Quand l'Afghanistan s'invite dans la campagne présidentielle américaine<!-- --> | Atlantico.fr
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Le calendrier actuel envisage un retrait de toutes les troupes combattantes d’ici décembre 2014 et le maintien sur place de troupes d’instruction.
Le calendrier actuel envisage un retrait de toutes les troupes combattantes d’ici décembre 2014 et le maintien sur place de troupes d’instruction.
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Trans Amérique Express

Les États-Unis ne veulent plus jouer le shérif du monde libre et ne considère plus sa présence en Afghanistan comme un "intérêt vital". Mais à six mois de la présidentielle, un retrait soudain des troupes américaines pourrait nuire à l'administration Obama.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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L’Afghanistan et la politique étrangère se sont immiscés dans la campagne présidentielle américaine. Le débat porte ce qui constitue les « intérêts vitaux des États-Unis ».

« Nous venons de vivre des semaines difficiles et complexes en Afghanistan, chacun a pu le constater… » Avec un sens aigu de la litote qui caractérise sa fonction de diplomate, Hillary Clinton a ainsi résumé les incidents qui se sont multipliés en Afghanistan.

Début janvier une vidéo circulait sur le net montrant des soldats américains urinant sur les cadavres de combattants talibans. Le 22 février sur la base de Bagram, des militaires brûlaient quatre Corans, provoquant la colère des populations locales. Ces Corans étaient utilisés par les prisonniers talibans pour communiquer avec l’extérieur. C’est en découvrant leurs pages couvertes de messages que les Américains avaient décider de les détruire, sans penser qu’il fallait les enterrer et pas les brûler… Le 11 mars enfin un militaire américain ouvrait le feu sur des civils afghans, dans un accès de folie, faisant 16 morts. Il a été arrêté et sera jugé aux États-Unis. Il risque la peine de mort. Le président Obama a présenté ses excuses au président Karzaï.

Celui-ci n’en demande pas moins le départ accéléré des troupes américaines, et l’évacuation des villages. « L’Afghanistan est en mesure d’assurer seul sa sécurité », affirme-t-il.

En vérité Obama ne demande pas mieux que de rapatrier ses GI’s. A  condition d’en trouver la manière. Car à six mois du scrutin présidentiel, l’image d’un départ précipité et désordonné  pourrait avoir un effet désastreux.  

Le calendrier actuel envisage un retrait de toutes les troupes combattantes d’ici décembre 2014 et le maintien sur place de troupes d’instruction. Il reste environ 90 000 soldats américains en Afghanistan. Dix mille sont rentrés à l’automne 2011. Vingt-deux mille autres doivent rentrer d’ici l’automne 2012.  Ce chiffre ne devrait pas changer. Par contre il est probable que les troupes américaines se cantonnent désormais dans leurs bases. Afin d’éviter les bavures, et les accrochages.

Aux yeux des Américains, mourir pour l’Afghanistan, n’est plus une nécessité vitale! C’est peut-être même un sacrifice inutile.  60% des américains souhaitent un retrait immédiat d’Afghanistan. 68% sont favorables à un arrêt des missions  de combats. Les Américains ne sont plus que  29% à penser que cette guerre peut  être « gagnée ».

Les candidats républicains se sont emparés de la question. Pour critiquer Obama, certes, mais aussi s’attaquer les uns les autres.  La politique étrangère américaine, jusqu’à présent absente de la campagne, est ainsi entrée dans le débat.

Mitt Romney, jusqu’à présent ardent défenseur de l’engagement américain,  s’en est pris à Obama, pour son « manque de leadership dans ses relations avec Karzaï ». « Le seul calendrier de retrait qui vaille est celui dicté par les généraux », dit-il. Il importe de soutenir les troupes sur place. Par contre « un tel engagement  ne devrait pas être renouvelé à l’avenir ».

Santorum, tout comme Romney, soutenait cette guerre tant qu’elle était celle de George W. Bush. A présent qu’elle est devenue celle d’Obama, il adresse les plus vives critiques au président : « si on veut gagner une guerre on ne peut pas communiquer la date de son départ à l’adversaire… il faut soit se donner les vrais moyens de l’emporter, soit se retirer au plus tôt… ».

Gingrich jouant sur un registre plus nationaliste, a clairement pris ses distances avec le conflit : « Nous mettons en péril  la vie de jeune gens et jeunes femmes au service d’un objectif qu’on ne peut pas atteindre…Il nous faut comprendre que notre présence dans des pays comme l’Afghanistan est contre-productive. Nous ne sommes pas suffisamment impitoyablespour imposer le changement et restons perçus comme une force étrangère.»  A l’été 2010 il estimait que le nombre de troupes sur place n’était pas suffisant, pour atteindre l’objectif fixé d’un Afghanistan pacifié et « démocratisé ». A la lumière des incidents récents, il estime au contraire que « les Afghans doivent  se préparer à affronter leur misérable existence  tout seuls ».

Ron Paul, n’a pas varié d’un pouce dans ses positons. Opposé à cette guerre depuis le début, il y reste opposé,  tout comme il oppose  tous les confits qui ne mettent pas directement en jeu les « intérêts vitaux des États-Unis »

En 2001, après les attentats du 11 septembre, les États-Unis étaient intervenus au nom de leurs intérêts vitaux. Des terroristes abrités par le régime taliban venaient de frapper leur population sur leur territoire, il s’agissait d’éliminer cette menace, dans un premier temps et de faire en sorte qu’elle ne puisse ressurgir dans un second. Pour mener leur guerre seuls, ils n’avaient d’ailleurs invoqué ni le chapitre VII de la charte de l’Onu, ni l’article V du traité de l’Otan. Ce n’est qu’à la fin des combats que la communauté internationale avait été appelée à soutenir l’effort de reconstruction et l’Isaf mise en place.

L'Afghanistan n'est plus un « intérêt vital »

Onze ans plus tard, Ben Laden tué, son réseau démantelé, les Américains considèrent de plus en plus que la situation intérieure de l’Afghanistan n’est plus un « intérêt vital », mais simplement un des nombreux « intérêts nationaux » et donc qu’elle ne justifie plus une présence militaire active.

Après des années d’interventionnisme tous azimuts le consensus des Américains se reforme autour de la doctrine Reagan : n’intervenir que lorsque les intérêts vitaux des États-Unis sont menacés.

Dans le contexte de la guerre froide, Reagan croyait à la nécessité de combattre l’Union soviétique sur  tous les fronts. Y compris par des actions clandestines, comme au Nicaragua. Mais de rester en dehors des autres conflits. C’est lui qui avait présidé au désengagement  américain du Liban et du Proche Orient. La première guerre du Golfe avait fait voler cette doctrine en éclat et contribué à un déploiement massif de troupes américaines dans la région. Sous Clinton, l’Amérique s’était engagé en Afrique et en Europe, à deux reprises. L’administration Bush avait, à partir de 2002, poursuivi une politique interventionniste pour remodeler le monde, en particulier le Moyen Orient , en sa faveur.

Cette période est en train de se refermer. Si les Américains restent soudés derrière leur armée (81% en ont une opinion favorable),  ils sont désormais une majorité à penser que des coupes dans le budget de la défense n’affecteraient pas la sécurité du pays.  Seuls 25% d’entre eux pensent encore que l’Amérique doit dépenser plus pour se défendre.

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