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Gilles Gaetner : "la France est désormais gouvernée par un trio fusionnel"
©AFP

Macronisme

Dans son nouveau livre consacré aux 100 premiers jours de la présidence Macron, Gilles Gaetner revient sur l'importance dans le processus de décision d'Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée et du conseiller spécial du président, Ismaël Emelien.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Atlantico :  Votre introduction s’intitule : « La macronisme nouvelle doctrine politique ? »Tout au long de sa campagne, l’ancien ministre de l’Economie  s’est affirmé en homme pragmatique, aussi bien de droite que de gauche. Après 100 jours , que peut-on dire du style Macron ? Les promesses de changement ont-elles été respectées ?

Gilles Gaetner :  Sur deux points, à mon sens, Emmanuel Macron a réussi. Le premier a été de dépoussiérer la vie politique. Révolue l’époque où des élus depuis 30 ans attendaient les prochaines échéances électorales pour solliciter un nouveau mandat. Oui, tout cela appartient au passé. En attestent les 308 députés de la République en marche qui ont fait leur entrée à l’Assemblée nationale en juin. Deuxième point positif, c’est la volonté qu'a eue le président de ringardiser les partis politiques traditionnels. Et ça a marché : le Parti socialiste a explosé, les Républicains ont été anesthésiés et le FN, pour le moment, marginalisé. Si dans l’ensemble, le nouveau président a une vision assez claire de la société à laquelle il a aspire – mais les Français le suivront-ils ? -, Emmanuel Macron a choisi un mode de gouvernance assez, voire très, solitaire. C’est son côté Imperator et Jupitérien. Témoin, la tendance qu’il a à laisser un peu de côté ses  ministres et même son Premier ministre.

Car les choses, pour ceux qui fréquentent les allées du pouvoir, sont limpides : c’est un trio qui dirige le pays. Outre Macron, on y trouve Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée et le conseiller spécial du président, Ismaël Emelien, en qui il  a toute confiance. Au fond, à y regarder de près, c’est  une technostructure qui dirige le pays, laissant un peu de côté la représentation nationale. A propos de  la réforme du Code du travail, Emmanuel Macron a marqué quelques points : le patronat le soutient et les syndicats sont divisés. FO, au départ hostile, ne participera pas à la prochaine manifestation organisée par la CGT le 12 septembre Quant à la CFDT elle est déçue mais pas prête à rejoindre la CGT.

Le chef de l’Etat vient de passer un été un peu compliqué, marqué notamment par une chute brutale dans les sondages. Un des premiers tournants, selon vous, a été la démission du général de Villiers. Quelles ont été  les erreurs du président dans cette affaire ?

Un rappel d’abord : le pouvoir civil commande au pouvoir militaire en France.  Emmanuel Macron avait tout à fait le droit de virer le chef d’état-major des Armées, le général Pierre de Villiers. Se pose tout de même une question : cette démission, qui ressemble fort à un départ contraint a eu lieu après que le général, entendu à huis-clos par la Commission de la Défense nationale de l’Assemblée, ait vivement regretté - et même un peu plus - que le budget des Armées soit amputé de 825 millions d’euros. Il ne s’est pas privé de le dire à la représentation nationale. Mais comme dirait M. De La Palisse, huis-clos veut dire secret. Or ily a eu des fuites. Le président a su ce qu’avait dit le général de Villiers. Ce qui l’a rendu furieux. Le ton est monté entre les deux hommes. Le chef de l’Etat ne pouvait que l’emporter. Le général a-t-il commis une faute ? A notre avis, non, puisque ses propos ne devaient pas être divulgués. En réalité, ce clash, unique dans les annales de la République, est plus une affaire de forme que de fond.  Il est clair que la façon dont Emmanuel Macron a rabroué le général, en des termes fort peu courtois et la phrase qu’il a prononcée – " je suis le chef des Armées"  ne pouvait détendre l’atmosphère… Et le général de Villiers est parti. Sous les applaudissements du personnel du ministère de la Défense qui lui a fait une haie d’honneur, à Balard, nouveau siège du ministère de la Défense.

