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Ce que va changer la déclaration de Donald Trump dénonçant “la haine, la bigoterie et la violence” des groupes suprémacistes
©NICHOLAS KAMM / AFP

Du neuf

Accusé d'être resté silencieux après les violences qui ont secoué la ville de Charlottesville, le président américain a changé de ton en dénonçant "des criminels" et en affirmant que "le racisme, c'est le mal". Des déclarations qui pourraient annoncer un tournant dans son mandat.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Atlantico : Dans une déclaration faite à Washington, Donald Trump a condamné la haine, la violence, et le sectarisme de groupes comme le KKK et les suprémacistes blancs (en omettant l'alt-right). Le Président des Etats-Unis a également rappelé la déclaration des droits, "nous tenons cette vérité comme allant de soi : nous sommes tous égaux", tout en condamnant le racisme. Dans quelle mesure cette déclaration peut-elle être considérée comme un tournant du mandat de Donald Trump ?

Jean-Eric Branaa : Toute la question est là. On attendait une déclaration forte du président. Elle est venue, elle est importante avec la citation de la déclaration d'indépendance. Il rejette toutes les idées de violence de racisme qui s'inscrit dans l'Histoire des Etats-Unis. Il se réinscrit dans cette histoire alors que sa candidature et son élection avait fait exploser les modèles mêmes. On s'aperçoit ensuite que ce n'est pas si simple. Ça vient après six mois de tensions extrêmes dans le pays avec deux camps à cran, celui des pros et des antis Trump pour faire très simple. Le camp des progressistes et des Républicains certainement mais cela s'inscrit beaucoup autour de la personne de Trump. On voit bien qu'aujourd'hui on ne lui passe plus rien. Après lui avoir reproché de ne pas avoir fait des déclarations, les mêmes lui reprochent de les avoir faites trop tard puisque 36heures sont passées et qu'elles "ne se rattraperont pas". C'est un jugement sévère mais qui reflète le fait que cette société est à fleur de peau et qu'il faudra beaucoup de temps pour dépasser ces divisions.

Ce qui pourrait être considéré comme un tournant de son mandat c'est si Trump poursuit dans la logique dans laquelle il s'est engagé avec cette déclaration. Jusqu'à maintenant il était toujours resté très flou vis-à-vis de ces groupes qu'il a dénoncé avec force mais ça n'a pas été le cas par le passé. Il y a deux choses qui sont attendues, la première qu'il tourne le dos à ces groupes et on pense aux conseillers les plus "troubles" autour de lui comme Steve Bannon ou Stephen Miller. Il va falloir qu'il explique la nature de ses relations avec ces personnalités voir qu'il les écarte, il  a une réelle attente sur la question de son entourage.

Deuxième chose : quelle réponse va-t-il apporter à ces divisions ? L'attente après le diagnostic c'est comment va-t-il soigner le mal ?

Quels pourraient être les effets d'une telle déclaration, aussi bien sur son électorat que pour les membres du Congrès ?

Son électorat est composé de plusieurs groupes et n'est pas un électorat uni qui partage forcément tous les mêmes idées évidemment. Il y a aujourd'hui une partie de cet électorat qui est très troublé, celui qui est proche de ces groupes d'extrême droite. Ceux qui viennent de ces groupes doivent se sentir orphelins en se disant qu'ils se sont trompés. Ou alors ils seront dans le déni et vont dire qu'on a obligé Trump à faire ces déclarations.

Dans les rangs du parti des républicains on doit se sentir très soulagé puisqu'il fallait sortir de cette image de raciste, d'antisémite et de violent. Pour la plupart des leaders, la réaction va certainement être de dire "c'est bon il a fait sa déclaration, circulez, il n'y a rien à voir".

Reste les anti Trump qui, je pense, ne vont pas lâcher, ils ont là un point d'appui très fort pour dire que l'arrivée de Donald Trump a emmené le "chaos" dans le pays.

Donald Trump semble être pris dans la plus difficile séquence depuis le début de son mandat, des évènements de Charlottesville aux menaces faites à l'égard Pyongyang et de Caracas. Comment le président peut-il sortir de cette séquence ?

Il  a eu beaucoup de séquences compliquées pour Donald Trump depuis qu'il est président et même avant. On a vu qu'il sait faire le dos rond et sait rebondir. Il va faire la même chose encore une fois, il va continuer son travail, il met la pression sur la Chine pour essayer de résoudre le dossier Pyongyang. Ce qui marche plutôt pas mal puisqu'hier matin les Chinois ont ordonné le gel des importations de produits coréens. Ils commencent donc à appliquer la résolution 23-71 de la semaine dernière (beaucoup plus sévère que celle de 2016).

Il y a un milliard de dollars en jeu dans cette affaire, ce qui est énorme pour Pyongyang et pourrait inciter Kim Jong-un à revoir sa position vis-à-vis de la communauté internationale en, pourquoi pas, dénucléarisant son pays.

Plus généralement sur ce dossier Nord-Coréen, il y a beaucoup de possibilités de sortis honorables. Les Américains répètent qu'ils ne veulent pas appliquer une politique de remplacement, Kim a peur de subir le même sort que Kadhafi. On pourrait envisager une demande de gel du programme nucléaire Nord-Coréen en demandant à Kim Jong-un de ne pas le poursuivre, ce qui serait une sortie honorable pour tout le monde et une grande victoire pour Trump qui montrerait qu'il a pu appliquer le droit sur ce dossier.

Donald Trump va rebondir, il y a suffisamment de dossiers devant pour que l'on parle très vite d'autre chose. Dans une semaine on rentre dans les négociations de l'Alena, ce qui n'est pas rien et cela va intéresser le monde entier. Il  a aussi prochainement la réunion de l'ONU en septembre suivit de celle de l'OMC, le calendrier est donc bien chargé.

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