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Sommet de Paris sur les migrants : pourquoi l’Europe porte une lourde responsabilité dans un phénomène qu’elle considère à tort comme une fatalité
©REUTERS/Benoit Tessier

C’est pas ma faute à moi

Lundi, sept pays européens et africains se sont réunis à l’initiative de la France pour se pencher sur la crise migratoire. Une crise que les états européens auraient tout à fait pu anticiper.

Atlantico : Ce lundi 28 août se tenait le Sommet de Paris, ou Emmanuel Macron réunissait ses homologues allemand, italien, espagnol, tchadien, nigérien, et libyen afin de traiter de la question des migrants. En quoi cette crise migratoire est elle réellement une "fatalité"? En quoi les états européens sont ils responsables de la situation ?

La crise migratoire européenne n’est nullement une fatalité, puisque nous avons affaire à des mouvements de population illégaux d’ordre structurel depuis le début des années 2000, qui varient en volume d’une année sur l’autre, mais dont les flux ne se tarissent pas pour plusieurs raisons, dont le maintien d’un écart de développement significatif entre l’Europe et les autres continents, une démographie qui demeure dynamique dans les pays pauvres, produisant potentiellement des excédents de population jeune, et la persistance du mythe de l’eldorado européen. Si les dirigeants européens s’intéressaient un peu plus aux questions démographiques, ils auraient pu éventuellement anticiper le phénomène et adapter leur politique migratoire en conséquence, que cette dernière prône plutôt l’ouverture ou la fermeture.

Or, les états européens n’ont rien prévu, privilégiant le court terme, et se sont laissé déborder par l’ampleur des flux, une fois qu’ils sont devenus trop importants pour être gérés de manière efficace sans préparation à l’avance, en l’occurrence à l’occasion de la crise des migrants syriens de l’été 2015. Cette situation témoigne d’une incapacité des états européens à dégager une position commune sur un des grands sujets du moment. En effet, contrairement aux Etats-Unis, l’Union Européenne n’est pas un Etat et n’arrive donc à mener une politique unique, chaque Etat membre ayant sa propre vision des choses et sa propre politique en la matière, avec une tendance à transférer le problème chez son voisin. En gros, c’est comme-ci, le Texas et l’Alabama avaient chacun un point de vue différent conduisant à une politique différente sur le sujet. Or, aux Etats-Unis, cela ne se passe pas de cette manière, l’Etat central mène une politique unique, qui s’impose à tous. C’est l’absence d’un Etat fédéral européen, qui est à l’origine de la situation actuelle.

Du point de vue européen, alors qu'Angela Merkel semble vouloir jouer la discrétion sur ce sujet en pleine période électorale, Emmanuel Macron pourrait être considéré comme le seul "recours" possible pour le gouvernement de Paolo Gentiloni, qui cherche à "relocaliser" au maximum les 93 000 migrants arrivés sur ses côtes depuis le début de l'année.  Pourtant, selon la Commission européenne, dans son rapport du 26/07, la France n’accueillerait plus de migrants en provenance d'Italie depuis plus de 3 mois. Que sait on du nombre de migrants arrivés en France depuis le début de l'année, et au cours de ces dernières années, que ceux ci soient arrivés par voie de "relocalisation", ou autres moyens "légaux" et du nombre de personnes arrivés illégalement sur le territoire ? Par quels moyens ?  

Nous ne disposons pas de données statistiques fiables concernant les mouvements des migrants, une fois qu’ils ont pénétré sur le sol européen. En effet, si Frontex fait un travail remarquable de comptabilisation des nouveaux entrants par voie maritime ou terrestre aux frontières de l’Union Européenne, étant donné la libre circulation des personnes au sein de l’Union, il est impossible de savoir ce que deviennent les migrants arrivant en Italie par exemple. Restent-ils dans le pays, se rendent-ils plutôt en France, au Royaume-Uni ou en Allemagne ? Il est difficile de le dire, cela variant fortement selon les pays d’origine. Nous disposons de statistiques a posteriori sur les nouveaux demandeurs d’asile dans les pays d’accueil, mais nous n’avons pas d’information sur la date ou le pays par où ils sont entrés en Europe et leur parcours au sein du continent. En outre, une partie des migrants ne cherche pas à se procurer des papiers dans un premier temps, restant dans une clandestinité totale. En conséquence, nous sommes face à un flou statistique concernant l’immigration clandestine. D’une certaine manière, les migrants se relocalisent tout seul, ils n’attendent pas l’accord des dirigeants européens pour se déplacer au sein de l’Union!

Les différents gouvernements européens sont confrontés à un électorat de plus en plus opposé à l’accueil des migrants, alors que dans le même temps, les flux en provenance du continent africain sont régulièrement annoncés à la hausse. Comment anticiper une situation qui semble insurmontable politiquement parlant ? Quels pourraient être les résultats, à terme, d'un telle contradiction ? 

Tout d’abord, il convient de rappeler que les flux de migrants clandestins en Europe au cours de l’année 2017 sont sensiblement moindres qu’en 2016 et 2015, donc l’impression de hausse continue ne reflète pas la réalité. Les flux varient d’une année sur l’autre, en fonction des crises géopolitiques et économiques que traversent les pays du Tiers-Monde.

Cependant, il est vrai que les flux s’accumulant au fur-et-à-mesure du temps, ne semblant jamais se tarir, le nombre de migrants sur le continent européen augmente constamment, dans un contexte de rejet de plus en plus fort de l’immigration (légale comme illégale par ailleurs) de la part d’une large partie de la population européenne, qui craint de devenir à terme minoritaire sur son propre continent et qui redoute les conséquences sécuritaires de l’arrivée massive de migrants, à une époque de recrudescence du terrorisme islamiste.

Il s’en suit des conséquences politiques certaines, qui sont la montée des votes populistes, mais aussi des prises de décision, qui peuvent s’avérer économiquement risquées, comme le fut le cas du Brexit, uniquement pour des raisons migratoires. En effet, c’est la mauvaise gestion de la crise des réfugiés syriens par l’Union Européenne, qui a fait définitivement basculer la majorité des britanniques vers la sortie de l’Union Européenne. Cette dernière ne se serait probablement pas produite, s’il n’y avait pas eu de crise migratoire et d’attentats terroristes.

Concernant le futur, par définition imprévisible, la seule certitude qui émerge, c’est que la gestion de l’immigration constitue l’un des principaux enjeux du devenir du continent européen et que si l’amateurisme et l’impuissance manifeste de nos dirigeants à s’occuper sérieusement du sujet continue de prévaloir, les conséquences pourraient s’avérer beaucoup plus brutales que le Brexit, les lendemains ne risquant pas de chanter... Par contre, dans une vision optimiste, une action efficace, faisant suite à une véritable prise de conscience de l’ampleur du problème et de ses potentielles conséquences négatives, permettrait à l’Union Européenne de prendre un nouveau départ, mais pour cela il faudrait qu’il y ait un leadership fort et qui fasse consensus au sein des Etats membres, ce qui n’est pas gagné ! Il est à craindre que, comme bien souvent dans nos démocraties, les dirigeants européens ne finissent par réellement prendre le taureau par les cornes que le jour où il y aura une catastrophe consécutive de la mauvaise gestion de l’immigration (acte terroriste de type 11 septembre commis par des migrants ou pogrom anti-migrants commis par des « autochtones », suivant d’où proviendra la violence).

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