C’est de cette affaire que date le désamour entre le président et l’opinion. Un désamour qui s’est accéléré avec la baisse de 5 euros des APL. Ce qui d’ailleurs a pris de court le président et suscité, une nouvelle fois, son courroux. Si j’ai pris comme référence les 100 jours, c’est parce qu’il s’agit d’un chiffre symbolique qui permet de jauger les premières mesures prises par le nouveau pouvoir en place.  Mais il est vrai que l’on ne gouverne pas le nez dans les sondages. Mais les Français sont plein de contradictions : ils veulent des réformes… à condition qu’elles ne les concernent pas. Certes le trait est forcé, mais il y a du vrai. De même, ils auront vite fait de juger leur président mou s’il ne va pas assez vite, et trop pressé ou brouillon, s’il en fait… Je pense qu’aujourd’hui, Emmanuel Macron joue gros. Pour lui bien sûr, mais aussi pour le pays. S’il échoue, le risque est grand de voir les Français se tourner vers des mouvements extrémistes,  ceux-là même qui trépignent d’impatience pour prendre la place. Et là ce serait la voie libre pour l’aventure…

Vous estimez que l’expérience Macron est originale au moins parce qu’elle dépoussière la vie politique. Quels sont les écueils que va devoir éviter le président de la République ?  Et sur quoi et qui va-t-il devoir s’appuyer  pour connaître un quinquennat plus probant que ses prédécesseurs ?

A mes yeux, le président, le Premier ministre  et les ministres doivent multiplier les efforts pour que les députés de la République en marche soient davantage professionnels.  Car, ce n’est pas leur faire injure, mais bon nombre d’entre eux se sont révélés être des amateurs.  Moi qui ai suivi les débats à l’Assemblée nationale, en juillet, sur la moralisation de la vie politique, je peux en témoigner.  Certes la technique parlementaire ne s’apprend pas en un jour, mais tout de même, certaines propositions étaient parfois déconcertantes. Glissons aussi sur la façon dont l’Assemblée nationale a été  un soir, présidée par une députée de La République en marche. Le second handicap dont souffre l’actuel pouvoir, c’est évidemment, l’absence d’émergence, pour l’heure, d’un personnel politique de premier plan. Bref, de nouvelles têtes. Certains ministres sont trop effacés. A dire vrai, trois ou quatre ministres –sans compter les anciens, Gérard Collomb, Jean-Yves Le Drian, Bruno Le Maire- sortent du lot. Comme Christophe Castaner, le porte- parole  du gouvernement. Physique à la Yves Montand, il est parfait comme interprète de la pensée macronienne. Nicole Belloubet, la Garde des Sceaux, a montré, lors des débats sur la moralisation, une réelle maîtrise de son sujet, recadrant souvent à bon escient les députés un peu trop amateurs. Benjamin Griveaux,  secrétaire d’Etat auprès de Le Maire, semble promis à un bel avenir. Excellent tacticien, pas trop présent, pas trop absent, il pourrait être un candidat dangereux pour Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Citons encore Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education qui sait ce qu’il veut faire pour l’école.

Nous venons de le dire, Macron manque de troupes.  Après tout ce n’est guère surprenant : il hérite d’un personnel  qui est arrivé à la politique il y a à peine six mois. A l’inverse, un François Mitterrand lorsqu’il est entré à l’Elysée en mai 1981, pouvait compter sur des hommes qui s’étaient forgé dans l’opposition et qui venaient d’un Parti socialiste revivifié. Ainsi, les Pierre Joxe, Gaston Defferre et autres Pierre Mauroy. Le général de Gaulle, revenu aux affaires en 1958, pouvait, lui aussi, compter sur des fidèles expérimentés qui avaient connu la Résistance et milité au RPF à la Libération.

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