimestres entre amélioration et embauches, en recourant aux heures supplémentaires, à la sous-traitance, aux importations et aux intérimaires, avant d’être sûr de l’amélioration.A l’inverse, le décalage est quasiment nul pour les services à la personne : la baisse des prix, en liaison avec la fiscalité,a augmenté immédiatement la demande. Et symétriquement sur quatre ans en France, la hausse de 20% du coût horaire dans le secteur a ainsi malheureusement impliqué une baisse de 15% de l’activité déclarée.

« Déclarée » est ici le qualificatif essentiel, car l’emploi n’a évidemment pas disparu : il est passé dans le noir ou le gris, avec la sous déclaration partielle. Cette dernière permet de bénéficier un peu à la retraite (de l’employé) et surtout de l’assurance (pour les deux). Dans les deux cas, la hausse de la fiscalité est ainsi très négative, faisant disparaître la base fiscale et affaiblissant les entreprises qui ne peuvent offrir plus d’heures, mais aussi de formation (avec des gains de qualité à la clef) et de carrière. C’est bien pourquoi les services à la personne sont relativement peu développés en France par rapport aux pays d’Europe du Nord notamment, parce qu’ils sont largement sous déclarés. Leur efficacité et leur qualité en pâtit d’autant, avec l’emploi que ces entreprises peuvent générer.On compte au total environ 1% du PIB pour la France, comme en Allemagne, contre 2% au Royaume-Uni et près de 3% aux Pays-Bas. Le crédit  d’impôt des Services à la personne a permis le développement d’un secteur, et a rapporté bien plus que la déduction fiscale de départ. Symétriquement, les réductions des déductions, autrement dit les hausses du prix net des heures, ont immédiatement fait baisser l’emploi officiel et les ressources fiscales, faisant apparaitre une perte nette ! C’est bien la baisse de l’impôt qui augmente l’impôt, et dans l’année ! Les preuves sont aveuglantes.

Ainsi, pour stimuler à très court terme la croissance et l’emploi, s’offre la possibilité d’avancer dans le temps la déduction fiscale et de rendre la baisse du prix immédiatement palpable. Par exemple, pour 200 euros de services, la personne pourrait payer directement 100 € et céderait sa créance fiscale de 100€. L’entreprise ou l’association céderait à son tour cette créance à un établissement financier dans le cadre d’un mécanisme très classique. L’Etat paierait alors à son terme la créance à l’établissement financier. Un système similaire existe déjà en Suède, créant de l’emploi déclaré, renforçant le secteur des services à la personne et suscitant des gains nets pour le secteur public.

Pour la France, une simulation du Cabinet Oliver Wyman donne autour de 200 millions d’heures nouvelles de travail, une baisse d’un tiers du travail « informel », un gain de l’ordre d’un milliard du budget. Ce gain vient de la différence entre les augmentations des déductions (1,5 milliard supplémentaire à la charge du budget) d’un côté et l’augmentation des cotisations sociales(plus de salariés) et la baisse des allocations chômage et RSA de l’autre (moins de chômeurs et de RSA). Ceci pourrait créer 200 000 emploi à court terme, avec en sus l’effet sur la TVA et plus encore le moral des ménages que l’on imagine. Ce dispositif ne pèse donc en rien sur les finances publiques, au contraire.

Dans une situation économique et sociale compliquée comme celle que nous vivons, où l’amélioration économique amène un mieux récent sur l’emploi (mais encore timide), avec les Ordonnances en cours de mise en place, pourquoi donc ne pas réfléchir à lancer, à côté, une victoire rapide ? Comme en Suède ?Le système pourrait être opérationnel très vite. Pourquoi attendre ? C’est une question d’imagination et d’audace. 

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