Bruno Le Maire à la tête de l’Eurogroupe ? Ce que la France a à gagner si elle parvient à obtenir les nominations clés souhaitées par Emmanuel Macron<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Bruno Le Maire à la tête de l’Eurogroupe ? Ce que la France a à gagner si elle parvient à obtenir les nominations clés souhaitées par Emmanuel Macron
©Reuters

Eurogroupe

Selon les informations publiées par le Financial Times, l’exécutif français serait passé à l'offensive pour obtenir des nominations à des postes clés au sein des institutions européennes.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

Voir la bio »

Atlantico : Bruno Le Maire serait soutenu par Paris pour prendre la tête de l'Eurogroupe, mais la France lorgnerait également sur la présidence du groupe de travail Europrgoupe, un poste que pourrait occuper Odile Renaud-Basso, actuelle directrice du Trésor. D'autres postes seraient envisagés à plus longue échéance. Quelles sont les chances de la France d'obtenir satisfaction, aussi bien pour ces nominations que pour celles à venir, notamment à la BCE ? 

Christophe Bouillaud : Les chances sont médiocres dans la mesure où la France s’est distinguée, depuis 2005 au moins, par son absence de visée européenne bien claire. Certes, le Président Macron veut rompre avec cet attentisme et cette absence de visée stratégique autre que le sauvetage de l’Union européenne, mais il ne peut changer d’un coup une image construite depuis près d’une quinzaine d’années. Cependant, si l’on regarde l’ensemble des postes dirigeants de l’UE actuelle, on sent bien que la sous-représentation de la France- en dehors de l’obligation d’avoir un Commissaire européen – n’est guère tenable à terme, et cela d’autant plus qu’avec le départ du Royaume-Uni le poids relatif de la France dans l’ensemble ne peut qu’augmenter à proportion. 

Quels seraient les bénéfices pour Paris d'obtenir de tels postes ? Dans quelle mesure la France est elle sous représentée actuellement par rapport à son "rang" européen ?

Il faut bien distinguer le fait d’avoir obtenu un poste et le fait d’en faire ensuite un bon usage pour l’Union européenne et pour son propre pays. Le passage de Madame Ashton à la tête de la diplomatie européenne restera ainsi le bon exemple d’un pays qui a obtenu un poste pour l’un des siens à son propre détriment et à celui de l’Union européenne. On serait de même bien en peine de décrire en quoi le statut de Commissaire européen aux affaires économiques de Pierre Moscovici avantage en quoi que ce soit la France et encore moins l’Union européenne. Il ne suffit pas d’obtenir un poste, encore faut-il avoir le caractère, l’entregent et les idées claires pour l’occuper. Mario Draghi serait à l’inverse l’exemple de celui qui, pour le temps présent, a sublimé son poste. Javier Solana quand il était responsable des affaires étrangères fut aussi un homme qui sut faire plus avec moins.

Autrement dit, ce n’est pas tant le fait que la France n’occupe effectivement aucun poste important actuellement que le fait que les derniers exploits de grands politiques ou commis de l’Etat venus de France commencent à dater sérieusement. Jacques Delors a quitté les affaires depuis un moment – 1995 pour le rappeler à vos lecteurs. Pour l’instant, les seuls de nos concitoyens qui comptent au plus haut niveau, ce sont Benoit Coeuré, l’un des membres de la tour de contrôle de la BCE, et Michel Barnier, qui est en charge de négocier le Brexit au nom de l’Union européenne.  

Une plus grande présence de la France au sein des institutions européennes serait elle de nature à changer les rapports de force ? Faut il s'attendre à des changements de cap économique dans de telles circonstances ?

En fait, pour obtenir ces nominations, il faut déjà que les rapports de force aient un peu changé en faveur de la France. Cela montrerait la capacité de conviction (ou de pression) de l’actuel pouvoir politique en France. Ensuite, tout dépend des personnalités promues. A priori, on voit mal un Bruno Le Maire, grand prêtre de la rupture néo-libérale en France se découvrir une âme de néo-keynésien croyant à l’investissement social et la transition écologique façon Michel Aglietta une fois devenu l’homme en charge de surveiller les budgets des pays de l’Union. Idem pour la haute fonctionnaire citée. En même temps – pour utiliser la tournure fétiche de 2017 -, les grands dirigeants se distinguent justement par leur capacité d’adaptation aux circonstances. C’est surtout face à une nouvelle crise que l’on pourrait éventuellement voir la différence avec la gestion actuelle de l’Europe. Il peut y entrer aussi une bonne part de réel nationalisme : sauver l’Europe et la France. Cependant, n’est pas Draghi qui veut, sauveur de son pays et de l’Union. Qui aurait dit en effet au moment de la nomination de Mario Draghi à la tête de la BCE qu’il mènerait une politique monétaire si éloignée de l’orthodoxie monétaire en vigueur ? Personne, à l’époque, il était un « vrai allemand » digne du casque à pointe pour le journal BIld… Un massacreur de l’épargnant d’outre-Rhin désormais pour le même journal populaire. Etre mobile, voilà bien un slogan à la Macron. C’est surtout une personnalité de ce type qui pourrait redonner son lustre l’influence française en Europe. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !