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Profil type des djihadistes français : cette autre caractéristique qu’on oublie vite tant elle dérange
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Parmi les profils type des djihadistes français, on remarque l'importance très nette des familles monoparentales et de l'absence du père.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Une note adressée par l’unité de coordination de la lutte antiterroriste aux prefets dresse les profils type de 265 djihadistes morts pour l'Etat islamique. Des caractéristiques intéressantes ressortent, à commencer par l'importance très nette des familles monoparentales et de l'absence du père. En quoi cela éclaire-t-il selon vous la compréhension du djihadisme ?

François-Bernard Huyghe : Avant de répondre à cette question, une petite remarque préalable : une corrélation n'est pas une causalité. Nous parlons bien d'un échantillon de personnes qui ont réussi à aller jusqu'en Syrie ou en Irak et donc ne seraient pas nécessairement représentatifs de ceux qui feraient des attentats en France. Cela vaut pour les familles monoparentales. Il faudrait procéder à une étude sociologique pour cela. Mais si on veut un début d'explication est que dans une famille monoparentale on a moins de figures de l'autorité, paternelle, à laquelle on peut s'identifier. Car la plupart du temps, il semble qu'il s'agisse de famille où le seul parent est la mère. Ces familles sont des familles peu conformes à l'idéal de l'Islam ou peu à même de permettre la transmission de l'Islam traditionnel. Ce qui ne m'étonne pas du tout dans la mesure où l'on a vu souvent des cas de born again. C'est-à-dire soit des musulmans qui n'étaient pas du tout, même si ce sont les cas les plus rares, et pour qui l'Islam radical offre une sorte d'utopie avec un chef, une téléologie, une exaltation, ou bien des profils tel Mohammed Merah qui étaient passés déjà par la prison, qui étaient déjà violents (et pour qui la prison a encouragé cette radicalisation). On entend souvent alors que ces cas buvaient de l'alcool, sortaient avec des filles, etc. Soit par un retour de conscience religieuse soit par l'épuisement de toutes les joies "nietzschéennes" veulent la mettre au service de la plus grande quête possible, celle de la conquête de la terre au nom de Dieu et du salut des âmes. 

C'est ainsi que je vois ce mécanisme psychologique : il y a un côté conversion qui fait passer à l'extrême. Le rôle familial est important, et la responsabilité des familles existe.

Mohamed Lahouaiej Bouhlel, auteur de l'attaque à Nice ou Omar Mateen celui d'Orlando ont été convaincus de relations homosexuelles, complètement à l'opposé du message traditionaliste porté par l'Etat islamique. Peut-on considérer que la frustration sexuelle explique une partie du surgissement agressif radical du djihadisme ?

Là encore, il faudrait vérifier les statistiques ! Sous cette réserve, on comprendrait que la sexualité de personnalités éprouvant un immense besoin de séduire, d'être admiré se retrouvent dans ces cas. L'homosexualité n'a jamais été irréconciliable avec une grande virilité au combat : on le sait depuis Sparte ! Le fait d'avoir commis le péché de chair avec des hommes ou des "salopes occidentales à jupe courte qui fument et boivent dans des boîtes" fait peut-être parti d'un mécanisme de rédemption. Se considérant comme de grands pécheurs, ils veulent soudain faire de grands actes pour gagner leur salut. On peut trouver plein de facteurs qui ont une part de vérité.

Pourquoi on ne parle donc que peu de ces caractéristiques plus individuelles et on privilégie la responsabilité sociale aujourd'hui ?

D'abord parce qu'on a tendance de façon générale à tout expliquer par l'imperfection de nos sociétés, le chômage, l'insécurité, l'ouverture à l'autre. En URSS, on expliquait d'ailleurs que si tout allait mal, c'est parce qu'on appliquait pas assez bien la doctrine de Karl Marx- et il n'y avait pas de blé dans les champs. Il y a une tendance médiatique à la sociologie qui fait que l'on va toujours trouver des explications misérabilistes liées aux insuffisances de la société etc. Il y a aussi le fait qu'en expliquant par une même cause tous les maux, on occulte ce qu'il y a de spécifique. Ce qu'il y a de spécifique c'est qu'il y a meurtre au nom d'un idéal, idéal qui est radical sur les questions de sexualité et de famille. Et qui n'est pas en rapport avec ce qu'ils vivent vraiment dans nos sociétés. 

C'est donc un problème de politiquement correct, qui pousse à dire qu'il n'y a pas de terrorisme en soi. On observe une répulsion devant la vérité. On accepte pas que des personnes pour sauver leurs âmes en viennent à commettre des attentats. 

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