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Collectif budgétaire et sincérité des comptes publics : les étonnantes convictions du Président Macron
©Dimitar DILKOFF / AFP

Surprenant

Le président de la République vient d'énoncer des propos denses lors de son interview au magazine Le Point, en évoquant son refus d'une loi de Finances en cours d'année. ‬‬‬‬‬‬‬Aussi denses que soumis à débat dans certains cas, voire à plein désaccord.‬‬

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Emmanuel Macron a l'immense charge de diriger la cinquième puissance du monde et depuis son élection aussi nette que légitime, il a eu à honorer de nombreuses responsabilités internationales. Chacun convient qu'il a tenu son rang. Certains vont jusqu'à effectuer des comparaisons avec l'ancien monde, autrement dit avec le pas incertain de son prédécesseur.

Au plan économique, les réformes sont en cours de déploiement : elles requièrent du temps et fort heureusement l'embellie conjoncturelle détectée devrait permettre d'accompagner favorablement le contenu de la " Transformation " voulue par le candidat Macron.

Au plan financier, cette embellie conjoncturelle va induire de meilleures rentrées fiscales ce qui facilitera, à la marge, l'équation budgétaire pour 2018.

En fait, la vraie question de fond concerne l'exécution du budget 2017 porteur de cadeaux empoisonnés laissés par l'équipe sortante. Dès octobre 2016, " Le cercle Les Echos " (http://lecercle.lesechos.fr/node/161944/) ou Atlantico avaient porté mon message d'alerte quant à la présence d'éléments non sincères dans les comptes publics.

On pourrait travailler des heures pour expliquer tout cela ( j'en accepte l'augure ) mais, ici et maintenant, il suffit de se référer à la déception et au courroux du président Macron lorsqu'il lui a été rapporté que la France ne pourrait pas respecter la barre juridique des 3% du PIB en matière de déficit public.

De cette vive déconvenue présidentielle que les personnes de bonne foi partagent car nos engagements européens font sens, il ressort néanmoins des propos un peu baroques dans l'entretien accordé au Point.

Il ne s'agit pas ici de se plier à un travail d'exégète ou de se livrer à une recension des lignes présidentielles. Chacun son métier, chacun ses compétences.

En revanche, il suffit de prendre un exemple connu de Messieurs Hollande, Cazeneuve, Le Drian, Sapin et Eckert. Il concerne la sous-estimation durant plusieurs années budgétaires du coût des OPEX.

Concrètement, les opérations militaires extérieures ont été sous-évaluées ( et non mésestimées comme le dit en creux l'actuel président en affirmant péremptoirement que nul ne sait jamais comment va se finir l'exécution d'une loi de finances ) et il a fallu recourir à plusieurs reprises à la pratique des " décrets d'avance "  (  http://www.senat.fr/commission/fin/decret_avance/decret_avance.html       )

J'observe, sans commentaire additionnel, l'importance et le caractère instructif du décret du 20 juillet 2017 dont je soumets au lectorat un extrait

Rapport relatif au décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance

Extrait :

" L'exécution prévisionnelle des dépenses des opérations extérieures et intérieures de défense excéderont la provision de 450 M€ inscrite en loi de finances initiale, comme l'a relevé la Cour des comptes dans son audit de la situation des finances publiques réalisé à la demande du Premier ministre. Ce surcroît de dépenses s'explique par l'activité des forces armées au-delà de leurs contrats opérationnels.
Compte tenu des modalités d'exécution de ces dépenses, la mise à disposition des crédits ne peut attendre la loi de finances rectificative de fin de gestion. L'interruption des paiements d'ici là porterait atteinte à la continuité des opérations sur les théâtres d'opération à l'étranger et sur le territoire national, ce qui justifie leur ouverture urgente.
Le financement de ces ouvertures est totalement gagé en CP par des annulations sur le périmètre du ministère des armées, qui contribue au-delà à l'équilibre du schéma global d'ouvertures et d'annulations du présent décret "

(https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2017/7/21/CPAB1720286P/jo          )

Plutôt que cette pratique, je revendique que notre Nation ait le droit au débat démocratique que permet un collectif budgétaire, autrement dit une loi de finances rectificative.

Je ne saurais partager le verbatim présidentiel qui conclut qu'une telle loi se finit toujours par le vote de hausses d'impôts. Une vérité statistique des erreurs d'avant ne met pas la France " en marche ".

Oui, un collectif était utile car les esquarres du cheval France qui est fourbu suite au matraquage fiscal du quinquennat précédent sont bel et bien là.

Certains semblent croire que tout sera réglé lors d'une opération de cautérisation au moment du PLF pour 2018.

C'est une illusion pour rester dans un registre respectueux.

C'est une erreur technique que mes anciens professeurs de finances publiques ( parmi lesquels Raymond Barre et Pierre Lalumière ) m'ont enseignée.

C'est donc un désaccord avec celui qui pouvait, dès juillet, déclencher un choc de confiance. (http://lecercle.lesechos.fr/node/169903/).

Pour conclure, je serais curieux de connaître l'opinion ciselée de Messieurs Michel Cicurel ( banquier et ancien du cabinet Barre ) et de Gérard Mestrallet ( Engie et ancien du cabinet de Jacques Delors ) quant à l'opportunité de souscrire une tranche de 10 milliards d'endettement à taux modéré sur 30 ans plutôt que de rafistoler la situation par un décret d'avance.

Leur position professionnelle respective les conduit nécessairement à une retenue de circonstances. Hélas pour le président Macron qui a manifestement pris langue avec des esprits moins acérés et qui a laissé une fraction de Bercy inquiéter le pays avec des annonces aussi sonores que parfois incongrues ( APL ).

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